avait tout du Méridional. Paul Alexis l'a exactement dépeint comme un de ces soldats romains qui purent conquérir le monde. Laurent Tailhade a dit de lui, dans une conférence, à Tours: ?C'est un Latin à tête courte du littoral méditerranéen, le Ligure de Strabon, équilibré, solide et fier.? Il n'avait rien du Méridional bavard et turbulent, personnage de vaudeville. Nous nous représentons le plus souvent les Méridionaux, dans le passé, comme de galants troubadours et de gais tambourinaires. Ils nous semblent occupés, dans l'histoire, à tenir des cours d'amour, dans la vie contemporaine, à trépigner, quand se déroule le ruban des farandoles, à gesticuler dans les cafés, à hurler dans les meetings, et, entre temps, préoccupés de placer de l'huile ou du vin. Ce type existe, mais il en est un autre. Le Midi de l'Escorial et de Philippe II, des Camisards et des Verdets, de Trestaillons et de Jourdan Coupe-Têtes, n'est pas précisément joyeux. Jules César, Napoléon, Garibaldi, Gambetta, qui sont bien des Méridionaux, ne sauraient passer pour des hilares et des comiques. Si Tartarin est un Méridional, il ne résume pas toute la race latine. Dans le choc formidable qui se produisit, lors de la campagne des Gaules, c'étaient les hommes venus de l'Armorique, de la Belgique, des forêts du pays des éduens, et des massifs montagneux du territoire des Arvernes, qui riaient, criaient, chantaient et mêlaient, aux brutalités guerrières, les bavardages sans fin, dans les festins tumultueux qui suivaient les combats. Ces géants blonds des pays septentrionaux, étaient d'une exubérance démonstrative et d'une intarissable loquacité. Ils formaient contraste avec le calme opiniatre des légionnaires d'Italie, qui, lentement, posément, envahirent et gardèrent le sol gaulois.
émile Zola est un Méridional né à Paris, emporté, tout enfant, tout inconscient, dans son milieu originel, y redevenant homme du Midi, sobre, tenace et taciturne, revenant ensuite dans la grande ville cosmopolite, et en partie méridionale par afflux universel, mais cité du Nord maritime, par le climat et les moeurs. Il a traversé sans se mélanger, comme le Rh?ne le Léman, l'énorme capitale, sans perdre rien de sa saveur natale, de ses qualités de terroir, sans y diluer ce qu'il tenait de l'hérédité. C'est à Aix-en-Provence, et dans sa banlieue, qu'il acquit les premières initiations intellectuelles; c'est dans cette ville qu'il subit cet ensemencement du cerveau, plus pénétrant chez les jeunes gens de seize à vingt ans, destinés à grandir et à se développer hors du sillon d'origine. Il n'est pas Méridional pur sang. Les croisements sont favorables aux perfectionnements des produits, déclarent les embryogénistes. Zola, comme plusieurs hommes supérieurs, eut une généalogie complexe, et sa filiation est mixte.
L'hérédité joue un r?le considérable dans la formation des intelligences et des caractères. Il est douteux pourtant que son r?le ait l'importance qu'on lui attribue souvent, et que Zola a propagée, d'après les doctrines du docteur Lucas. Les Rougon-Macquart sont issus de la volonté de l'auteur d'étudier les dispositions héréditaires d'un certain nombre d'individus, et les déformations psychologiques que les tares et les dégénérescences peuvent produire chez ces êtres, placés dans des milieux différents et dans des conditions sociales antagonistes. J'estime qu'il y aurait de l'exagération, et, par conséquent, erreur scientifique, à vouloir appliquer le fatalisme de l'hérédité, d'une fa?on absolue, à ce qui est du domaine sentimental, intellectuel et moral.
Dans la formation du cerveau et du moral de Zola, on ne saurait trouver trace forte de l'hérédité. Dans sa constitution physique, on observerait plut?t une transmission sérieuse. Le père de Zola était vigoureux et bien constitué. C'était un homme de petite taille, trapu et brun, comme l'auteur des Rougon-Macquart. Il avait une bonne santé. Il est mort jeune, il est vrai, à cinquante et un ans, mais d'une affection accidentelle, à marche rapide: une pleurésie contractée en voyage. Sans le refroidissement dont il fut atteint, en visitant des travaux, risque professionnel, pour ainsi dire, il e?t probablement vécu de longues années. Un accident a, de même, interrompu l'existence d'émile Zola. L'hérédité n'a rien à voir dans cette triste co?ncidence.
Comme son père, émile Zola n'avait aucune maladie organique. Voici, d'après l'examen qu'a fait de lui le docteur Edouard Toulouse, médecin de l'asile Sainte-Anne, la description physique d'émile Zola, à l'age de cinquante-six ans, en 1896, par conséquent:
C'est un homme d'une taille au-dessus de la moyenne, d'apparence robuste et bien constitué. Le thorax est large, les épaules hautes et carrées; les muscles sont assez volumineux, bien que non exercés. Il existe un certain embonpoint. La peau est blanche, rosée, ridée en certains endroits; le tissu cellulaire est abondant. Les cheveux et la barbe étaient bruns; ils grisonnent aujourd'hui. Les poils sont très fournis sur tout le corps, et notamment sur la partie antérieure du thorax. La tête est grosse, la face large, les traits assez accentués. Le regard est scrutateur, doux et même rendu un peu
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