qui
a cessé d'exister, parce qu'il n'avait plus sa raison d'être dans les
conditions sociales où il se trouvait, c'est tenter un effort impossible,
c'est lutter vainement contre la force des choses, c'est méconnaître la
nature de la société, qui tend sans cesse au progrès par le changement,
c'est résister au dessein même de la Providence, qui, en créant l'homme
libre et intelligent, n'a pas voulu que son génie restât éternellement
stationnaire et captif dans une forme déterminée; et cette vérité
s'applique aussi bien au grec qu'au gothique; car il n'est pas plus
possible a l'esprit humain, dans le temps où nous sommes, de revenir au
siècle de Périclès ou d'Auguste, que de reculer à celui de saint Louis.
À l'appui de ces idées générales présentées par plusieurs de nos
confrères, l'Académie a entendu des observations particulières dictées
pareillement à quelques autres de ses membres par la connaissance
profonde de l'art qu'ils exercent. Elle a pu se convaincre que, sous le
rapport de la solidité, les églises gothiques manquaient des conditions
qu'exigerait aujourd'hui la science de l'art de bâtir. Il est certain que la
hauteur de ces édifices, se trouvant hors de proportion avec leur largeur,
il a fallu les étayer de tous côtés, pour empêcher, autant que possible,
l'écartement des voûtes. Ceux qui admirent à l'intérieur l'effet de ces
voûtes si élevées et en apparence si légères, et qui se laissent aller, en
les contemplant, à l'effet d'une rêverie pieuse et d'une disposition
mystique, ne se donnent pas la peine de réfléchir que cet agréable effet
est acquis à l'aide de ces nombreux arcs-boutants et de ces puissants
contreforts, qui masquent toute la face extérieure de ces édifices, et qui
représentent réellement en pierre l'énorme échafaudage nécessaire pour
les appuyer. Or, est-il possible de nier que cet aspect extérieur des
églises gothiques ne nuise essentiellement à l'effet qu'elles produisent à
l'intérieur, et qui n'est acheté qu'aux dépens de la solidité, première
condition de toute construction publique!
Sous d'autres rapports, l'architecture gothique n'offre pas moins de ces
inconvénients qu'il semble impossible de justifier par les lois du goût,
et de concilier avec l'état de civilisation des sociétés modernes. Il n'y
règne, dans la distribution des membres de l'architecture, aucun de ces
principes qui sont devenus la règle de l'art que parce qu'ils étaient le
produit de l'expérience. On n'y voit aucun système de proportions; les
détails n'y sont jamais en rapport avec les masses; tout y est capricieux
et arbitraire, dans l'invention comme dans l'emploi des ornements; et la
profusion de ces ornements à la façade de ces églises, comparée à leur
absence complète à l'intérieur, est un défaut choquant et un contre-sens
véritable. Mais que dire de la disposition et du goût des sculptures
employées à la décoration des églises gothiques, et qui, aussi bien que
les vitraux coloriés, en sont certainement un élément essentiel? Ces
figures si longues, si maigres, si roides, à cause du champ étroit qu'elles
occupent et qui tient à l'emploi général des formes pyramidales; ces
figures sculptées en dehors de toutes les conditions de l'art, sans aucun
égard à l'imitation de la nature, et qui semblent toutes exécutées d'après
un type de convention, peuvent bien offrir au sentiment religieux
l'espèce d'intérêt qu'elles reçoivent de l'empreinte de la vétusté, et
qu'elles doivent à leur imperfection même, et à ce qui s'y trouve de naïf,
en même temps que de traditionnel. Mais, si on les comprend, si on les
excuse, à raison de l'ignorance des temps dont elles sont l'ouvrage,
voudrait-on, pourrait-on les reproduire aujourd'hui que nous sommes
habitués à traiter la sculpture autrement, aujourd'hui que la vérité est
pour nous la première condition de l'imitation, et la nature le seul type
de l'art? Où trouverait-on parmi nous des artistes capables de
désapprendre assez tout ce qu'ils ont étudié, de se détacher assez du
modèle vivant qu'ils ont sous les yeux pour refaire des figures
gothiques? Et si, dans ces tentatives désespérées d'un art qui chercherait
à se renier lui-même, il restait un peu de cette vérité imitative à laquelle
l'oeil et la main de nos artistes sont nécessairement accoutumés: si l'on
y sentait quelque chose qui accusât la nature, ne serait-on pas fondé à
dire que ce n'est plus là de la sculpture gothique? et ne refuserait-on pas
avec raison à ces fruits avortés d'une contrefaçon malheureuse, l'estime
et l'intérêt qui ne sont dus qu'à des oeuvres originales?
Il en serait certainement de même de la peinture, qui aurait de plus à
lutter contre le jour faux produit par les vitraux coloriés, et qui verrait
tout l'effet de ses tableaux détruit par cette illumination factice. Il
faudrait donc renoncer à exécuter des peintures dans nos nouvelles
églises gothiques; et ce serait là véritablement, avec la perte de l'art, la
condamnation de notre siècle. Dira-t-on que les peintures,
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