Discours Civiques de Danton | Page 8

Georges Jacques Danton
reproduire les discours où il exposa ses vues politiques, le plus
complètement et le plus longuement, s'imposait donc. Ce fut d'ailleurs la méthode dont se
servit, en 1886, A. Vermorel, pour réunir quelques discours du conventionnel sous le titre:
Oeuvres de Danton, comme il avait recueilli celles de Saint-Just, de Robespierre, de
Mirabeau et de Desmoulins. Ce fut la seule tentative faite pour réunir les discours du
ministre du 10 août; mais, outre les erreurs de dates assez sérieuses, Vermorel n'avait pris
aucun soin de résumer ou de donner la brève physionomie des séances où les discours
publiés furent prononcés. Nous avons essayé de combler cette lacune, d'éclairer ainsi
certains passages qui pouvaient sembler obscurs. Enfin, nous avons cru utile de joindre à
ce volume le mémoire justificatif rédigé par les fils Danton contre les accusations de
vénalité portées contre leur père. Cette pièce curieuse publiée par le Dr. Robinet dans son
mémoire sur la vie privée du conventionnel méritait d'être reproduite, tant à cause de la

haute mémoire qu'elle défend, qu'à cause de la personnalité de ses signataires. C'est une
réponse précise, modérée et de noble ton, qui a le mérite de prouver, par des pièces
écrites, et authentiques, la probité de celui qui mourut, suivant le mot de M. Aulard, pur
de sang, pur d'argent.
Restitués ainsi dans leur ensemble, ces discours de Danton apparaîtront comme de belles
leçons de civisme et de pur patriotisme. Jamais amour pour la terre natale ne brûla d'un
feu plus égal, plus haut; jamais patriotisme ne s'affirma avec plus de persévérance et plus
de foi en le pays; jamais homme ne légua à l'histoire une plus vaste espérance dans les
glorieuses destinées de la Révolution.

ANNÉE 1792

I
SUR LES DEVOIRS DE L'HOMME PUBLIC
(Novembre 1791)
Nommé administrateur du département de Paris le 31 janvier 1791, Danton occupa cette
fonction pendant presque toute cette année. Il ne s'en démit qu'à la fin de novembre pour
prendre le poste de substitut du procureur de la Commune, auquel le Dix Août devait
l'arracher pour le faire ministre. La vigueur déployée par lui dans ce poste prépara les
voies de la grande journée fatale à la Monarchie, et le discours qu'il prononça, lors de son
installation, le fit aisément prévoir. C'est le programme des devoirs de l'homme public
qu'il y expose dans cette harangue mûrement réfléchie et qui, si elle n'a pas toute la
flamme de ses éclatantes improvisations de 93, se fait cependant remarquer par une
audace de pensée assez rare, au début du grand conflit national, dans les rangs des
magistrats du peuple. Vermorel, qui la publia d'après le texte donné par Fréron dans
"L'Orateur du Peuple", lui donne la date de novembre 1792 (p. 109). C'est en novembre
1791 qu'il convient de la rétablir.
* * * * *
Monsieur le Maire et Messieurs,
Dans une circonstance qui ne fut pas un des moments de sa gloire, un homme dont le
nom doit être à jamais célèbre dans l'histoire de la Révolution disait: qu'il savait bien qu'il
n'y avait pas loin du Capitole à la roche Tarpéienne; et moi, vers la même époque à peu
près, lorsqu'une sorte de plébiscite m'écarta de l'enceinte de cette assemblée où m'appelait
une section de la capitale, je répondais à ceux qui attribuaient à l'affaiblissement de
l'énergie des citoyens ce qui n'était que l'effet d'une erreur éphémère, qu'il n'y avait pas
loin, pour un homme pur, de l'ostracisme suggéré aux premières fonctions de la chose
publique. L'événement justifie aujourd'hui ma pensée; l'opinion, non ce vain bruit qu'une
faction de quelques mois ne fait régner qu'autant qu'elle-même, l'opinion indestructible,
celle qui se fonde sur des faits qu'on ne peut longtemps obscurcir, cette opinion qui
n'accorde point d'amnistie aux traîtres, et dont le tribunal suprême, casse les jugements
des sots et les décrets des juges vendus à la tyrannie, cette opinion me rappelle du fond de
ma retraite, où j'allais cultiver cette métairie qui, quoique obscure et acquise avec le
remboursement notoire d'une charge qui n'existe plus, n'en a pas moins été érigée par mes
détracteurs en domaines immenses, payés par je ne sais quels agents de l'Angleterre et de
la Prusse.
Je dois prendre place au milieu de vous, messieurs, puisque tel est le voeu des amis de la

liberté et de la constitution; je le dois--d'autant plus que ce n'est pas dans le moment où la
patrie est menacée de toutes parts qu'il est permis de refuser un poste qui peut avoir ses
dangers comme celui d'une sentinelle avancée. Je serais entré silencieusement ici dans la
carrière qui m'est ouverte, après avoir dédaigné pendant tout le cours de la Révolution de
repousser aucune des calomnies sans nombre dont j'ai été assiégé, je ne me permettrais
pas de parler un seul instant de moi, j'attendrais ma juste
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