Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu | Page 8

Maurice Joly
t��te des hommes d'��tat et des princes. La force ��tait tout alors, le droit fort peu de chose, j'en conviens; les royaumes ��taient comme la proie des conqu��rants; �� l'int��rieur des ��tats, les souverains luttaient contre les grands vassaux; les grands vassaux ��crasaient les cit��s. Au milieu de l'anarchie f��odale qui mettait toute l'Europe en armes, les peuples foul��s aux pieds s'��taient habitu��s �� regarder les princes et les grands comme des divinit��s fatales, auxquelles le genre humain ��tait livr��. Vous ��tes venu dans ces temps pleins de tumulte, mais aussi pleins de grandeur. Vous avez vu des capitaines intr��pides, des hommes de fer, des g��nies audacieux; et ce monde, rempli de sombres beaut��s dans son d��sordre, vous est apparu comme il appara?trait �� un artiste dont l'imagination serait plus frapp��e que le sens moral; c'est l�� ce qui, �� mes yeux, explique le Trait�� du Prince, et vous n'��tiez pas si loin de la v��rit�� que vous voulez bien le dire, lorsque tout �� l'heure, par une feinte italienne, il vous plaisait, pour me sonder, de l'attribuer �� un caprice de diplomate. Mais, depuis vous, le monde a march��; les peuples se regardent aujourd'hui comme les arbitres de leurs destin��es: ils ont, en fait comme en droit, d��truit les privil��ges, d��truit l'aristocratie; ils ont ��tabli un principe qui serait bien nouveau pour vous, descendant du marquis Hugo: ils ont ��tabli le principe de l'��galit��; ils ne voient plus dans ceux qui les gouvernent que des mandataires; ils ont r��alis�� le principe de l'��galit�� par des lois civiles que rien ne pourrait leur arracher. Ils tiennent �� ces lois comme �� leur sang, parce qu'elles ont co?t��, en effet, bien du sang �� leurs anc��tres.
Je vous parlais des guerres tout �� l'heure: elles s��vissent toujours, je le sais; mais, le premier progr��s, c'est qu'elles ne donnent plus aujourd'hui aux vainqueurs la propri��t�� des ��tats vaincus. Un droit que vous avez �� peine connu, le droit international, r��git aujourd'hui les rapports des nations entre elles, comme le droit civil r��git les rapports des sujets dans chaque nation.
Apr��s avoir assur�� leurs droits priv��s par des lois civiles, leurs droits publics par des trait��s, les peuples ont voulu se mettre en r��gle avec leurs princes, et ils ont assur�� leurs droits politiques par des constitutions. Longtemps livr��s �� l'arbitraire par la confusion des pouvoirs, qui permettait aux princes de faire des lois tyranniques pour les exercer tyranniquement, ils ont s��par�� les trois pouvoirs, l��gislatif, ex��cutif et judiciaire, par des lignes constitutionnelles qui ne peuvent ��tre franchies sans que l'alarme soit donn��e �� tout le corps politique.
Par cette seule r��forme, qui est un fait immense, le droit public int��rieur a ��t�� cr����, et les principes sup��rieurs qui le constituent se trouvent d��gag��s. La personne du prince cesse d'��tre confondue avec celle de l'��tat; la souverainet�� appara?t comme ayant en partie sa source au sein m��me de la nation, qui fait la distribution des pouvoirs entre le prince et des corps politiques ind��pendants les uns des autres. Je ne veux point faire, devant l'illustre homme d'��tat qui m'entend, une th��orie d��velopp��e du r��gime qui s'appelle, en Angleterre et en France, le r��gime constitutionnel; il est pass�� aujourd'hui dans les moeurs des principaux ��tats de l'Europe, non-seulement parce qu'il est l'expression de la plus haute science politique, mais surtout parce qu'il est le seul mode pratique de gouvernement en pr��sence des id��es de la civilisation moderne.
Dans tous les temps, sous le r��gne de la libert�� comme sous celui de la tyrannie, on n'a pu gouverner que par des lois. C'est donc sur la mani��re dont les lois sont faites, que sont fond��es toutes les garanties des citoyens. Si c'est le prince qui est le l��gislateur unique, il ne fera que des lois tyranniques, heureux s'il ne bouleverse pas la constitution de l'��tat en quelques ann��es; mais, en tout cas, on est en plein absolutisme; si c'est un s��nat, on a constitu�� l'oligarchie, r��gime odieux au peuple, parce qu'il lui donne autant de tyrans que de ma?tres; si c'est le peuple, on court �� l'anarchie, ce qui est une autre mani��re d'aboutir au despotisme; si c'est une assembl��e ��lue par le peuple, la premi��re partie du probl��me se trouve d��j�� r��solue; car c'est l�� la base m��me du gouvernement repr��sentatif, aujourd'hui en vigueur dans toute la partie m��ridionale de l'Europe.
Mais une assembl��e de repr��sentants du peuple qui poss��derait �� elle seule toute la souverainet�� l��gislative, ne tarderait pas �� abuser de sa puissance, et �� faire courir �� l'��tat les plus grands p��rils. Le r��gime qui s'est d��finitivement constitu��, heureuse transaction entre l'aristocratie, la d��mocratie et l'��tablissement monarchique, participe �� la fois de ces trois formes de gouvernement, au moyen d'une pond��ration de pouvoirs qui semble ��tre le chef-d'oeuvre de l'esprit humain. La personne du souverain reste
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