Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu | Page 6

Maurice Joly
caract��res lumineux dans la conscience de l'homme. C'est de cette source pure que doivent d��couler toutes les lois civiles, politiques, ��conomiques, internationales.
Ex eodem jure, sive ex eodem fonte, sive ex eodem, principio.
Mais c'est ici qu'��clate votre incons��quence; vous ��tes catholique, vous ��tes chr��tien; nous adorons le m��me Dieu, vous admettez ses commandements, vous admettez la morale, vous admettez le droit dans les rapports des hommes entre eux, et vous foulez aux pieds toutes ces r��gles quand il s'agit de l'��tat ou du prince. En un mot, la politique n'a rien �� d��m��ler, selon vous, avec la morale. Vous permettez au monarque ce que vous d��fendez au sujet. Suivant que les m��mes actions sont accomplies par le faible ou par le fort, vous les glorifiez ou vous les blamez; elles sont des crimes ou des vertus, suivant le rang de celui qui les accomplit. Vous louez le prince de les avoir faites, et vous envoyez le sujet aux gal��res. Vous ne songez donc pas qu'avec des maximes pareilles, il n'y a pas de soci��t�� qui puisse vivre; vous croyez que le sujet tiendra longtemps ses serments quand il verra le souverain les trahir; qu'il respectera les lois quand il saura que celui qui les lui a donn��es les a viol��es, et qu'il les viole tous les jours; vous croyez qu'il h��sitera dans la voie de la violence, de la corruption et de la fraude, quand il y verra marcher sans cesse ceux qui sont charg��s de le conduire? D��trompez-vous; sachez que chaque usurpation du prince dans le domaine de la chose publique autorise une infraction semblable dans la sph��re du sujet; que chaque perfidie politique engendre une perfidie sociale; que chaque violence en haut l��gitime une violence en bas. Voil�� pour ce qui regarde les citoyens entre eux.
Pour ce qui les regarde dans leurs rapports avec les gouvernants, je n'ai pas besoin de vous dire que c'est la guerre civile introduite �� l'��tat de ferment, au sein de la soci��t��. Le silence du peuple n'est que la tr��ve du vaincu, pour qui la plainte est un crime. Attendez qu'il se r��veille: vous avez invent�� la th��orie de la force; soyez s?r qu'il l'a retenue. Au premier jour, il rompra ses cha?nes; il les rompra sous le pr��texte le plus futile peut-��tre, et il reprendra par la force ce que la force lui a arrach��.
La maxime du despotisme, c'est le perinde ac cadaver des j��suites; tuer ou ��tre tu��: voil�� sa loi; c'est l'abrutissement aujourd'hui, la guerre civile demain. C'est ainsi, du moins, que les choses se passent sous les climats d'Europe: dans l'Orient, les peuples sommeillent en paix dans l'avilissement de la servitude.
Les princes ne peuvent donc pas se permettre ce que la morale priv��e ne permet pas: c'est l�� ma conclusion; elle est formelle. Vous avez cru m'embarrasser en me proposant l'exemple de beaucoup de grands hommes qui, par des actes hardis accomplis en violation des lois, avaient donn�� la paix �� leur pays, quelquefois la gloire; et c'est de l�� que vous tirez votre grand argument: le bien sort du mal. J'en suis peu touch��; il ne m'est pas d��montr�� que ces hommes audacieux ont fait plus de bien que de mal; il n'est nullement ��tabli pour moi que les soci��t��s ne se fussent pas sauv��es et soutenues sans eux. Les moyens de salut qu'ils apportent ne compensent pas les germes de dissolution qu'ils introduisent dans les ��tats. Quelques ann��es d'anarchie sont souvent bien moins funestes pour un royaume que plusieurs ann��es de despotisme silencieux.
Vous admirez les grands hommes; je n'admire que les grandes institutions. Je crois que, pour ��tre heureux, les peuples ont moins besoin d'hommes de g��nie que d'hommes int��gres; mais je vous accorde, si vous le voulez, que quelques-unes des entreprises violentes dont vous faites l'apologie, ont pu tourner �� l'avantage de certains ��tats. Ces actes pouvaient se justifier dans les soci��t��s antiques o�� r��gnaient l'esclavage et le dogme de la fatalit��. On les retrouve dans le moyen-age et m��me dans les temps modernes; mais au fur et �� mesure que les moeurs se sont adoucies, que les lumi��res se sont propag��es chez les divers peuples de l'Europe; �� mesure, surtout, que les principes de la science politique ont ��t�� mieux connus, le droit s'est trouv�� substitu�� �� la force dans les principes comme dans les faits. Sans doute, les orages de la libert�� existeront toujours, et il se commettra encore bien des crimes en son nom: mais le fatalisme politique n'existe plus. Si vous avez pu dire, dans votre temps, que le despotisme ��tait un mal n��cessaire, vous ne le pourriez pas aujourd'hui, car, dans l'��tat actuel des moeurs et des institutions politiques chez les principaux peuples de l'Europe, le despotisme est devenu impossible.
MACHIAVEL.
Impossible?... Si vous parvenez �� me prouver cela, je consens �� faire
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