fortes, semblent avoir entre elles une analogie qui fait choisir le m��me terme pour les exprimer toutes: la puissance d'aimer est la source de tout ce que les hommes ont fait de noble, de pur et de d��sint��ress�� sur cette terre. Je crois donc que les ouvrages qui d��veloppent cette puissance avec d��licatesse et sensibilit��, font toujours plus de bien que de mal: presque tous les vices humains supposent de la duret�� dans l'ame. Les hommes les plus courageux sont souvent ceux qui sont le plus ais��ment attendris; le r��cit des actions vraiment touchantes, vraiment g��n��reuses, fait venir une larme dans les yeux de celui que la mort ne sauroit ��pouvanter. Il y a dans l'enthousiasme pour tout ce qui est noble et bon quelque chose de si d��licieux, qu'on ne peut s'emp��cher de prendre ces impressions pour le pr��sage d'une autre vie; et si notre ame n'est pas capable de les ��prouver sans quelque m��lange de sentimens terrestres, peut-��tre est-il permis de se servir de l'amour m��me, pour exciter dans le coeur cette ��nergie de sentiment qui doit le rendre capable un jour d'affections plus pures et plus durables.
Divers motifs m'ont engag��e �� changer le d��no?ment de Delphine; mais comme je n'ai point fait ce changement pour c��der �� l'opinion de quelques personnes, qui ont pr��tendu que le suicide devoit ��tre exclu des compositions dramatiques, il me semble qu'il convient de rappeler ici qu'un auteur n'exprime point son opinion particuli��re, en faisant agir ses personnages de telle ou telle mani��re. Athalide se tue, dans Bajazet, Hermione, dans Andromaque, etc.; et pour cela l'on n'a point dit que Racine approuvat le suicide. Quand Addison, l'un des plus respectables caract��res qui aient exist��, a fait la trag��die de Caton d'Utique, non-seulement il a cru qu'un tel sujet pouvoit ��tre moral et beau, quoiqu'il se terminat par un suicide; mais de plus, il a fait pr��c��der cette action d'un admirable monologue, qui contient peut-��tre les sentimens les plus religieux, les plus purs et les plus nobles qu'on ait jamais exprim��s dans aucune langue. Delphine, ��lev��e dans le christianisme, dit positivement qu'elle commet une grande faute en se tuant, et sa pri��re exprime, je crois, son repentir avec force. Il m'est impossible de comprendre ce qu'il y a d'immoral dans cette situation ainsi repr��sent��e.
Je ne sais dans quel ��crit du dix-neuvi��me si��cle on dit que le secret du parti philosophique, c'est le suicide. Il faut convenir que si une telle assertion ��toit vraie, ce parti auroit choisi une singuli��re mani��re de se recruter. Je n'ai point pr��tendu, dans Delphine, discuter le suicide, cette grande question qui inspire tant de piti�� �� la fois pour la folie et pour la raison humaine; et je ne pense pas qu'on puisse trouver un argument pour ou contre le suicide, dans l'exemple d'une femme qui, suivant �� l'��chafaud l'objet de toute sa tendresse, n'a pas la force de supporter la vie sous le poids d'une telle douleur.
Il y a une s��v��rit�� de principes qui tient aux sentimens les meilleurs et les plus purs: l'enthousiasme des sacrifices, l'ardeur de se d��vouer, l'amour de la perfection, inspirent cette s��v��rit��, et ce sont souvent les ames les plus tendres qui ont ��prouv�� le besoin de guider et d'exalter ainsi tout �� la fois les pens��es qui les agitoient; mais il existe un autre genre de s��v��rit��, qui se montre souvent impitoyable pour la foiblesse et le malheur; celle-l�� n'est jamais, je crois, exempte d'hypocrisie. L'autorit�� de la religion est positive; mais l'influence de l'��crivain moraliste, quel que soit le sujet qu'il traite, appartient presque uniquement �� la connoissance du coeur humain. L'aust��rit�� non motiv��e n'est que du despotisme, sans moyen de se faire ob��ir: il faut p��n��trer dans les secrets de la douleur et reconno?tre la puissance des passions, pour peindre avec force les peines am��res qu'elles causent. Les triomphes que la raison a remport��s sur le coeur ne sont pas tous de la m��me nature; il en est qui prouvent la foiblesse des sentimens qu'on a vaincus, plus que la force de la raison qui a obtenu la victoire. Il ne suffit donc pas d'��tablir la n��cessit�� des sacrifices pour ��tre vraiment utile aux caract��res d'une sensibilit�� profonde; il faut leur montrer qu'on les comprend, avant d'essayer de les diriger; il faut avoir souffert, pour ��tre ��cout�� de ceux qui souffrent, et, comme Arie, avoir essay�� le poignard sur son propre coeur, avant de d��clarer qu'il ne fait point de mal.
Il me semble qu'en parlant de morale, les personnes vraies ��prouvent une sorte de modestie, une sorte de crainte de se faire croire plus parfaites qu'elles ne sont, qui donne beaucoup de douceur �� leur langage, et le rend ainsi plus persuasif. Les ��crivains, comme les instituteurs, am��liorent bien plus s?rement par ce qu'ils inspirent que par ce qu'ils
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