enseignent. Les pens��es d��licates et pures, dans la vie comme dans les livres, animent chaque parole, se peignent dans chaque trait, sans qu'il soit pour cela n��cessaire de les d��clarer formellement, ni de les r��diger en maximes; et la moralit�� d'un ouvrage d'imagination consiste bien plus dans l'impression g��n��rale qu'on en re?oit, que dans les d��tails qu'on en retient.
FIN DES R��FLEXIONS SUR LE BUT MORAL DU DELPHINE.
PR��FACE
DE LA PREMI��RE ��DITION.
Les romans sont de tous les ��crits litt��raires ceux qui ont le plus de juges; il n'existe presque personne qui n'ait le droit de prononcer sur le m��rite d'un roman; les lecteurs m��me les plus d��fians et les plus modestes sur leur esprit, ont raison de se confier �� leurs impressions. C'est donc une des premi��res difficult��s de ce genre que le succ��s populaire auquel il doit pr��tendre.
Une autre non moins grande, c'est qu'on a fait une telle quantit�� de romans m��diocres, que le commun des hommes est tent�� de croire que ces sortes de compositions sont les plus ais��es de toutes, tandis que ce sont pr��cis��ment les essais multipli��s dans cette carri��re qui ajoutent �� sa difficult��; car dans ce genre comme dans tous les autres, les esprits un peu relev��s craignent les routes battues, et c'est un obstacle �� l'expression des sentimens vrais, que l'importun souvenir des ��crits insipides qui nous ont tant parl�� des affections du coeur. Enfin le genre en lui-m��me pr��sente des difficult��s effrayantes, et il suffit, pour s'en convaincre, de songer au petit nombre de romans plac��s dans le rang des ouvrages.
En effet, il faut une grande puissance d'imagination et de sensibilit�� pour s'identifier avec toutes les situations de la vie, et conserver ce naturel parfait, sans lequel il n'y a rien de grand, de beau, ni de durable. L'encha?nement des id��es peut ��tre soumis �� des principes invariables dont il est toujours possible de donner une exacte analyse: mais les sentimens ne sont jamais que des inspirations plus ou moins heureuses, et ces inspirations ne sont accord��es peut-��tre qu'aux ames rest��es dignes de les ��prouver. On citera, pour combattre cette opinion, quelques hommes d'un grand talent dont la conduite n'a point ��t�� morale; mais je crois fermement qu'en examinant leur histoire, on verra que si de fortes passions ont pu les entra?ner, des remords profonds les ont cruellement punis; ce n'est pas assez pour que la vie soit estimable, mais c'est assez pour que le coeur n'ait point ��t�� d��prav��.
On se sentiroit saisi d'une v��ritable terreur au milieu de la soci��t��, s'il n'existoit pas un langage que l'affectation ne peut imiter, et que l'esprit �� lui seul ne sauroit d��couvrir. C'est surtout dans les romans que cette justesse de ton, si l'on peut s'exprimer ainsi, doit ��tre particuli��rement observ��e; sensibilit�� exag��r��e, fiert�� hors de place, pr��tention de vertu, toute cette nature de convention qui fatigue si souvent dans le monde, se retrouve dans les romans; et comme on pourroit dire, en observant tel ou tel homme, c'est par cette parole, par ce regard, par cet accent qu'il trahit �� son insu les bornes de son esprit ou de son ame; de m��me dans les fictions, on pourroit montrer dans quelle situation l'auteur a manqu�� de sensibilit�� v��ritable, dans quel endroit le talent n'a pu suppl��er au caract��re, et quand l'esprit a vainement cherch�� ce que l'ame auroit saisi d'un seul jet.
Les ��v��nemens ne doivent ��tre dans les romans que l'occasion de d��velopper les passions du coeur humain; il faut conserver dans les ��v��nemens assez de vraisemblance pour que l'illusion ne soit point d��truite; mais les romans qui excitent la curiosit�� seulement par l'invention des faits, ne captivent dans les hommes que cette imagination qui a fait dire que les yeux sont toujours enfans. Les romans que l'on ne cessera jamais d'admirer, Clarisse, Cl��mentine, Tom-Jones, la Nouvelle H��lo?se, Werther, etc., ont pour but de r��v��ler ou de retracer une foule de sentimens dont se compose, au fond de l'ame, le bonheur ou le malheur de l'existence; ces sentimens que l'on ne dit point, parce qu'ils se trouvent li��s avec nos secrets ou avec nos foiblesses, et parce que les hommes passent leur vie avec les hommes, sans se confier jamais mutuellement ce qu'ils ��prouvent.
L'histoire ne nous apprend que les grands traits manifest��s par la force des circonstances, mais elle ne peut nous faire p��n��trer dans les impressions intimes qui, en influant sur la volont�� de quelques-uns, ont dispos�� du sort de tous. Les d��couvertes en ce genre sont in��puisables; il n'y a qu'une chose ��tonnante pour l'esprit humain, c'est lui-m��me.
The proper study of mankind is man.
Cherchons donc toutes les ressources du talent, tous les d��veloppemens de l'esprit, dans la connoissance approfondie des affections de l'ame, et n'estimons les romans que lorsqu'ils nous paraissent, pour ainsi dire, une sorte de confession, d��rob��e �� ceux qui ont
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