De profundis! - Episode Maritime | Page 5

Carolus
de sauvetage qui d��j�� passait entre les estacades, salu�� par les acclamations de la foule accourue sur les quais.
--Vois,--dit Jeanne avec ivresse,--ils partent sans toi!...
Raymond sentit ses genoux fl��chir. Puis d'abondantes larmes jaillirent de ses yeux pendant qu'il murmurait:
--Jeanne, Jeanne..., j'ai manqu�� �� mon devoir!...

V
Il faut avoir ��t�� t��moin de pareils drames pour comprendre l'��motion qui saisit tous les coeurs quand le canot, m? par vingt bras vigoureux, franchit l'extr��mit�� des jet��es.
Alors, pas un cri, pas un geste, parmi ce millier de spectateurs qui, haletants, suivaient du regard et accompagnaient de leurs voeux ces h��ros du d��vouement....
Vingt fois on les crut perdus, quand une lame monstrueuse soulevait la barque et la rejetait dans l'ab?me. Mais celle-ci reparaissait bient?t, fi��vreuse sous l'impulsion des rameurs: et on la voyait se diriger droit sur le sloop en d��tresse.
Ils arriv��rent tout pr��s de ce dernier. Mais l'aborder ��tait difficile, car, �� cet endroit, un banc de rochers montrait sa cr��te et la mer se soulevait l�� en d'immenses rouleaux qui eussent vite fait chavirer le fragile canot.
On les vit alors, apr��s un l��ger circuit qui les amena sur l'avant du sloop, s'arr��ter comme pour l'observer.... Une heure d'angoisse se passa ainsi pour la foule mass��e sur la jet��e.
Talbot et quelques matelots observaient la marche du sauvetage.
Raymond, affaiss�� sur un banc, ne voulait rien voir.... Il pleurait.
Jeanne, assise pr��s de lui, ne trouvant point de mots pour consoler cette ��trange douleur, restait, le regard fixe, toute pale et frissonnante.
Soudain un cri terrible retentit, r��p��t�� par des centaines de bouches:
--Perdus!... Ils sont perdus!...
Raymond se dressa. Son visage, encore baign�� de larmes, eut une expression d'horreur ind��finissable, et son regard alla, d'un trait, �� l'endroit o�� le canot se montrait encore, mais vide!...
Au m��me instant une main ��treignit la sienne.
Jeanne ��tendait le bras vers la barque:
--Va,--lui dit-elle--meurs ou sauve-les!...
Il la saisit avec folie dans ses bras, la pressa sur son coeur, puis, sans une parole, s'��lan?a du c?t�� o��, d��j��, les autres matelots s'��taient pr��cipit��s.

VI
Quelques instants apr��s, le second canot, enlev�� vigoureusement, franchissait �� son tour les jet��es.
Raymond ��tait debout �� la barre.... Talbot avait d? lui c��der la place.
L'��pouvante qui s'��tait empar��e de la foule arrivait �� son paroxysme.... Qui savait si ces braves pourraient arriver �� temps sur le lieu du sinistre? N'avaient-ils pas contre eux cette mer inassouvie qui, peut-��tre, allait les engloutir comme les premiers?
C'��tait horrible, et plus d'un d��tournait la t��te pour ne plus voir, quand un incident nouveau vint ranimer tous les coeurs.
Du c?t�� o�� le premier canot avait chavir�� apparaissait un autre navire, beaucoup plus vaste que le sloop en d��tresse. Chacun vit distinctement une chaloupe s'en d��tacher et ramer avec ��nergie vers le canot naufrag��.
Ce nouveau secours fut acclam�� par mille hourras et la voix de la foule ��touffa un instant celle de la temp��te.
Le canot que dirigeait Raymond volait sur les vagues. La conscience d'un secours inesp��r�� avait d��cupl�� les forces des rameurs.
Les deux barques furent bient?t �� proximit�� l'une de l'autre. En arrivant sur le lieu du sinistre, elles ralentirent leur marche, comme pour s'orienter. On vit les matelots se faire des signes de l'une �� l'autre. Raymond ��tait toujours debout �� la barre. Tout �� coup on le vit chanceler et dispara?tre. Une vague gigantesque, prenant le canot en poupe, l'avait emport��. Presque aussit?t, une nouvelle vague ��loigna les deux barques l'une de l'autre et, aux gestes d��sesp��r��s des sauveteurs, il devint certain que leur malheureux compagnon n'avait pu ��tre sauv��.
Talbot ni Jeanne n'assist��rent �� cette seconde partie du drame.
Le pilote avait trouv�� la jeune fille ��vanouie �� la place o�� Raymond lui avait donn�� le baiser supr��me. En hate, il l'avait transport��e chez lui pour lui prodiguer ses soins.
Quand le soir vint, sans que son fianc�� e?t reparu, Jeanne, en proie au d��lire, r��p��tait:
--Il est mort!... il est mort!... je lui ai ordonn�� de mourir!...

VII
Un soir du mois de juin 1883, le port du Havre ��tait anim�� par l'arriv��e d'un des grands transatlantiques qui font le service direct entre la France et l'Am��rique.
Un homme franchit rapidement la passerelle qui unissait le pont du navire au quai. Il se dirigea, apr��s une courte h��sitation, vers l'entr��e du port. Arriv�� sur le Grand-Quai, il p��n��tra dans une ruelle obscure et s'arr��ta bient?t �� la porte d'une maison de modeste apparence. Il frappa.
Une femme ag��e parut sur le seuil.
--Le capitaine est-il chez lui?--interrogea le visiteur.
--Me voici!... Que me voulez-vous?--cria une voix rude du fond de la pi��ce.
Le visiteur entra. Il se trouva en pr��sence du ma?tre du logis qui l'examina curieusement et crut devoir r��it��rer sa question.
L'inconnu se d��couvrit et se pla?a sous la lumi��re:
--Capitaine Robert, me reconnaissez-vous?
L'autre le fixa longuement, puis, tout �� coup, recula, comme frapp�� de stupeur:
--Raymond Gosselin!...
Et il resta quelques instants, bouche b��ante, en regardant avec ahurissement le jeune homme immobile devant lui. Enfin,
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