vouloit tout renverser et prophaner les choses dediees a Dieu, se vint constamment presenter arme du signe de la croix et commanda au nom de crucifix a Sathan de desister et sortir de la maison de Dieu, a la voix duquel il fut force d'obeir, et se retirer sans aucune offence."
"Mais entre tous les contes, desquels j'aye jamais entendu parler, ou veu, dit Jean des Caurres[1], cestui-cy est digne de merveille, lequel est advenu depuis peu de temps a Rome. Un jeune homme, natif de Gabie, en une pauvre maison, et de parents fort pauvres, estant furieux, de mauvaise condition et de meschante conversation de vie, injuria son pere, et luy fit plusieurs contumelies; puis estant agite de telle rage, il invoqua le diable, auquel il s'estoit voue: et incontinent se partit pour aller a Rome, et a celle fin entreprendre quelque plus grande meschancete contre son pere. Il rencontra le diable sur le chemin, lequel avoit la face d'un homme cruel, la barbe et les cheveux mal peignez, la robe usee et orde, lequel lui demanda en l'accompagnant la cause de sa fascherie et tristesse. Il lui respondit qu'il avoit eu quelques paroles avec son pere, et qu'il avoit delibere de luy faire un mauvais tour. Alors le diable luy fit reponse que tel inconvenient luy estoit advenu; et ainsi le pria-il de le prendre pour compagnon, et a celle fin que ensemble ils se vengeassent des torts qu'on leur avoit faicts. La nuit doncques estant venue, ils se retirerent en une hostelerie, et se coucherent ensemble. Mais le malheureux compagnon print a la gorge le pauvre jeune homme, qui dormoit profondement et l'eust estrangle, n'eust este qu'en se reveillant il pria Dieu. Dont il advint que ce cruel et furieux se disparut, et en sortant estonna d'un tel brui et impetuosite toute la chambre que les solives, le toict et les thuilles en demeurerent toutes brisees. Le jeune homme espouvante de ce spectacle, et presque demy mort, se repentit de sa meschante vie et de ses meffaicts, et estant illumine d'un meilleur esprit, fut ennemy des vices, passa sa vie loing des tumultes populaires et servit de bon exemple. Alexandre escrit toutes ces choses."
[Note 1: _Oeuvres morales et diversifiees en histoires, etc._, par Jean des Caurres. Paris, Guill. Choudiere, 1584, in-8 deg., p. 390.]
"Lorsque j'etudiais en droit en l'academie de Witemberg, dit Godelman[1], cite par Goulart[2], j'ay ouy souvent reciter a mes precepteurs qu'un jour, certain vestu d'un habit estrange vint heurter rudement a la porte d'un grand theologien, qui lors lisoit en icelle academie, et mourut l'an 1516. Le valet ouvre et demande qu'il vouloit? Parler a ton maistre, fit-il. Le theologien le fait entrer: et lors cest estranger propose quelques questions sur les controverses qui durent sur le fait de la religion. A quoi le theologien ayant donne prompte solution, l'estranger en mit en avant de plus difficiles, le theologien lui dit: Tu me donnes beaucoup de peine: car j'avois le present autre chose a faire et la dessus se levant de sa chaire montre en un livre l'exposition de certain passage dont ils debatoyent. En cest estrif il apercoit que l'estranger avoit au lieu de doigts des pattes et des griffes comme d'oyseau de proye. Lors il commence a lui dire: Est-ce toi donc? Escoute la sentence prononcee contre toi (lui monstrant le passage du troisieme chapitre de Genese): La semence de la femme brisera la teste du serpent. Il adjousta: Tu ne nous engloutiras pas tous. Le malin esprit tout confus, despite et grondant, disparut avec grand bruit, laissant si puante odeur dedans le poisle qu'il s'en sentit quelques jours apres, et versa de l'encre derriere le fourneau."
[Note 1: Jean-George Godelman, docteur en droit a Rostoch, au traite _De magis, veneficis, lamis, etc._, livre 1, ch. III.]
[Note 2: _Thresor d'histoires admirables et memorables de nostre temps, recueillies de divers autheurs, memoires et avis de divers endroits._ Paris, 1600, 2 vol. in-12.]
Le meme auteur fournit encore cette autre histoire a Goulart:
"En la ville de Friberg en Misne, le diable se presente en forme humaine a un certain malade, lui monstrant un livre et l'exhortant de nombrer les pechez dont il se souviendroit, pour ce qu'il vouloit les marquer en ce livre. Du commencement le malade demeura comme muet: mais recouvrant et reprenant ses esprits, il respond. C'est bien dit, je vay te deschifrer par ordre mes pechez. Mais escri au dessus en grosses lettres: La semence de la femme brisera la teste du serpent. Le diable, oyant cette condamnation sienne s'enfuit, laissant la maison remplie d'une extreme puanteur."
Goulart emprunte celle-ci a Job Fincel[1]:
[Note 1: Job Fincel, au premier livre Des Miracles.]
"L'an mil cinq cens trente quatre, M. Laurent Touer, pasteur en certaine ville de Saxe, voyant quelques jours devant Pasques a conferer avec aucuns du
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