convenablement.
«Et aujourd'hui encore, ajoute Félix Malléolus[55], les habitants de ces
contrées passent chaque année un contrat avec les cantharides susdites
et abandonnent à ces insectes une certaine quantité de terrain, si bien
que ces scarabées s'en contentent et ne cherchent point à franchir les
limites convenues.»
L'usage de ces mêmes formes judiciaires nous est encore révélé dans un
procès intenté, vers 1587, à une espèce de charançon (le rynchites
auratus) qui désolait les vignobles de Saint-Julien, près Saint-Julien de
Maurienne. Sur une plainte adressée par les habitants à l'official de
l'évêché de Maurienne, celui-ci nomma un procureur aux habitants et
un avocat aux insectes, et rendit une ordonnance prescrivant des
processions et des prières, et recommandant surtout le payement exact
des dîmes. Après plusieurs plaidoiries, les habitants, par l'organe de
leur procureur, firent offrir aux insectes un terrain dans lequel ils
devraient se retirer sous les peines de droit. Le défenseur des insectes
demanda un délai pour délibérer, et les débats ayant été repris au bout
de quelques jours, il déclara, au nom de ses clients, ne pouvoir accepter
l'offre qui leur avait été faite, attendu que la localité en question était
stérile et ne produisait absolument rien; ce que nia la partie adverse.
Des experts furent nommés. Là s'arrêtent malheureusement les pièces
connues du procès, et l'on ignore si l'instance fut reprise et quelle
décision prononça l'official[56]. Mais ces détails, réunis à ceux que
nous avons donnés précédemment, suffisent pour montrer quelles
étaient, il y a trois siècles, les formes suivies dans ces singulières
procédures.
Nous n'avons pas besoin de nous étendre sur les motifs qui avaient
déterminé l'Église à employer l'excommunication contre les animaux.
On comprend quel avantage ce moyen pouvait offrir au clergé, d'un
côté par l'influence qu'il exerçait sur l'esprit timide et crédule des
populations alors ignorantes et superstitieuses; d'un autre côté par le
résultat pécuniaire, qui était toujours le but occulte de ses persévérants
efforts. Toutefois, après plusieurs siècles, et grâce à la diffusion des
lumières, ces pratiques vicieuses cessèrent, et on vit enfin disparaître
ces abus de l'excommunication également contraires à la sublime
morale de l'Évangile et aux vrais principes de la foi catholique.
Mais poursuivons nos investigations.
La première excommunication fulminée contre les animaux remonte au
douzième siècle. En effet Saint-Foix, dans ses Essais historiques sur
Paris[57], nous apprend que l'évêque de Laon prononça en 1120
l'excommunication contre les chenilles et les mulots, à raison du tort
qu'ils faisaient aux récoltes.
De la part des tribunaux ecclésiastiques, l'usage de faire des procès aux
insectes ou autres animaux nuisibles à la terre et de fulminer contre eux
l'excommunication, était en pleine vigueur au quinzième et au seizième
siècle.
Voici, par ordre de dates, plusieurs sentences relatives à notre sujet:
Sentence prononcée en 1451 par l'official de Lausanne contre les
sangsues du lac Léman[58].
Sentence rendue à Autun le vendredi 2 mai 1480 contre les hurebers
(insectes plus gros que les mouches), en faveur des habitants de Mussy
et de Pernan, par les vicaires généraux d'Antoine de Châlon, évêque
d'Autun, par laquelle il est enjoint aux curés de la lire en chaire et de
répéter l'excommunication donec appareat effectus[59].
Sentence rendue contre les limaces le 6 septembre 1481 par Jehan
Noseret, chanoine de Beaujeu, chantre de Mâcon et vicaire général du
cardinal Philibert Hugonet, évêque de Mâcon, dans laquelle on cite
l'exemple de saint Mammet, évêque de Vienne, qui conjura de cette
manière certains diables qui avaient pris la figure de loups et de porcs
et qui dévoraient les enfants jusque dans les rues de la ville[60].
Sentence des grands vicaires de Jean Rollin, cardinal évêque d'Autun,
donnée à Mâcon le 17 août 1487. Informés que les limaces dévastent
depuis plus d'un an plusieurs terres du diocèse, ces vicaires mandent
aux curés de faire des processions générales pendant trois jours sur
leurs paroisses, et d'y enjoindre aux limaces de vider leur territoire sous
un semblable délai, sinon de les maudire[61].
Sentence des grands vicaires d'Antoine Cabillon, évêque d'Autun,
donnée à Autun le 2 mai 1488. Sur la requête présentée par plusieurs
paroisses des environs de Beaune, les grands vicaires mandent aux
curés d'enjoindre, pendant les offices ou les processions, aux urebers de
cesser leurs ravages, ou de les excommunier[62].
Sentence du grand vicaire de l'église de Mâcon, donnée à Beaujeu le 8
septembre 1488, sur les plaintes de plusieurs paroissiens. Même
mandat aux curés de faire trois invitations aux limaces de cesser leurs
dégâts, et faute par elles d'obtempérer à cette injonction, de les
excommunier[63].
Sentence d'excommunication prononcée par le juge ecclésiastique dans
les premières années du seizième siècle, contre les sauterelles et les
bruches (becmares) qui désolaient le territoire de Millière en Cotentin,
et qui dès lors périrent toutes[64].
Sentence de l'official de Troyes en Champagne, du 9 juillet 1516. «En
cette année les habitants de
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