des exemples de semblables
anathèmes, tels que ceux de Dieu envers le serpent et le figuier; il en
rapporte plusieurs comme ayant eu lieu à des époques récentes.
Il parle d'une excommunication prononcée par un prêtre contre un
verger où des enfants venaient cueillir des fruits, au lieu de se rendre au
service divin. Ce verger demeura stérile jusqu'au moment où
l'excommunication fut levée à la demande de la mère du duc de
Bourgogne[48].
Chasseneuz signale aussi l'excommunication fulminée par un évêque
contre des moineaux qui auparavant souillaient de leurs ordures l'église
de Saint-Vincent et venaient troubler les fidèles[49].
Mais, ajoute notre auteur, nous avons dans ces derniers temps des
exemples encore plus décisifs. Il raconte alors qu'il a vu à Autun des
sentences d'anathème ou d'excommunication prononcées contre les rats
et les limaces par l'official de ce diocèse et par ceux de Lyon et de
Mâcon; il entre dans le détail de cette procédure; il donne d'abord le
modèle de la requête des paroissiens qui ont éprouvé le dommage
occasionné par les animaux dévastateurs. Il fait observer que sur cette
plainte on nomme d'office un avocat, qui fait valoir au nom des
animaux, ses clients, les moyens qu'il croit convenable à leur défense;
l'auteur rapporte la formule ordinaire d'anathème. Cette formule est
conçue en ces termes: «Rats, limaces, chenilles et vous tous animaux
immondes qui détruisez les récoltes de nos frères, sortez des cantons
que vous désolez et réfugiez-vous dans ceux où vous ne pouvez nuire à
personne. Au nom du Père, etc.[50].»
Enfin Chasseneuz transcrit textuellement[51] les sentences fulminées
par les officiaux d'Autun et de Lyon; on en remarque contre les rats, les
souris, les limaces, les vers, etc.
Ces sentences sont presque toutes semblables; la différence qui existe
entre elles n'est relative qu'au délai accordé aux animaux pour
déguerpir; il y en a qui les condamnent à partir de suite; d'autres leur
accordent trois heures, trois jours ou plus; toutes sont suivies des
formules ordinaires d'anathème et d'excommunication.
Tel était le mode de procédure observé devant le tribunal ecclésiastique
dans les poursuites contre les insectes ou autres animaux nuisibles à la
terre.
La consultation de Chasseneuz, dont nous venons de donner une courte
analyse, acquit à son auteur, qui n'était alors qu'avocat à Autun, une
grande réputation comme jurisconsulte; elle lui valut, vers 1510, d'être
désigné par l'officialité d'Autun, comme avocat des rats et de plaider
leur cause dans les procès qu'on intenta à ces animaux par suite des
dévastations qu'ils avaient commises en dévorant les blés d'une partie
du territoire bourguignon.
Dans la défense qu'il présenta, dit le président de Thou, qui rapporte ce
fait[52], Chasseneuz fit sentir aux juges, par d'excellentes raisons, que
les rats n'avaient pas été ajournés dans les formes; il obtint que les
curés de chaque paroisse leur feraient signifier un nouvel ajournement,
attendu que dans cette affaire il s'agissait du salut ou de la ruine de tous
les rats. Il démontra que le délai qu'on leur avait donné était trop court
pour pouvoir tous comparaître au jour de l'assignation; d'autant plus
qu'il n'y avait point de chemin où les chats ne fussent en embuscade
pour les prendre. Il employa ensuite plusieurs passages de l'Écriture
sainte pour défendre ses clients, et enfin il obtint qu'on leur accorderait
un plus long délai pour comparaître.
Le théologien Félix Malléolus, vulgairement appelé Hemmerlin, qui
vivait un siècle avant Chasseneuz et qui avait publié un traité des
exorcismes[53], s'était également occupé, dans la seconde partie de cet
ouvrage, de la procédure dirigée contre les animaux. Il parle d'une
ordonnance rendue par Guillaume de Saluces, évêque de Lausanne, au
sujet d'un procès à intenter contre les sangsues, qui corrompaient les
eaux du lac Léman et en faisaient mourir les poissons. Un des articles
de cette ordonnance prescrit qu'un prêtre, tel qu'un curé, chargé de
prononcer les malédictions, nomme un procureur pour le peuple; que ce
procureur cite, par le ministère d'un huissier, en présence de témoins,
les animaux à comparaître, sous peine d'excommunication, devant le
curé à jour fixe. Après de longs débats cette ordonnance fut exécutée le
24 mars 1451, en vertu d'une sentence que l'official de Lausanne
prononça, sur la demande des habitants de ce pays, contre les
criminelles sangsues, qui se retirèrent dans un certain endroit qu'on leur
avait assigné, et qui n'osèrent plus en sortir.
Le même auteur rend compte aussi d'un procès intenté dans le treizième
siècle contre les mouches cantharides de certains cantons de l'électorat
de Mayence, et où le juge du lieu, devant lequel les cultivateurs les
avaient citées, leur accorda, attendu, dit-il, l'exiguïté de leur corps et en
considération de leur jeune âge[54], un curateur et orateur, qui les
défendit très dignement et obtint qu'en les chassant du pays on leur
assignât un terrain où elles pussent se retirer et vivre
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