Cora | Page 9

George Sand
ciel, m'��criai-je avec ferveur; ? Cora! si vous connaissiez mon coeur, vous n'h��siteriez pas un instant �� m'ouvrir le v?tre.
--Eh bien, Monsieur, dit Cora ��mue, voici ce dont il s'agit. Elle d��plia le papier et me le pr��senta. J'y jetai les yeux, mais ma vue ��tait troubl��e, ma main tremblante, il me fallut prendre haleine un instant avant de comprendre. Enfin je lus: ?Doit M. Georges �� M***, ��picier droguiste, pour objets de consommation fournis durant sa maladie....
12 l. cassonade pour sirops et tisanes, ci. Savon fourni �� sa garde-malade, ci-contre. Chandelle. . . . . . . . . . . . . . . . . Centaur��e f��brifuge, etc., etc. . . . . . . -------------- Total. . . . . . 30 fr. 50 c.
Pour acquit, CORA **--?
Je la regardai d'un air ��gar��.--V��ritablement, Monsieur, me dit-elle, vous trouvez peut-��tre cette demande indiscr��te, et vous n'��tes pas encore assez bien portant pour qu'il soit agr��able d'��tre importun�� d'affaires. Mais nous sommes fort g��n��s, le commerce va si mal, le loyer de notre boutique est fort cher...et Cora parla longtemps encore. Je ne l'entendis point. Je balbutiai quelques mots et je courus, aussi vite que mes forces me le permirent, chercher la somme que je devais �� l'��picier. Puis je rentrai chez moi atterr��, et je me mis au lit avec un mouvement de fi��vre.
[Illustration: Accabl�� de douleur, bris�� jusqu'�� l'ame...]
Mais le lendemain je revins �� moi avec des id��es plus raisonnables. Je me demandai pourquoi ce m��pris idiot et superbe pour les d��tails de la vie bourgeoise? pourquoi l'impertinente susceptibilit�� des ames po��tiques qui croient se souiller au contact des n��cessit��s prosa?ques? pourquoi enfin cette haine absurde contre le positif de la vie?
Ingrat! pensai-je, tu te r��voltes parce qu'un m��moire de savon et de chandelle a ��t�� r��dig�� et pr��sent�� par Cora, tandis que tu devrais baiser la belle main qui t'a fourni ces secours �� ton insu durant ta maladie. Que serais-tu devenu, mis��rable r��veur, si un homme confiant et probe n'e?t consenti �� r��pandre sur toi les bienfaits de son industrie, sans autre gage de remboursement que ta mince garde-robe et ton mis��rable grabat? Et si tu ��tais mort sans pouvoir lire son m��moire et l'acquitter, o�� sont les h��ritiers qui auraient trouv�� dans ta succession 30 fr. 50 c. �� lui remettre?
Et puis je songeai que ces breuvages bienfaisants qui m'avaient sauv�� de la souffrance et de la mort, c'��tait Cora qui les avait pr��par��s. Qui sait, pensai-je, si elle n'a point compos�� un charme ou murmur�� une pri��re qui leur ait donn�� la vertu de me gu��rir? N'y a-t-elle pas aussi m��l�� une larme compatissante le jour o�� je touchai aux portes du tombeau? Larme divine! topique c��leste!...
J'en ��tais l�� quand l'��picier frappa �� ma porte:--Tenez, monsieur Georges, me dit-il, ma femme et moi nous craignons de vous avoir fach��. Cora nous a dit que vous aviez eu l'air surpris et que vous aviez acquitt�� le m��moire sans dire un mot. Je ne voudrais pas que vous nous crussiez capables de m��fiance envers vous. Nous sommes g��n��s, il est vrai. Notre commerce ne va pas tr��s-bien; mais si vous aviez besoin d'argent, nous trouverions encore moyen de vous rendre le v?tre et m��me de vous en pr��ter un peu.
Je me jetai dans ses bras avec effusion.--Digne vieillard, m'��criai-je, tout ce que je poss��de est �� vous!... Comptez sur moi �� la vie et �� la mort. Je parlai longtemps avec l'exaltation de la fi��vre. Il me regardait avec son gros oeil gris, rond comme celui d'un chat. Quand j'eus fini:--A la bonne heure, dit-il du ton d'un homme qui prend son parti sur l'impossibilit�� de deviner une ��nigme. Je vous prie de venir nous voir de temps en temps et de ne pas nous retirer votre pratique.
III.
Je m'��tonnais de ne plus voir le mari de Cora �� la boutique ni aupr��s de sa femme. Je hasardai une craintive question. Elle me r��pondit que Gibonneau achevait son ann��e de service en second sous les auspices du premier pharmacien de la ville. Il ne rentrait que le soir et sortait d��s le matin. Ainsi le rustre pouvait ainsi voir s'��couler ses jours loin de la plus belle cr��ature qui f?t sous le ciel. Il poss��dait la plus riche perle du monde, et il se r��signait tranquillement �� la quitter pendant toute une moiti�� de sa vie, pour aller pr��parer des liniments et formuler des pilules!
Mais aussi comme je remerciai le ciel qui l'avait condamn�� �� cette vulgaire existence et qui semblait lui d��nier une faveur dont il n'��tait pas digne, celle de voir sa douce compagne �� la clart�� du soleil! Il ne lui ��tait permis de retourner vers elle qu'�� l'heure o�� les chauve-souris et les hiboux prennent leur sombre vol��e et rasent d'une
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