Cora | Page 8

George Sand
richesse d'un coeur qui pouvait puiser l�� des ��motions attachantes. Je parcourus de l'oeil une pile de volumes d��labr��s qui gisaient sur un rayon pr��s de moi. Je ne nommerai point les auteurs ch��ris de ma Cora; les lecteurs blas��s en riraient, et moi, dans ma vaine enflure de po?te, je faillis en ��tre froiss��.... Mais je revins bient?t �� la raison en comparant les ressources d'un esprit si neuf et d'une ame si virginale �� la vieillesse pr��matur��e de nos imaginations ��puis��es. Il y avait dans la vie intellectuelle des tr��sors auxquels Cora n'avait pas encore touch��, et l'homme qui serait assez heureux pour les lui r��v��ler verrait s'��panouir sous son souffle la plus belle oeuvre de la cr��ation, le coeur d'une femme ing��nue!...
Je rentrai chez moi enthousiasm�� de Cora, dont l'ignorance ��tait si candide et si belle. J'attendis l'heure d'y retourner le jour suivant, sans pourtant esp��rer cette nouvelle faveur. Elle reparut avec sa m��re, qui m'invita �� descendre. Quand je fus install�� dans le grand fauteuil, je vis une sorte d'agitation inqui��te dans la famille. Puis l'��picier s'assit vis-a-vis de moi avec un air hypocritement na?f. J'��tais agit�� moi-m��me, je craignais et je d��sirais l'explication de cette contenance.
--Puisque vous vous trouvez bien ici, monsieur Georges, dit-il enfin en posant ses deux mains sur ses rotules repl��tes, j'esp��re que vous y viendrez sans fa?on vous reposer tant que vous ne serez pas assez fort pour aller vous distraire ailleurs.
--G��n��reux homme! m'��criai-je.
--Non, dit-il en souriant, cela ne vaut point un remerciement: entre voisins on se doit assistance, et, Dieu merci! nous n'avons jamais refus�� la n?tre aux honn��tes gens: car je pr��sume que vous ��tes un brave jeune homme, monsieur Georges, vous en avez parfaitement l'air, et je me sens de la confiance en vous.
--J'en suis honor��, r��pondis-je avec embarras.
--Ainsi, Monsieur, poursuivit le digne homme avec gaiet��, en se levant, restez avec notre Cora tant que vous voudrez. C'est une fille d'esprit, voyez-vous! une personne qui a v��cu dans les livres, et dont la m��re n'a jamais voulu contrarier le go?t. Aussi, elle en sait plus que nous �� pr��sent, et vous trouverez de l'agr��ment dans sa soci��t��, j'en r��ponds.
--Il y a bien longtemps, r��pondis-je en rougissant et en jetant sur Cora un regard timide, que je me serais estim�� heureux de cette faveur.... Elle est venue bien tard, h��las! au gr�� de mon impatience....
--Ah! dame, dit l'��picier en ricanant, c'est qu'il y a deux mois, voyez-vous, la chose n'��tait pas possible. Cora n'��tait pas mari��e, et...�� moins de se pr��senter ici avec l'intention de l'��pouser, avec de bonnes et franches propositions de mariage, aucun gar?on n'obtenait de sa m��re l'entr��e de cette chambre. Vous savez, Monsieur, comme il faut veiller sur une jeune fille pour emp��cher les mauvaises langues de lui faire tort; �� pr��sent que voici l'enfant ��tablie, comme nous sommes s?rs de sa moralit��, nous la laissons tout �� fait libre, et puis...d'ailleurs (ici l'��picier baissa la voix), pale et faible comme vous voil��, personne ne pensera que vous songiez �� supplanter un mari jeune et bien portant.... L'��picier termina sa phrase par un gros rire. Je devins pale comme la mort, et je n'osai pas lever les yeux sur Cora.
--Tenez, tenez, ne vous fachez pas d'une plaisanterie, mon cher voisin, reprit-il: vous ne serez pas toujours convalescent, et bient?t peut-��tre les p��res et les maris vous surveilleront de plus pr��s.... En attendant, restez ici; Cora vous tiendra compagnie, et d'ailleurs je crois qu'elle a quelque chose �� vous dire.
--A moi? m'��criai-je en regardant Cora.
--Oui, oui, reprit le p��re, c'est une petite affaire d��licate...voyez-vous, et qu'une jeune femme entendra mieux qu'un vieux bonhomme. Allons, au revoir, monsieur Georges.
Il sortit. Je restai encore une fois seul avec Cora, et cette fois elle avait une affaire d��licate �� traiter avec moi: elle allait me confier un secret peut-��tre, une peine de son coeur, un malheur de sa destin��e: ah! sans doute, il y avait un grand et profond myst��re dans la vie de cette fille si m��lancolique et si belle! son existence ne pouvait pas ��tre arrang��e comme celle des autres. Le ciel ne lui avait pas d��parti une si miraculeuse beaut�� sans la lui faire expier par des tr��sors de douleur. Enfin, me disais-je, elle va les ��pancher dans mon sein, et je pourrai peut-��tre en prendre une partie pour la soulager!
Elle resta un peu confuse devant moi. Puis elle fouilla dans la poche de son tablier de taffetas noir et en tira un papier pli��.
--En v��rit��, Monsieur, dit-elle, c'est bien peu de chose: je ne sais pourquoi mon p��re me charge de vous le dire; il devrait savoir qu'un homme d'esprit comme vous ne s'offense pas d'une demande toute naturelle.... Sans tout ce qu'il vient de dire, je ne serais pas embarrass��e, mais....
--Achevez, au nom du
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