Cora | Page 7

George Sand
consol��? Cora n'est-elle pas pour jamais unie �� un autre?
L'��picier, appuyant ses deux coudes sur sa fen��tre, entama alors avec moi une conversation affectueuse et bienveillante sur la beaut�� de la journ��e, sur le plaisir de revenir �� la vie par un si bon soleil, sur l'excellence des gilets de flanelle en temps de convalescence, et les bienfaisants effets de l'eau miell��e et du sirop de gomme sur les poitrines fatigu��es et les estomacs d��bilit��s.
Jaloux de soutenir et de prolonger un entretien si pr��cieux, je lui r��pondis par des compliments flatteurs sur la beaut�� des girofl��es qui fleurissaient �� sa fen��tre, sur la grace mignonne et coquette de son chat qui dormait au soleil devant la porte, et sur la bonne exposition de sa boutique qui recevait en plein les rayons du soleil de midi.
--Oui, oui, r��pondit l'��picier, au commencement du printemps les rayons du soleil ne sont point �� d��daigner; plus tard ils deviennent un peu trop bons....
A cet entretien cordial et ing��nu, Cora m��lait de temps en temps des r��flexions courtes et simples, mais pleines de bon sens et de justesse; j'en conclus qu'elle avait un jugement droit et un esprit positif.
Puis, comme j'insistais sur l'avantage d'avoir la fa?ade de son logis expos��e au midi, Cora, inspir��e par le ciel et par la beaut�� de son ame, dit �� son p��re:
--Au fait, la chambre de M. Georges expos��e au nord doit encore ��tre assez fra?che dans ce temps-ci. Peut-��tre, si vous lui proposiez de venir s'asseoir une heure ou deux chez nous, serait-il bien aise de voir le soleil en face?
Puis elle se pencha vers son oreille, et lui dit tout bas quelques mots qui sembl��rent frapper vivement l'��picier.
--C'est bien, ma fille, s'��cria-t-il d'un ton jovial Vous plairait-il, monsieur Georges, d'accepter une chaise �� c?t�� de ma Cora?
--O mon Dieu! pensai-je, si c'est un r��ve, faites que je ne m'��veille point.
Une minute apr��s, le g��n��reux ��picier ��tait dans ma chambre et m'offrait son bras pour descendre. J'��tais ��mu jusqu'aux larmes et je lui pressai les mains avec une effusion qui le surprit, tant son action lui paraissait naturelle.
Au seuil de ma maison, je trouvai Cora qui venait pour aider son p��re �� me soutenir en traversant la rue. Jusque-l�� je me sentais la force d'aller vers elle; mais d��s qu'elle toucha mon bras, d��s que sa main longue et blanche effleura mon coude, je me sentis d��faillir, et je perdis le sentiment de mon bonheur pour l'avoir senti trop vivement.
Je revins �� moi sur un grand fauteuil de cuir �� clous dor��s, qui, depuis cinquante ans, servait de tr?ne au patriarcal ��picier. Sa digne compagne me frottait les tempes avec du vuln��raire, et Cora, la belle Cora, tenait sous mes narines son mouchoir imbib�� d'alcool. Je faillis m'��vanouir de nouveau; je voulus remercier, mais je n'avais pas d'expressions pour peindre ma gratitude; pourtant, dans un moment o�� l'��picier, me voyant mieux, se retirait, et ou sa femme passait dans l'arri��re-boutique pour me chercher un verre d'eau de r��glisse, je dis �� Cora en levant sur elle mon oeil languissant:
--Ah! Madame, pourquoi ne m'avoir pas laiss�� mourir? j'��tais si heureux tout �� l'heure!
Elle me regarda d'un air ��tonn�� et me dit d'un ton affectueux:--Remettez-vous, Monsieur, vous avez de la fi��vre, je le vois bien.
Quand je fus tout �� fait remis de mon trouble, l'��pici��re retourna �� la boutique, et je restai seul avec Cora.
Comme le coeur me battit alors! Mais elle ��tait calme, et sa s��r��nit�� m'imposait tant de respect que je pris sur moi de para?tre calme aussi.
Cependant ce t��te-��-t��te devint pour moi d'un cruel embarras. Cora n'aimait point �� parler. Elle r��pondait bri��vement �� toutes les choses que je tirais de mon cerveau avec d'incroyables efforts, et, quoi que je fisse, jamais ses r��ponses n'��taient de nature �� nouer l'entretien; sur quelque mati��re que ce f?t, elle ��tait de mon avis. Je ne pouvais pas m'en plaindre, car je lui disais de ces choses sens��es qu'il n'est pas possible de combattre �� moins d'��tre fou. Par exemple, je lui demandai si elle aimait la lecture.--Beaucoup, me r��pondit-elle.--C'est qu'en effet, repris-je, c'est une si douce occupation!--En effet, reprit-elle, c'est une tr��s-douce occupation.--Pourvu, ajoutai-je, que le livre qu'on lit soit beau et int��ressant.--Oh! certainement, ajouta-t-elle.--Car, poursuivis-je, il en est de bien insipides.--Mais aussi, poursuivit-elle, il en est de bien jolis.--Cet entretien eut pu nous mener loin si je me fusse senti la hardiesse de l'interroger sur le genre de ses lectures. Mais je craignis que cela ne f?t indiscret, et je me bornai �� jeter un regard furtif sur le livre entr'ouvert au pied de la girofl��e. C'��tait un roman d'Auguste Lafontaine. J'eus la sottise d'en ��tre affect�� d'abord. Et puis, en y r��fl��chissant, je trouvai dans le choix de cette lecture une raison d'admirer la simplicit�� et la
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