Cora | Page 6

George Sand
je ressentis un insurmontable sentiment de bien-��tre et de reconnaissance envers le ciel.
Et puis je me rappelai Cora et son mariage, et j'eus honte de la joie que je venais d'��prouver; car, apr��s les ferventes pri��res que j'avais adress��es �� Dieu et au m��decin pour ��tre d��livr�� de la vie, c'��tait une incons��quence sans pareille que d'en accepter le retour sans col��re et sans amertume. Je me mis donc �� r��pandre des larmes. La jeunesse est si riche en ��motions de tout genre, qu'il lui est possible de se torturer elle-m��me en d��pit de la force de l'espoir, de la po��sie, de tous les bienfaits dont l'a dou��e la Providence. Je lui reprochai, moi, d'avoir ��t�� plus sage que moi, et de n avoir pas permis qu'un amour bizarre et presque imaginaire me conduis?t au tombeau. Puis je me r��signai et j'acceptai la volont�� de Dieu, qui rivait ma cha?ne et me condamnait �� jouir encore de la vue du ciel, de la beaut�� de la nature et de l'affection de mes proches.
Quand je fus assez fort pour me lever, je m'approchai de la fen��tre avec un inexprimable serrement de coeur. Cora ��tait l��; elle lisait. Elle ��tait toujours belle, toujours pale, toujours seule. J'eus un sentiment de joie. Elle m'��tait donc rendue, ma f��e aux yeux verts; ma belle r��veuse solitaire! Je pourrais la contempler encore et nourrir en secret cette passion extatique que le regard d'un rival m'avait forc�� de refouler si longtemps! Tout �� coup elle releva sa t��te brune, et ses yeux, errant au hasard sur la muraille, aper?urent ma face pale qui se penchait vers elle. Je tressaillis, je crus qu'elle allait fuir comme �� l'ordinaire. Mais, ? transport! elle ne s'enfuit point. Au contraire, elle m'adressa un salut plein de politesse et de douceur, puis elle reporta son attention sur son livre, et resta sous mes yeux absolument indiff��rente �� l'assiduit�� de mes regards; mais du moins elle resta.
Un homme plus exp��riment�� que moi e?t pr��f��r�� l'ancienne sauvagerie de Cora �� l'insouciance avec laquelle d��sormais elle bravait le face-��-face. Mais pouvais-je r��sister au charme qu'elle venait de jeter sur moi avec son salut bienveillant et gracieux? Je m'imaginai tout ce qu'il peut entrer de chaste int��r��t et de bienveillance r��serv��e dans un modeste salut de femme. C'��tait la premi��re marque de connaissance que me donnait Cora. Mais avec quelle ing��nieuse d��licatesse elle choisissait l'instant de me la donner! Combien il entrait de compassion g��n��reuse dans ce faible t��moignage d'un int��r��t timide et discret! Elle n'osait point me demander si j'��tais mieux. D'ailleurs elle le voyait, et son salut valait tout un long discours de f��licitations.
Je passai toute la nuit �� commenter ce charmant salut, et le lendemain, �� l'heure o�� Cora reparut, je me hasardai �� risquer le premier t��moignage de notre intelligence naissante. Oui, j'eus l'audace de la saluer profond��ment; mais je fus si boulevers�� de ce que j'osais faire, que je n'eus point le courage de fixer mes yeux sur elle. Je les tins baiss��s avec crainte et respect, ce qui fit que je ne pus point savoir si elle me rendait mon salut, ni de quel air elle me le rendait.
Troubl��, palpitant, plein d'espoir et de terreur, je restais le front cach�� dans mes mains, n'osant plus montrer mon visage, lorsqu'une voix s'��leva dans le silence de la rue, et, montant vers moi, m'adressa ces douces paroles:
--Il parait, Monsieur, que votre sant�� est meilleure?
Je tressaillis, je retirai ma t��te de mes mains; je regardai Cora, je ne pouvais en croire mes oreilles, d'autant plus que la voix ��tait un peu rude, un peu male, et que je m'��tais toujours imagin�� la voix de Cora plus douce que celle de la brise d'avril caressant les fleurs naissantes. Mais comme je la contemplais d'un air ��perdu, elle r��it��ra sa question dans des termes dont la douceur me fit oublier l'accent un peu indig��ne et le timbre un peu vigoureux de sa voix.
--Je vois avec plaisir, dit-elle, que monsieur Georges se porte mieux.
Je voulus faire une r��ponse qui exprimat l'enthousiasme de ma reconnaissance; mais cela me fut impossible: je palis, je rougis, je balbutiai quelques paroles inintelligibles; je faillis m'��vanouir.
A ce moment, l'��picier, le p��re de ma Cora, approchant son profil osseux de la fen��tre, lui dit d'un ton rauque, mais pourtant bienveillant:
--A qui parles-tu donc, mignonne?
--A notre voisin, M. Georges, qui est enfin convalescent et que je vois �� sa fen��tre.
--Ah! j'en suis charm��, dit l'��picier, et, soulevant son bonnet de loutre: Comment va la sant��, mon cher voisin?
Je remerciai avec plus d'assurance le p��re de ma bien-aim��e. J'��tais le plus heureux des mortels; j'obtenais enfin un peu d'int��r��t de cette famille nagu��re si farouche et si m��fiante envers moi. Mais h��las! pensais-je presque aussit?t, que me sert �� pr��sent d'��tre plaint et
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