la lourde armoire de ch��ne, celle o�� le paysan cache son magot, sa poign��e de louis ou d'��cus, dans un sac ou dans un vieux bas.
Pour la premi��re fois de sa vie, l'homme venait de commettre une effraction, de risquer le bagne. Eh bien! il fallait aller jusqu'au bout.
Il prit vivement le couteau sur la table et s'approcha de l'armoire, pour la forcer. Mais tout pr��s du meuble, sur la muraille, un papier, dans un cadre de bois noir, attira son attention. Machinalement, il y jeta les yeux et lut d'abord ces mots imprim��s: ?75e r��giment d'infanterie?.
Il s'arr��ta net.
C'��tait un certificat de lib��ration d��livr�� au nomm�� Dubois (Jules-Mathieu), caporal clairon �� la 2e compagnie du 3e bataillon.
Ainsi, il allait voler un homme de son ancien r��giment. Pas de son temps, non! La date du papier ��tait r��cente. Mais n'importe!
Et voil�� que, le coeur remu��, il h��site maintenant �� faire le coup.
--?Comme on est b��te!? dit-il �� demi-voix.
Soudain, son regard se reporte vers la table, o�� sont la miche et le tabac, et son parti est bien vite pris, au pauvre diable. Il coupe la miche par moiti��, tire sa pipe de sa poche et la bourre,--on peut emprunter cela �� un camarade, pas vrai?--puis, s'��lan?ant hors de la maison, il reprend, en mangeant son pain, le sentier �� travers les bl��s, le chemin de traverse, la grand'route; et quand il passe de nouveau, sa pipe allum��e, devant le Christ du carrefour, il lui dit, sans le saluer, avec une grimace gaie au coin de la l��vre, o�� rit un reste de la blague du soldat d'Afrique:
?Toi, mon vieux, c'est dommage que tu n'aies pas servi au 75e!... Sans cela, tu me ferais trouver du travail, ce soir, �� l'��tape.?
L'Orgue de Barbarie
I
Que la musique est nostalgique! Comme elle ��voque douloureusement les vieux souvenirs! Et combien lamentable, au fond du cr��puscule de Novembre, le son pleurard de l'orgue de Barbarie qui joue une ancienne polka!
Un ancien air de polka qui faisait sauter tout Paris il y a quinze ans, quand vous en aviez dix-huit �� peine, madame! Oui! vous, la pauvre blonde fl��trie, qui portez un chapeau de velours bleu bien fan�� pour ses brides neuves, et qui poussez la petite voiture o�� dort votre troisi��me b��b��, sous les platanes sans feuilles du triste boulevard de banlieue.
Comme vous ��tiez jolie, du temps o�� l'on tapotait cette polka dans les sauteries bourgeoises �� verres de sirop et �� gateaux secs! Quelle matin��e de printemps vous faisiez alors avec votre frais visage d'un ovale corr��gien et ces admirables cheveux ond��s, couleur de bl�� m?r, dont vous avez perdu la moiti��, h��las! �� votre deuxi��me couche!
Sans dot!... Oui! vous n'aviez pas de dot. Pouvait-il en ��tre autrement pour la fille d'un honn��te sous-chef, n'obtenant r��guli��rement de ses sup��rieurs que cette note d��sesp��rante: ?Bon et modeste serviteur, tr��s utile dans son emploi?, de ce pauvre bonhomme qui, dans les bals o�� il vous accompagnait, n'osait pas s'asseoir �� la table de whist �� dix sous la fiche, et tatait constamment la poche de son gilet, pour s'assurer qu'il n'avait pas perdu les trois francs du fiacre de nuit?
Sans dot!... Toutes les glaces du salon vous disaient que vous n'en aviez pas besoin, quand vous entriez au bras de votre p��re, radieuse dans un brouillard rose. Qui pouvait se douter que la maman, rest��e au logis pour cause de toilette, avait repass�� votre jupon sur la table de la salle �� manger et que vous-m��me aviez coup�� et cousu votre robe? N'��tiez-vous pas gant��e jusqu'au coude? Comment aurait-on su que vous aviez des piq?res d'aiguille au bout des doigts?
��coutez la vieille polka que joue l'orgue de Barbarie haletant, au fond du cr��puscule de Novembre. Ne dirait-on pas le chant d'une folle, entrecoup�� de sanglots?
Il vous invitait souvent �� la danser avec lui, cette polka, le beau jeune homme brun, �� la moustache militaire, si ��l��gant dans son frac bien coup��, que, dans vos pens��es, vous appeliez par son petit nom, Fr��d��ric. Il vous invitait �� la danser avec lui, cette polka, et la mazourke aussi, et la valse. Votre voix tremblait un peu, quand vous r��pondiez: ?Oui, monsieur;? et votre main aussi tremblait, quand vous la mettiez dans la sienne. Car c'��tait un fils de famille, un assez mauvais sujet, disait-on, qui avait eu un duel,--quel prestige!--et dont le p��re avait deux fois pay�� les dettes.
Comme il vous entra?nait par la taille, d'une main ferme, et, dans les minutes de repos o�� vous vous appuyiez sur son bras, toute souriante et respirant vite, comme il vous troublait en vous regardant tout �� coup dans les yeux et en vous adressant, d'une voix basse et chaude,--sur un rien, sur un d��tail de votre toilette, sur la fleur de vos cheveux,--un compliment tr��s respectueux dans les termes, mais o��
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