Contes pour les petits garçons | Page 3

Johan Christopher Schmid
empêcher.
Le lendemain, le médecin vint et lui dit: J'ai songé à un autre moyen; prenez cette boîte
de cailloux, et tous les matins vous en jetterez trois dans votre bouteille. Si vous avez soin
d'y laisser et les nouveaux et les anciens, la liqueur cessera de vous être nuisible; mais
surtout ne changez pas de bouteille!

Le malade exécuta l'ordonnance, et comme chaque jour sa bouteille contenait moins
d'eau-de-vie, il se déshabitua peu à peu de cette funeste boisson, et ne s'aperçut de la ruse
du médecin que lorsque la bouteille fut toute pleine de cailloux.

LA PIERRE.
Philippe était un homme riche, dur et grossier; il maltraitait tous ceux qu'il employait à
son service. Il se prit de querelle avec un pauvre journalier auquel il demandait une chose
impossible. Celui-ci fut obligé d'abandonner le travail qu'il avait commencé. Philippe,
furieux, prit une pierre et la jeta à ce malheureux, qu'il atteignit. Le journalier alla
ramasser la pierre et la mit dans sa poche, pensant qu'un jour ou l'autre il trouverait
l'occasion de rendre à Philippe coup pour coup.
En effet, ce mauvais riche fut, dans sa vieillesse, réduit à la mendicité, et il vint demander
l'aumône à la porte de la cabane du journalier. Celui-ci accourut avec sa pierre, en se
disant que le moment de la vengeance était arrivé. Mais à la vue des haillons du ci-devant
riche et de son air misérable, il s'arrêta et dit:--Je vois bien que l'homme ne doit jamais se
venger, car si notre ennemi est fort et puissant, l'on court du danger en le faisant; la
vengeance ne sera donc l'oeuvre que d'un fou. Si au contraire notre ennemi est faible et
dangereux, il serait infâme d'en abuser pour le maltraiter sans crainte; la vengeance alors
serait l'acte d'un lâche.

LE PAIN.
La ville de Blois était désolée par une grande disette. Un homme riche, voulant soulager
ceux qui avaient le plus besoin de secours, réunit chez lui vingt enfants des plus pauvres
familles. Il fit apporter une grande corbeille et leur dit:--Il y a là-dedans vingt pains, vous
en aurez chacun un, partagez-vous-les dès à présent. Chaque jour vous en trouverez
autant ici à la même heure.
A ces mots, les enfants se précipitèrent vers la corbeille et se disputèrent à qui aurait le
pain le plus gros et le mieux cuit. Quand chacun eut le sien, ils se retirèrent sans
remercier leur bienfaiteur; il ne resta dans la salle que la petite Fanny, qui s'était tenue à
l'écart; elle s'approcha alors de la corbeille, prit le pain qui avait été dédaigné par tous les
autres, puis elle alla baiser la main de l'homme généreux qui le lui donnait, se retira
tranquillement, et porta ce pain à sa mère qui était malade, pour le partager avec elle.
Le lendemain, les choses se passèrent de même, mais le pain qui resta à Fanny était de
moitié plus petit que les autres. Elle le prit sans murmurer, remercia le bienfaiteur comme
la veille, et remit le pain à sa mère. Lorsque celle-ci l'entama, elle en vit sortir une grande
quantité de pièces d'argent.--Va les rapporter, dit-elle à Fanny, c'est sans doute par
accident que cet argent se trouve dans le pain.
Fanny s'empressa d'obéir à sa mère, mais le bienfaiteur refusa de reprendre la somme.
Gardez-là, mon enfant, lui dit-il, c'est exprès que je l'ai fait mettre dans le plus petit pain,

afin que votre modération et votre gratitude eussent leur récompense.

LE CLOU.
Paul sella son cheval pour aller porter au propriétaire de la ferme qu'il occupait le prix de
son loyer. Au moment de monter à cheval, il vit qu'il manquait un clou à l'un des
fers.--Ce n'est pas la peine de le remettre, se dit-il, faute d'un clou mon cheval ne restera
pas en route.
A une lieue de chez lui, Paul vit que le cheval avait perdu le fer où il manquait un clou: Je
pourrais bien, dit-il, faire remettre un fer à la forge voisine, mais je perdrais trop de temps;
mon cheval arrivera bien à la ville avec trois fers.
Plus tard, le cheval prit une épine et se blessa:--Je pourrais, se dit-il encore, faire soigner
ma monture; mais il n'y a plus qu'un quart de lieue d'ici à la ville;--elle terminera bien la
route comme ça.
Quelques minutes après, le cheval en boitant fit un faux pas, tomba, et Paul se démit
l'épaule; on le transporta dans un village près de là, où pendant dix jours il fallut soigner
l'homme et le cheval. Il était bien désolé de perdre ainsi son temps et son argent. Il se
disait à part lui:--Il n'y a pas de petites négligences; si j'avais mis un clou, mon cheval
n'aurait pas perdu son fer; il ne serait pas blessé;
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