Contes merveilleux, Tome II | Page 8

Hans Christian Andersen
sa taille, les coudes bien pointus pour

montrer aux autres comment il fallait traiter ces gens-là. Quels jolis bras avait-elle! Une
petite fille très charmante!
Or, la fille de monsieur le Marchand se mit en colère. C'est que son père s'appelait
Madsen et c'est aussi, hélas! un nom en sen; elle se gonfla et déclara avec fierté:
--Seulement mon père peut acheter pour cent écus d'or de friandises et les jeter dans la
rue! Et pas le tien!
--Ce n'est rien, mon père à moi, se vanta la fillette d'un rédacteur, peut mettre ton père et
ton père et tous les pères dans le journal! Tout le monde a peur de lui, dit maman, car
c'est mon père qui dirige le journal.
Et elle leva son petit nez comme si elle était une vraie princesse qui doit pointer son nez
en l'air.
Par la porte entrouverte, un garçon pauvre regardait. Il était d'une famille si pauvre qu'il
n'avait même pas le droit d'entrer dans la chambre. Il avait aidé la cuisinière à faire
tourner la broche et, en récompense, on l'autorisait à présent à se placer pour un petit
moment derrière la porte pour regarder ces enfants nobles, pour voir comme ils
s'amusaient bien; c'était un grand honneur pour lui.
--Oh, si je pouvais être l'un d'eux! soupira-t-il.
Puis il entendit ce qu'il s'y disait et cela suffit à lui faire baisser la tête. Chez lui, on
n'avait pas un écu au fond du bahut, et on ne pouvait pas se permettre d'acheter les
journaux et encore moins d'y écrire. Et le pire de tout: le nom de son père, et donc le sien
aussi, se terminait par sen, il n'arriverait donc jamais à rien dans la vie. Quelle triste
affaire! On ne pouvait pourtant pas dire qu'il n'était pas né, pas cela, il était bel et bien né,
sinon il ne serait pas là.
Quelle soirée!
Quelques années plus tard, les enfants devinrent adultes. Une magnifique maison fut
construite dans la ville. Dans cette maison, il y avait plein d'objets somptueux, tout le
monde voulait les voir, même des gens qui n'habitaient pas la ville, venaient pour les
regarder. Devinez à quel enfant de notre histoire appartenait cette maison? Et bien, la
réponse est facile... ou plutôt pas si facile que ça. Elle appartenait au pauvre garçon, parce
qu'il était quand même devenu quelqu'un bien que son nom se terminât en sen, il
s'appelait Thorvaldsen. Et les trois autres enfants? Ces enfants remplis d'orgueil pour leur
titre, l'argent ou l'esprit? Ils n'avaient rien à s'envier les uns aux autres, ils étaient égaux...
et comme ils avaient un bon fond, ils devinrent de bons et braves adultes. Et ce qu'ils
avaient pensé et dit autrefois n'était que... papotage d'enfants.

La pâquerette

Écoutez bien cette petite histoire.
À la campagne, près de la grande route, était située une gentille maisonnette que vous
avez sans doute remarquée vous-même. Sur le devant se trouve un petit jardin avec des
fleurs et une palissade verte; non loin de là, sur le bord du fossé, au milieu de l'herbe
épaisse, fleurissait une petite pâquerette. Grâce au soleil qui la chauffait de ses rayons
aussi bien que les grandes et riches fleurs du jardin, elle s'épanouissait d'heure en heure.
Un beau matin, entièrement ouverte, avec ses petites feuilles blanches et brillantes, elle
ressemblait à un soleil en miniature entouré de ses rayons. Qu'on l'aperçût dans l'herbe et
qu'on la regardât comme une pauvre fleur insignifiante, elle s'en inquiétait peu. Elle était
contente, aspirait avec délices la chaleur du soleil, et écoutait le chant de l'alouette qui
s'élevait dans les airs.
Ainsi, la petite pâquerette était heureuse comme par un jour de fête, et cependant c'était
un lundi. Pendant que les enfants, assis sur les bancs de l'école, apprenaient leurs leçons,
elle, assise sur sa tige verte, apprenait par la beauté de la nature la bonté de Dieu, et il lui
semblait que tout ce qu'elle ressentait en silence, la petite alouette l'exprimait
parfaitement par ses chansons joyeuses. Aussi regarda-t-elle avec une sorte de respect
l'heureux oiseau qui chantait et volait, mais elle n'éprouva aucun regret de ne pouvoir en
faire autant.
«Je vois et j'entends, pensa-t-elle; le soleil me réchauffe et le vent m'embrasse. Oh!
j'aurais tort de me plaindre.»
En dedans de la palissade se trouvaient une quantité de fleurs roides et distinguées; moins
elles avaient de parfum, plus elles se redressaient. Les pivoines se gonflaient pour
paraître plus grosses que les roses: mais ce n'est pas la grosseur qui fait la rose. Les
tulipes brillaient par la beauté de leurs couleurs et se pavanaient avec prétention; elles ne
daignaient pas jeter un regard sur la petite pâquerette, tandis que la pauvrette les admirait
en disant: «Comme elles sont riches et belles! Sans doute le superbe
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