oiseau va les visiter.
Dieu merci, je pourrai assister à ce beau spectacle.»
Et au même instant, l'alouette dirigea son vol, non pas vers les pivoines et les tulipes,
mais vers le gazon, auprès de la pauvre pâquerette, qui, effrayée de joie, ne savait plus
que penser.
Le petit oiseau se mit à sautiller autour d'elle en chantant: «Comme l'herbe est moelleuse!
Oh! la charmante petite fleur au coeur d'or et à la robe d'argent!»
On ne peut se faire une idée du bonheur de la petite fleur. L'oiseau l'embrassa de son bec,
chanta encore devant elle, puis il remonta dans l'azur du ciel. Pendant plus d'un quart
d'heure, la pâquerette ne put se remettre de son émotion. À moitié honteuse, mais ravie au
fond du coeur, elle regarda les autres fleurs dans le jardin. Témoins de l'honneur qu'on lui
avait rendu, elles devaient bien comprendre sa joie; mais les tulipes se tenaient encore
plus roides qu'auparavant; leur figure rouge et pointue exprimait leur dépit. Les pivoines
avaient la tête toute gonflée. Quelle chance pour la pauvre pâquerette qu'elles ne pussent
parler! Elles lui auraient dit bien des choses désagréables. La petite fleur s'en aperçut et
s'attrista de leur mauvaise humeur.
Quelques moments après, une jeune fille armée d'un grand couteau affilé et brillant entra
dans le jardin, s'approcha des tulipes et les coupa l'une après l'autre.
--Quel malheur! dit la petite pâquerette en soupirant; voilà qui est affreux; c'en est fait
d'elles.
Et pendant que la jeune fille emportait les tulipes, la pâquerette se réjouissait de n'être
qu'une pauvre petite fleur dans l'herbe. Appréciant la bonté de Dieu, et pleine de
reconnaissance, elle referma ses feuilles au déclin du jour, s'endormit et rêva toute la nuit
au soleil et au petit oiseau.
Le lendemain matin, lorsque la pâquerette eut rouvert ses feuilles à l'air et à la lumière,
elle reconnut la voix de l'oiseau, mais son chant était tout triste. La pauvre alouette avait
de bonnes raisons pour s'affliger: on l'avait prise et enfermée dans une cage suspendue à
une croisée ouverte. Elle chantait le bonheur de la liberté, la beauté des champs
verdoyants et ses anciens voyages à travers les airs.
La petite pâquerette aurait bien voulu lui venir en aide: mais comment faire? C'était chose
difficile. La compassion qu'elle éprouvait pour le pauvre oiseau captif lui fit tout à fait
oublier les beautés qui l'entouraient, la douce chaleur du soleil et la blancheur éclatante
de ses propres feuilles.
Bientôt deux petits garçons entrèrent dans le jardin; le plus grand portait à la main un
couteau long et affilé comme celui de la jeune fille qui avait coupé les tulipes. Ils se
dirigèrent vers la pâquerette, qui ne pouvait comprendre ce qu'ils voulaient.
--Ici nous pouvons enlever un beau morceau de gazon pour l'alouette, dit l'un des garçons,
et il commença à tailler un carré profond autour de la petite fleur.
--Arrache la fleur! dit l'autre.
À ces mots, la pâquerette trembla d'effroi. Être arrachée, c'était perdre la vie; et jamais
elle n'avait tant béni l'existence qu'en ce moment où elle espérait entrer avec le gazon
dans la cage de l'alouette prisonnière.
--Non, laissons-la, répondit le plus grand; elle est très bien placée.
Elle fut donc épargnée et entra dans la cage de l'alouette.
Le pauvre oiseau, se plaignant amèrement de sa captivité, frappait de ses ailes le fil de fer
de la cage. La petite pâquerette ne pouvait, malgré tout son désir, lui faire entendre une
parole de consolation.
Ainsi se passa la matinée.
--Il n'y a plus d'eau ici, s'écria le prisonnier; tout le monde est sorti sans me laisser une
goutte d'eau. Mon gosier est sec et brûlant, j'ai une fièvre terrible, j'étouffe! Hélas! il faut
donc que je meure, loin du soleil brillant, loin de la fraîche verdure et de toutes les
magnificences de la création!
Puis il enfonça son bec dans le gazon humide pour se rafraîchir un peu. Son regard tomba
sur la petite pâquerette; il lui fit un signe de tête amical, et dit en l'embrassant:
--Toi aussi, pauvre petite fleur, tu périras ici! En échange du monde que j'avais à ma
disposition, l'on m'a donné quelques brins d'herbe et toi seule pour société. Chaque brin
d'herbe doit être pour moi un arbre; chacune de tes feuilles blanches, une fleur
odoriférante. Ah! tu me rappelles tout ce que j'ai perdu!
«Si je pouvais le consoler?», pensait la pâquerette, incapable de faire un mouvement.
Cependant le parfum qu'elle exhalait devint plus fort qu'à l'ordinaire; l'oiseau s'en aperçut,
et quoiqu'il languît d'une soif dévorante qui lui faisait arracher tous les brins d'herbe l'un
après l'autre, il eut bien garde de toucher à la fleur.
Le soir arriva; personne n'était encore là pour apporter une goutte d'eau à la malheureuse
alouette. Alors elle étendit ses belles
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