Contes merveilleux, Tome II | Page 7

Hans Christian Andersen
cosse à l'extrémité de laquelle
pendait une fleur desséchée:
--Qu'est-ce cela? fit-il.
--C'est ma soeur, répondit Fleur des Pois.
--Vraiment, et vous serez un jour comme cela! s'écria le papillon qui s'enfuit.
Le chèvrefeuille penchait ses branches en dehors d'une haie; il y avait là une quantité de
filles toutes pareilles, avec de longues figures au teint jaune.
--À coup sûr, pensa le papillon, il était impossible d'aimer cela.
Le printemps passa, et l'été après le printemps. On était à l'automne, et le papillon n'avait
pu se décider encore. Les fleurs étalaient maintenant leurs robes les plus éclatantes; en
vain, car elles n'avaient plus le parfum de la jeunesse. C'est surtout à ce frais parfum que
sont sensibles les coeurs qui ne sont plus jeunes; et il y en avait fort peu, il faut l'avouer,
dans les dahlias et dans les chrysanthèmes. Aussi le papillon se tourna-t-il en dernier
recours vers la menthe. Cette plante ne fleurit pas, mais on peut dire qu'elle est fleur tout
entière, tant elle est parfumée de la tête au pied; chacune de ses feuilles vaut une fleur,
pour les senteurs qu'elle répand dans l'air.»C'est ce qu'il me faut, se dit le papillon; je
l'épouse.» Et il fit sa déclaration.
La menthe demeura silencieuse et guindée, en l'écoutant. À la fin elle dit:
--Je vous offre mon amitié, s'il vous plaît, mais rien de plus. Je suis vieille, et vous n'êtes
plus jeune. Nous pouvons fort bien vivre l'un pour l'autre; mais quant à nous marier...
sachons à notre âge éviter le ridicule.

C'est ainsi qu'il arriva que le papillon n'épousa personne. Il avait été trop long à faire son
choix, et c'est une mauvaise méthode. Il devint donc ce que nous appelons un vieux
garçon.
L'automne touchait à sa fin; le temps était sombre, et il pleuvait. Le vent froid soufflait
sur le dos des vieux saules au point de les faire craquer. Il n'était pas bon vraiment de se
trouver dehors par ce temps-là; aussi le papillon ne vivait-il plus en plein air. Il avait par
fortune rencontré un asile, une chambre bien chauffée où régnait la température de l'été.
Il y eût pu vivre assez bien, mais il se dit: «Ce n'est pas tout de vivre; encore faut-il la
liberté, un rayon de soleil et une petite fleur.» Il vola vers la fenêtre et se heurta à la vitre.
On l'aperçut, on l'admira, on le captura et on le ficha dans la boîte aux curiosités.» Me
voici sur une tige comme les fleurs, se dit le papillon. Certainement, ce n'est pas très
agréable; mais enfin on est casé: cela ressemble au mariage.» Il se consolait jusqu'à un
certain point avec cette pensée.»C'est une pauvre consolation», murmurèrent
railleusement quelques plantes qui étaient là dans des pots pour égayer la chambre.» Il n'y
a rien à attendre de ces plantes bien installées dans leurs pots, se dit le papillon; elles sont
trop à leur aise pour être humaines.»

Papotages d'enfants
Dans la maison d'un marchand, de nombreux enfants se réunirent un jour, des enfants de
familles riches, des enfants de familles nobles. Monsieur le marchand avait réussi; c'était
un homme érudit puisque jadis, il était entré à l'Université. Son père qui avait commencé
comme simple commerçant, mais honnête et entreprenant, lui avait fait lire des livres.
Son commerce rapportait bien et le marchand faisait encore multiplier cette richesse. Il
avait aussi bon coeur et la tête bien en place, mais de cela on parlait bien moins souvent
que de sa grosse fortune. Se réunissaient chez lui des gens nobles, comme on dit, par leur
titre, mais aussi par leur esprit, certains même par les deux à la fois mais d'autres ni par
l'un ni par l'autre. En ce moment, une petite soirée d'enfants y avait lieu, on entendait des
enfants papoter; et les enfants n'y vont pas par quatre chemins. Il y avait par exemple une
petite fille très mignonne mais terriblement prétentieuse; c'étaient ses domestiques qui le
lui avaient appris, pas ses parents qui étaient bien trop raisonnables pour cela. Son père
était majordome, c'était une haute fonction et elle le savait bien.
--Je suis une enfant de majordome, se vantait-elle.
Elle pouvait aussi bien être la fille des Tartempion, on ne choisit pas ses parents. Elle
raconta aux autres qu'elle était «noble» et affirma que celui qui n'était pas bien né
n'arriverait jamais à rien dans la vie. On pouvait travailler avec assiduité, si l'on n'est pas
bien né on n'arrivera à rien.
--Et ceux dont les noms se terminent par sen, proclama-t-elle, ne pourront jamais réussir
dans la vie. Devant tous ces sen et sen, il n'y a plus que poser ses mains sur les hanches et
s'en tenir bien à l'écart!
Et aussitôt elle posa ses jolies petites mains à
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