homme.
Un jour, une des voisines appela Marianne pour garder sa petite fille,
qui n'avait que huit mois, pendant qu'elle irait laver son linge à la
rivière. Marianne était très-obligeante et y alla tout de suite; elle prit
l'enfant sur ses genoux et lui chanta une jolie chanson pour l'amuser.
Marianne, voyant un pot devant le feu de la voisine, voulut savoir ce
qui était dedans. Elle le découvrit et sentit une bonne odeur de
pruneaux. Comme elle aimait beaucoup les pruneaux cuits, elle eut
grande envie d'y goûter; cependant elle se dit qu'elle ne devait pas
toucher au repas de cette femme en son absence; mais, poussée par sa
gourmandise, elle pensa qu'en mangeant deux ou trois pruneaux, elle ne
ferait pas grand tort au souper de la voisine. Elle prit la cuiller qui était
auprès du pot; au moment de la plonger dedans, elle entendit en
elle-même une voix qui lui disait qu'elle allait faire un grand péché, et
qu'il y avait autant de mal à voler peu de chose qu'à en voler beaucoup.
Alors elle se mit à chanter encore et à faire sauter la petite fille;
pourtant ses yeux ne quittaient pas le pot, qui était resté découvert.
Enfin l'odeur la tenta si bien qu'elle ne résista plus! Ayant pris la cuiller,
elle la remplit de pruneaux bien appétissants et souffla dessus pour les
faire refroidir. Au même moment, elle entendit la voisine qui revenait
de la rivière; au lieu de remettre les pruneaux dans le pot, la gourmande
les mit dans sa bouche et posa bien vite la cuiller à sa place, après avoir
recouvert le pot. Marianne rendit l'enfant à la mère et courut chez elle,
sans répondre à cette femme qui lui criait: «Ne t'en vas donc pas si vite!
petite, tu vas souper avec nous; j'ai un plat de ces bons pruneaux que tu
aimes tant; reste donc!»
Mais Marianne ne tourna même pas la tête, car les pruneaux qu'elle
avait dans la bouche la brûlaient si fort qu'elle en pleurait. Elle rentra
chez elle rouge comme la crête d'un coq, et cracha bien vite les
pruneaux dans les cendres du foyer; puis elle courut s'emplir la bouche
d'eau fraîche pour apaiser le grand mal qu'elle ressentait, car elle s'était
brûlée jusqu'à la chair vive.
Sa mère, après l'avoir bien grondée, la mit au lit et dit à tout le monde
que Marianne avait la fièvre: ce qui, du reste, était vrai; pour rien au
monde, elle n'aurait voulu qu'on sût que sa fille avait volé des pruneaux.
La petite gourmande resta quatre jours sans pouvoir ni manger ni parler,
et pendant plus d'une semaine elle ne vécut que de bouillie.
Marianne supplia sa mère de ne jamais dire à son père ni à personne la
cause de sa maladie.
Cette aventure lui causa tant de honte, qu'elle se corrigea entièrement;
et, quoiqu'elle souffrît beaucoup, son mal la tourmentait moins encore
que la crainte qu'on ne vînt à en connaître la cause.
LE PETIT GLORIEUX.
Jacques était le fils d'un gros fermier qui passait pour être un des plus
riches du village. Il était orgueilleux et croyait que tous les autres
enfants devaient lui être soumis. Il leur reprochait leur pauvreté, et se
moquait fort de leurs habits rapiécés, disant qu'il aimerait mieux aller
tout nu que de porter de pareilles guenilles. Il vantait sans cesse les
belles juments de son père et ses bonnes vaches, faisant grand mépris
des ânes et des chevaux des petits cultivateurs ses voisins. Quand toutes
les vaches se trouvaient à l'abreuvoir, à la fin de la journée, il comparait
les siennes à celles de ses camarades, et se plaisait à leur faire
remarquer combien ses bêtes étaient plus belles que les leurs.
Les enfants du village ne l'aimaient guère; et, comme il était trop
insolent et qu'il les humiliait plus que de coutume, ils le renvoyaient et
ne voulaient pas jouer avec lui. Alors Jacques leur disait:
«Je veux m'amuser avec vous, moi! si vous me renvoyez de votre jeu,
je dirai à mon papa, qui fait tout ce que je veux, de ne plus faire
travailler vos pères.»
Comme les pauvres petits le connaissaient capable de leur faire cette
méchanceté, et qu'ils savaient d'ailleurs combien leurs pères avaient
besoin de gagner de l'argent, ils se soumettaient à tous ses caprices.
[Illustration: Le pauvre homme se donna beaucoup de mal pendant cet
incendie.]
Une année, il survint un terrible orage au temps de la moisson. Le
tonnerre tomba deux fois sur la ferme du père de Jacques pendant la
nuit, et y mit le feu. On s'en aperçut trop tard pour sauver le bétail qu'on
ne put jamais faire sortir des étables. Les moutons, les vaches et deux
des belles juments du fermier y périrent. Le
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