Contes dune grand-mère | Page 4

George Sand
cette cachette, il y avait de la cendre et de menus
éclats de bois hachés par le tonnerre.
--Vraiment, se dit l'enfant, voilà un lit très-doux et très-chaud où je
dormirai sans risque de tomber en rêvant. Il n'est pas grand, mais il l'est
assez pour moi. Voyons pourtant s'il n'est pas habité par quelque
méchante bête.
Il fureta tout l'intérieur de ce refuge, et vit qu'il était percé par en haut,
ce qui devait amener un peu d'humidité dans les temps de pluie. Il se dit
qu'il était bien facile de boucher ce trou avec de la mousse. Une
chouette avait fait son nid dans le conduit.
--Je ne te dérangerai pas, pensa Emmi, mais je fermerai la
communication. Comme cela, nous serons chacun chez nous.
Quand il eut préparé son nid pour la nuit suivante et installé son bagage
en sûreté, il s'assit dans son trou, les jambes dehors appuyées sur une
branche, et se mit à songer vaguement à la possibilité de vivre dans un
arbre; mais il eût souhaité que cet arbre fût au coeur de la forêt au lieu
d'être auprès de la lisière, exposé aux regards des bergers et porchers
qui y amenaient leurs troupeaux. Il ne pouvait prévoir que, par suite de
sa disparition, l'arbre deviendrait un objet de crainte, et que personne
n'en approcherait plus.
La faim commençait à se faire sentir, et, bien qu'il fût très-petit
mangeur, il se ressentait bien de n'avoir rien pris de solide la veille.

Irait-il déterrer les favasses encore vertes qu'il avait remarquées à
quelques pas de là? ou irait-il jusqu'aux châtaigniers qui poussaient plus
avant dans la forêt?
Comme il se préparait à descendre, il vit que la branche sur laquelle
reposaient ses pieds n'appartenait pas à son chêne. C'était celle d'un
arbre voisin qui entre-croisait ses belles et fortes ramures avec celles du
chêne parlant. Emmi se hasarda sur cette branche et gagna le chêne
voisin qui avait, lui aussi, pour proche voisin un autre arbre facile à
atteindre. Emmi, léger comme un écureuil, s'aventura ainsi d'arbre en
arbre jusqu'aux châtaigniers où il fit une bonne récolte. Les châtaignes
étaient encore petites et pas très-mûres; mais il n'y regardait pas de bien
près, et il mit comme qui dirait pied à terre pour les faire cuire dans un
endroit bien désert et bien caché où les charbonniers avaient fait
autrefois une fournée. Le rond marqué par le feu était entouré de jeunes
arbres qui avaient repoussé depuis: il y avait beaucoup de menus
déchets à demi brûlés. Emmi n'eut pas de peine à en faire un tas et à y
mettre le feu au moyen d'un caillou qu'il battit du dos de son couteau, et
il recueillit l'étincelle avec des feuilles sèches, tout en se promettant de
faire provision d'amadou sur les arbres décrépits, qui ne manquaient
pas dans la forêt. L'eau d'une rigole lui permit de faire cuire ses
châtaignes dans son petit pot de terre, à couvercle percé, destiné à cet
usage. C'est un meuble dont en ce pays-là tout pâtour est nanti.
Emmi, qui ne rentrait souvent que le soir à la ferme, à cause de la
grande distance où il devait mener ses bêtes, était donc habitué à se
nourrir lui-même, et il ne fut pas embarrassé de cueillir son dessert de
framboises et de mûres sauvages sur les buissons de la petite clairière.
--Voilà, pensa-t-il, ma cuisine et ma salle à manger trouvées.
Et il se mit à nettoyer le cours du filet d'eau qu'il avait à sa portée. Avec
sa sarclette, il enleva les herbes pourries, creusa un petit réservoir,
débarrassa un petit saut que l'eau faisait dans la glaise et l'épura avec du
sable et des cailloux. Cet ouvrage l'occupa jusque vers le coucher du
soleil. Il ramassa son pot et sa houlette, et, remontant sur les branches
dont il avait éprouvé la solidité, il retrouva son chemin d'écureuil,
grimpant et sautant d'arbre en arbre jusqu'à son chêne. Il rapportait une

épaisse brassée de fougère et de mousse bien sèche dont il fit son lit
dans le trou déjà nettoyé. Il entendit bien la chouette sa voisine qui
s'inquiétait et grognait au-dessus de sa tête.
--Ou elle délogera, pensa-t-il, ou elle s'y habituera. Le bon chêne ne lui
appartient pas plus qu'à moi.
Habitué à vivre seul, Emmi ne s'ennuya pas. Être débarrassé de la
compagnie des pourceaux fut même pour lui une source de bonheur
pendant plusieurs jours. Il s'accoutuma à entendre hurler les loups. Il
savait qu'ils restaient au coeur de la forêt et n'approchaient guère de la
région où il se trouvait. Les troupeaux n'y venant plus, les compères ne
s'en approchaient plus du tout. Et puis Emmi apprit à connaître leurs
habitudes. En pleine forêt, il n'en rencontrait jamais dans les journées
claires. Ils n'avaient
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