Contes des fees | Page 4

Robert de Bonnières
montre, pourtant,?Que pour aimer, ne f?t-ce qu'en instant,?L'on brave tout, Madame, et la Mort même.
LES TROIS PETITES PRINCESSES
COMMENT TROIS BONNES FEES FIRENT TROIS BEAUX?DONS A TROIS PETITES PRINCESSES
Trois filles d'un Roi sarrazin,?Le même jour, furent priées?Et le même jour mariées?Aux trois fils d'un Prince voisin.?Elles eurent mêmes grossesses:?Au bout de neuf mois mêmement,?Il leur naquit, pareillement,?Trois petites princesses.?Le Roi maure, dit le Conteur,?Fit proclamer leur délivrance?En Inde, en Perse et jusqu'en France,?Et dépêcha son enchanteur?Auprès de trois gentilles Fées?Qui, dans trois chars tendus d'orfrois,?Se présentèrent toutes trois,?D'aurore et de lune attiffées.?Après qu'il fut fait maint salut?Et que luth et lyre eurent cesse,?Chaque Fée à chaque Princesse?Fit le plus beau don qu'il lui plut.
A sa Princesse, la Première?Donna pour don qu'elle serait?Faite comme elle, trait pour trait,?Et plus Belle que la lumière.
--?Bien que soit richesse en honneur?Chez les mortels, dit la Seconde,?Mon don n'est perle de Golconde?Mais belle perle de Bonheur.?
Vint la Troisième.--?Il est encore,?Dit-elle, un don plus précieux!??En couvrant l'enfant jusqu'aux yeux?D'un suaire tissé d'aurore.?En faisant ce don, elle était?Si bonne, si douce et si tendre,?Qu'on ne se lassa pas d'attendre?Le grand bien qu'elle promettait.?Grand bien n'est pas ce qu'on présente?Souvent pour tel; car là, tout beau!?On mit la petite au tombeau,?Qui mourut à l'aube naissante.
MORALITé
Mieux que Bonheur et Beaux Appas?Vaut la Mort, pour ce qu'est la Vie:?Ne la plaignez: Qui ne l'envie?Ne vécut et ne m'entend pas.
LE PETIT CASTEL DE CIRE
I
COMMENT ROSE-ROSE AVAIT LE DON D'ENTENDRE LE?LANGAGE DES ABEILLES, CE QU'EXPOSE L'AUTEUR?EN MANIèRE D'INTRODUCTION
Parmi tous les dons de vertu.?De beauté, de grace et décence?Que Rose-Rose, à sa naissance,?Eut d'une Fée, elle avait eu?Le don d'entendre sans étude?Les Abeilles en leurs fredons,?Aussi bien que nous entendons?Le bon fran?ais par habitude.?Et grace à ce rare savoir,?Elle avait sur le Roi, son père,?Pour gouverner l'état prospère,?Tout crédit, conseil et pouvoir:?L'hiver n'empêchait pas les roses?D'éclore en ces temps merveilleux,?Et les Abeilles en tous lieux?En savaient long sur toutes choses.
Ceci n'est qu'un conte amoureux?Que je dédie aux coeurs fidèles.?Aimez seulement mes modèles?Aussi bien que je fais pour eux.
II
COMMENT ROSE-ROSE ET MYRTIL EURENT UN SONGE?SEMBLABLE, ET DES PROPOS QUE ROSE-ROSE EUT?AVEC LES ABEILLES
Rose-Rose, à peine éveillée,?Dès la première aube appela?Ses femmes, et ce matin-là,?De blanc voulut être habillée:?Elle fut donc vêtue ainsi?Que sont les blanches fiancées.?Mais nul ne savait ses pensées.?L'amour n'avait pu jusqu'ici?Troubler une dame aussi sage.?On assurait qu'il n'était point?De prétendant qui, sur ce point,?E?t vu rougir son beau visage.?Quand on eut peigné ses cheveux,?Plus blonds qu'une moisson dorée,?Et qu'elle fut ainsi parée?Et belle assez selon ses voeux,?Elle fit, contre l'habitude,?éloigner ses Dames d'honneur,?Comme si son secret bonheur?S'augmentait de sa solitude.
Elle s'en fut seule au jardin?Pour causer avec les Abeilles.?--Des parterres et des corbeilles,?Des bosquets, des gazons, soudain?Toutes s'empressèrent vers elle,?Et par mille souhaits charmants,?Graces, bonjours et compliments,?Lui témoignèrent de leur zèle.?Après tous ces gentils discours,?Prenant sa voix la plus menue,?Rose leur dit:--?Je suis venue?Vous demander aide et secours;?Et tout d'abord je vous rends grace?De ce que vous ne m'avez fait?Encor défaut d'aucun bienfait:?Voici le cas qui m'embarrasse.
?J'aime un Prince que je n'ai vu?Qu'en songe encor, cette nuit même;?Rien ne m'est plus, sinon qu'il m'aime?Et qu'il m'a prise au dépourvu.?Amour donc jamais ne nous laisse?Sans aimer, car je ne suis plus,?Malgré mes dédains résolus,?Que joie, espoir, trouble et faiblesse!
--?Le lieu de mon songe était tel,?Que je vis en cette aventure?Ce même jardin en peinture,?Ces fleurs et ce petit Castel?Que vous m'avez sur la colline?Tout bati de cire, au dessus?Du petit lac aux bords moussus?Et de ce jardin qui décline.?Ce fut là qu'il me vint chercher?Et me put expliquer sa flamme?En mots si vrais, que jusqu'à l'ame?Son bel amour me sut toucher:?Et comme en un miroir immense?Je me voyais lui souriant?Et lui de même me priant?Tout obtenir de ma clémence.?--?Je suis fils de Roi, disait-il,?Et je veux vous aimer sans cesse.?Vous pouvez, sans honte, Princesse,?M'aimer aussi! J'ai nom Myrtil.?--?Mon nom, lui dis-je, est Rose-Rose,?--?Et, dans l'instant, nos jeunes fronts?Furent, ainsi que nous serons,?Couronnés de myrte et de rose.?En me voyant si belle ainsi,?Et lui plus beau que la lumière,?Je donnai mon amour première?Au beau Prince que j'ai choisi.?
Songe alors n'était pas mensonge,?Car Myrtil eut, de son c?té,?Comme on l'a depuis rapporté,?Cette même nuit même songe:?Il vit, dans le même moment,?Au même lieu, sa même image?A Rose-Rose rendre hommage.?Et lui faire même serment,?Dans ce même Castel de cire?Où, sans penser au lendemain,?Rose avait bien promis sa main,?A n'en douter, à ce beau Sire.
Et Rose dit en même temps:?--?Allez vite, Abeilles fidèles.?Vite autant que vous aurez d'ailes.?Dire à Myrtil que je l'attends!?Allez du couchant à l'aurore,?Et ne revenez pas sans lui;?Allez, et dites à celui?Que j'aime, au pays que j'ignore,?Lorsque vous l'aurez rencontré,?Qu'approuvée ou que combattue,?Toute de blanc ainsi vêtue,?En ce Castel je l'attendrai?Chaque jour, à cette même heure,?A chaque aube que Dieu fera,?Et que, s'il faut, l'on m'y verra?Venir jusqu'au jour que je meure!?
III
COMMENT LES
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