lune, on en voit quelquefois deux, trois, et plus, �� la suite les uns des autres, monter les rochers aussi vite que s'ils couraient �� terre.
En attendant le jour, je m'assis au pied d'un ch��ne pour fumer une pipe. Le temps ��tait si calme que pas une feuille ne remuait, on aurait dit que tout ��tait mort.
Comme je me reposais l��, depuis environ un quart d'heure, r��vant �� toutes sortes de choses, il me sembla voir tout �� coup, au fond du gouffre, un ��clair ramper sur le roc, ?Que diable cela peut-il ��tre?? me dis-je.
Une minute apr��s, l'��clair devint plus vif, une flamme embrassa de sa lumi��re pourpre plusieurs sapins, dont les ombres vacill��rent sur le torrent de la Tonkelbach.--Quelques figures noires se dessin��rent autour de la flamme, allant et venant comme des fourmis.--Des boh��miens campaient sur la roche plate, ils venaient d'allumer du feu pour pr��parer leur repas avant de se mettre en route.
Vous ne sauriez croire, ma?tre Christian, combien cette halte au fond du pr��cipice ��tait belle! Les vieux arbres dess��ch��s, les brindilles de lierre, les ronces et le ch��vrefeuille pendus au rocher se d��coupaient �� jour dans les airs; mille ��tincelles volaient sur l'��cume du torrent �� perte de vue, et des lueurs ��tranges dansaient sous le d?me des grands ch��nes, comme la ronde des feux follets sur le Blokesberg.
De la hauteur o�� j'��tais, il me semblait voir une peinture grande comme la main ... une peinture de feu et d'or, sur le fond noir des t��n��bres.
Longtemps je restai l�� tout pensif, me disant que les hommes ne sont au milieu des bois et des montagnes que de pauvres insectes perdus dans la mousse; mille autres id��es semblables me venaient �� l'esprit.
A la fin, je me laissai glisser entre deux rochers, en m'accrochant aux broussailles, et je descendis sur la pente du Krappenfels, pour voir ces gens de plus pr��s.... Mais, comme la pente devenait toujours plus rapide, je m'arr��tai de nouveau pr��s d'un arbre, �� mille pieds environ au-dessus des boh��miens.
Je reconnus alors une vieille, assise pr��s d'une chaudi��re.... La flamme l'��clairait de profil; elle tenait ses genoux pointus entre ses grands bras maigres, et regardait dans la marmite.... Trois ou quatre petits enfants �� peu pr��s nus se tra?naient autour d'elle comme des grenouilles. Plus loin, des femmes et des hommes, accroupis dans l'ombre, faisaient leurs pr��paratifs de d��part; ils se levaient, couraient, traversaient le cercle de lumi��re, pour jeter des brass��es de feuilles dans le feu, qui s'��levait de plus en plus, tordant des masses de fum��e sombre au-dessus du vallon.
Tandis que je regardais cela tranquillement, une id��e du diable me passa par la t��te ... une id��e qui d'abord me fit rire en moi-m��me.
?H��! me dis-je, si tout �� coup une grosse pierre tombait du ciel au milieu de ce tas de monde ... quelle mine ferait la vieille avec son nez crochu! et les autres, comme ils ouvriraient les yeux!--H��! h��! h��! ce serait dr?le.?
Mais ensuite je pensais naturellement qu'il faudrait ��tre un sc��l��rat, pour d��tacher une pierre et la rouler sur ces boh��miens, qui ne m'avaient jamais fait de mal.
?Oui ... oui ... me dis-je en moi-m��me, ce serait abominable ... je ne me pardonnerais jamais de ma vie!?
Malheureusement une grosse pierre se trouvait au bout de mon pied, et je la balan?ais doucement ... comme pour rire....?
Ici Heinrich fit une pause ... il ��tait tr��s-pale.... Au bout de quelques secondes, il reprit:
?Voyez-vous, ma?tre Christian, on a beau dire le contraire, la chasse est une passion diabolique ... elle d��veloppe les instincts de destruction qui se trouvent au fond de notre nature, et finit par nous jouer de mauvais tours.--Si je n'avais pas ��t�� habitu�� �� verser le sang depuis plus de trente ans, il est positif que l'id��e seule que je pouvais ��craser un de ces malheureux zigeiners m'aurait fait dresser les cheveux sur la t��te.--J'aurais quitt�� la place sur-le-champ, pour ne pas succomber �� la tentation ... mais l'habitude de tuer rend cruel.... Et puis, il faut bien le dire, une curiosit�� diabolique me retenait.
Je me repr��sentais les boh��miens, constern��s ... la bouche b��ante ... courant �� droite et �� gauche ... levant les mains ... poussant des cris ... et grimpant �� quatre pattes au milieu des rochers ... avec des figures si dr?les ... des contorsions si bizarres ... que, malgr�� moi, mon pied s'avan?ait tout doucement ... tout doucement ... et poussait l'��norme pierre sur la pente.
Elle partit!
D'abord elle fit un tour ... lentement.... J'aurais pu la retenir.... Je me levai m��me pour m'��lancer dessus, mais la pente ��tait si roide en cet endroit, qu'au deuxi��me tour elle avait d��j�� saut�� trois pieds ... puis six ... puis douze!... Alors, moi, debout, je sentis que je devenais pale et que mes joues tremblaient. Le rocher
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