G��rardmer, �� Retournemer; c'est l�� que vous verrez la montagne, des bois, toujours des bois, des rochers, des lacs et des pr��cipices.
On dit qu'une, belle route passe maintenant sur le Honeck; je veux le croire, mais c'est bien difficile. Le Honeck a pass�� cinq mille pieds de hauteur, la neige y s��journe jusqu'au mois de juillet, et ses flancs descendent �� pic dans le d��fil�� du M��nster, par d'immenses rochers noirs, fendill��s et h��riss��s de sapins, qui, d'en bas, ressemblent �� des foug��res.--D'en haut, vous d��couvrez la vall��e d'Alsace, le Rhin, les Alpes bernoises, du c?t�� de l'Allemagne;--vers la France, les lacs de Retournemer, de Longemer, et puis des montagnes ... des montagnes �� n'en plus finir!
Combien j'ai chass�� dans ce beau pays!... Combien j'ai tu�� de li��vres, de chevreuils, de sangliers, le long de ces c?tes bois��es; de belettes, de martres et de chats sauvages dans ces bruy��res; combien j'ai p��ch�� de truites dans ces lacs!--On me connaissait partout, de la Ho?pe �� Schirmeck, de M��nster �� G��rardmer: ?Voici Heinrich qui vient avec ses chapelets de grives et de m��sanges?, disait-on. Et l'on me faisait place �� table; on me coupait une large tranche de ce bon pain de m��nage qui semble toujours sortir du four; on poussait devant moi la planchette au fromage; on remplissait mon gobelet de petit vin blanc d'Alsace.--Les jolies filles venaient s'accouder sur mes ��paules, le nez retrouss��, les joues roses, les l��vres humides; les vieux me serraient la main en disant: ?Aurons-nous beau temps pour la fauch��e, Heinrich?... Faut-il conduire les porcs �� la gland��e?... les boeufs �� la pature?? Et les vieilles d��posaient bien vite leur balai derri��re la porte, pour venir me demander des nouvelles.
Quelquefois alors, en sortant, je pendais dans la cuisine un vieux li��vre aux longues dents jaunes, au poil roux comme de la mousse dess��ch��e;--ou bien, en hiver, un vieux renard qu'il fallait exposer trois jours �� la gel��e avant d'y mordre....--Et cela suffisait, j'��tais toujours l'ami de la maison, j'avais toujours mon coin �� table.... Oh! le bon temps ... les bonnes gens ... le bon pays des Vosges!...
--Mais pourquoi donc, ma?tre Heinrich, avez-vous quitt�� ce beau pays, puisque vous l'aimiez tant?
--Que voulez-vous, ma?tre Christian, l'homme n'est jamais heureux; ma vue devenait trouble, ma main commen?ait �� trembler: plus d'un li��vre m'avait ��chapp��.... Et puis il arrivait chaque jour de nouveaux gardes.... On batissait de nouvelles maisons foresti��res.... Il y avait plus de proc��s-verbaux dress��s contre moi, qu'un ane ne peut en porter �� l'audience.... Les gendarmes s'en m��laient.... On me cherchait partout ... ma foi, j'ai quitt�� la partie, j'ai repris le fil et la navette, et j'ai bien fait, je ne m'en repens pas, non, je ne m'en repens pas!?
Le front du vieillard devint sombre, il se leva et se prit �� marcher lentement dans la petite chambre, les mains crois��es sur le dos, les joues pales et les yeux fix��s devant lui.--Il me semblait voir un vieux loup ��dent��, la griffe us��e, r��vant �� la chasse en mangeant de la bouillie. De temps en temps, un tressaillement nerveux agitait ses l��vres, et les derniers rayons du jour, ��parpill��s sur le m��tier du tisserand, et la muraille d��cr��pite, enlumin��e de vieilles gravures de Montb��liard, donnaient �� cette sc��ne je ne sais quelle physionomie myst��rieuse.
Tout �� coup il s'arr��ta et me regardant en face:
?Eh bien! oui, fit-il brusquement, oui, j'aurais mieux aim�� p��rir au milieu des bois, sous la ros��e du ciel, que de reprendre le m��tier; mais il y avait encore autre chose.?
Il s'assit au bord de la petite fen��tre �� vitraux de plomb, et regardant le soleil de ses yeux ternes:
?Un jour d'automne, en 1827, j'��tais parti de G��rardmer, la carabine sur l'��paule, vers onze heures du soir, pour me rendre au Schlouck: c'est un lieu sauvage entre le Honeck et la montagne des G��nisses.--On y voit tourbillonner tous les matins des couv��es d'oiseaux de proie: des ��perviers, des buses et quelquefois des aigles ��gar��s dans les brouillards des Alpes ... mais comme les aigles repartent g��n��ralement au petit jour, il faut y ��tre de grand-matin pour pouvoir les tirer.--On y trouve aussi des martres, des chats sauvages, des fouines, des belettes qui se nourrissent d'oeufs et se plaisent au fond des cavernes.
A deux heures du matin, j'��tais dans le d��fil�� et je suivais un petit sentier qu'il faut bien conna?tre, car il longe les pr��cipices; des masses de foug��res humides croissent au bord du roc, et, �� trois cents pieds au-dessous, s'��l��vent �� peine les cimes des plus hauts sapins.
Mais �� cette heure on ne voyait rien: la nuit ��tait noire comme un four, quelques ��toiles seulement brillaient au-dessus de l'ab?me.
J'entendais pr��s de moi les cris aigus des martres: ces animaux se poursuivent la nuit comme les rats; par un beau clair de
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