montait, descendait, juste en face de la flamme.... Je le voyais en l'air ... puis retomber dans la nuit ... et je l'entendais bondir comme un sanglier.... C'��tait terrible!
Je jetai un cri ... un cri �� r��veiller la montagne.... Les boh��miens lev��rent la t��te ... il ��tait trop tard! Au m��me instant, le rocher parut en l'air pour la derni��re fois ... et la flamme s'��teignit....?
Heinrich se tut, me fixant d'un oeil hagard.... La sueur perlait sur son front.--Moi, je ne disais rien ... j'avais baiss�� la t��te.... Je n'osais pas le regarder!
Apr��s quelques instants de silence, le vieux braconnier reprit:
?Voil�� ce que j'ai fait, ma?tre Christian, et vous ��tes le premier �� qui j'en parle depuis ma confession au vieux cur�� Gottlieb, de Schirmeck ... deux jours apr��s le malheur.--Ce cur�� me dit: ?Heinrich, l'amour du sang vous a perdu ... vous avez tu�� une pauvre vieille femme, pour une envie de rire.... C'est un crime ��pouvantable.... Laissez l�� votre fusil, travaillez au lieu de tuer, et peut-��tre le Seigneur vous pardonnera-t-il un jour!... Quant �� moi, je ne puis vous donner l'absolution...? Je compris que ce brave homme avait raison, que la chasse m'avait perdu. Je donnai mon chien au sabotier du Ch��vrehof.... J'accrochai mon fusil au mur.... Je repris la navette ... et me voil��!?
Heinrich se tut.
Nous restames longtemps assis en face l'un de l'autre, sans ��changer une parole. La nuit ��tait venue ... un silence de mort planait sur le hameau de la Steinbach ... et tout au loin ... bien loin ... sur la route de Saverne, une lourde voiture, lanc��e au galop, passait avec un cliquetis de ferrailles.
Vers neuf heures, la lune, commen?ant �� para?tre derri��re le Schn��eberg, je me levai pour sortir.--Le vieux braconnier m'accompagna jusqu'au seuil de sa cassine.
?Pensez-vous que le Seigneur me pardonnera, ma?tre Christian?? dit-il en me tendant la main.
Sa voix tremblait.
?Si vous avez beaucoup souffert ... Heinrich!... Souffrir, c'est expier.?
Il me regarda quelques instants sans r��pondre....
?Si j'ai beaucoup souffert? fit-il enfin avec amertume.... Si j'ai beaucoup souffert?--Ah! ma?tre Christian, pouvez-vous me demander cela!--Est-ce qu'un ��pervier peut jamais ��tre heureux dans une cage? Non, n'est-ce pas.... On a beau lui donner les meilleurs morceaux, ?a ne l'emp��che pas d'��tre triste.... Il regarde le ciel �� travers les barreaux de sa cage ... ses ailes tremblent ... il finit par mourir.--Eh bien! depuis dix ans, je suis comme cet ��pervier!?
Il se tut quelques secondes ... puis, tout �� coup, comme entra?n�� malgr�� lui:
?Oh! s'��cria-t-il, les hautes montagnes!... les grandes for��ts!... la solitude!... la vie des bois!...?
Il ��tendait les bras vers les pics lointains des Vosges, dont les masses noires se dessinaient �� l'horizon, et de grosses larmes roulaient dans ses yeux.
?Pauvre vieux! me dis-je en le quittant, pauvre vieux!?
Et je remontai tout pensif le petit sentier qui longe la c?te, au milieu des bruy��res.
LE VIOLON DU PENDU
CONTE FANTASTIQUE
Karl Hafitz avait pass�� six ans sur la m��thode du contre-point; il avait ��tudi�� Haydn, Gluck, Mozard, Beethoven, Rossini; il jouissait d'une sant�� florissante et d'une fortune honn��te qui lui permettait de suivre sa vocation artistique; en un mot, il poss��dait tout ce qu'il faut pour composer de grande et belle musique ... except�� la petite chose indispensable: l'inspiration.
Chaque jour, plein d'une noble ardeur, il portait �� son digne ma?tre Albertus Kilian de longues partitions tr��s-fortes d'harmonie ... mais dont chaque phrase revenait �� Pierre, �� Jacques, �� Christophe.
Ma?tre Albertus, assis dans son grand fauteuil, les pieds sur les chenets, le coude au coin de la table, tout en fumant sa pipe, se mettait �� biffer l'une apr��s l'autre les singuli��res d��couvertes de son ��l��ve. Karl en pleurait de rage, il se fachait, il contestait ... mais le vieux ma?tre ouvrait tranquillement un de ses innombrables cahiers et le doigt sur le passage disait:
?Regarde, gar?on!?
Alors Karl baissait la t��te et d��sesp��rait de l'avenir.
Mais un beau matin qu'il avait pr��sent�� sous son nom, �� ma?tre Albertus, une fantaisie de Baccherini vari��e de Viotti, le bonhomme jusqu'alors impassible se facha:
?Karl, s'��cria-t-il, est-ce que tu me prends pour un ane? Crois-tu que je ne m'aper?oive pas de tes indignes larcins?... Ceci est vraiment trop fort!?
Et le voyant constern�� de son apostrophe:
?��coute, lui dit-il, je veux bien admettre que tu sois dupe de ta m��moire, et que tu prennes tes souvenirs pour des inventions ... mais d��cid��ment tu deviens trop gras ... tu bois du vin trop g��n��reux, et surtout une quantit�� de chopes trop ind��termin��e.... Voil�� ce qui ferme les avenues de ton intelligence. Il faut maigrir!
--Maigrir!
--Oui!... ou renoncer �� la musique. La science ne te manque pas ... mais les id��es ... et c'est tout simple.... Si tu passais ta vie �� enduire les cordes de ton violon d'une couche de graisse, comment pourraient-elles vibrer??
Ces paroles de ma?tre Albertus furent un trait de lumi��re pour Hafitz:
?Quand
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