dame ��tait malade; et il ne s'en inqui��ta gu��re. Mais bient?t cette femme qu'on ne voyait jamais l'irrita. Il s'informa de la maladie; on r��pondit que son h?tesse ��tait couch��e depuis quinze ans par suite d'un violent chagrin. Il n'en crut rien sans doute, et s'imagina que la pauvre insens��e ne quittait pas son lit par fiert��, pour ne pas voir les Prussiens, et ne leur point parler, et ne les point fr?ler.
Il exigea qu'elle le re??t; on le fit entrer dans sa chambre. Il demanda, d'un ton brusque.
--Je vous prierai, matame, de fous lever et de tescentre pour qu'on fous foie.
Elle tourna vers lui ses yeux vagues, ses yeux vides, et ne r��pondit pas.
Il reprit:
--Che ne tol��rerai bas d'insolence. Si fous ne fous levez bas de ponne volont��, che trouverai pien un moyen de fous faire bromener tout seule.
Elle ne fit pas un geste, toujours immobile comme si elle ne l'e?t pas vu.
Il rageait, prenant ce silence calme pour une marque de m��pris supr��me. Et il ajouta:
--Si vous n'��tes pas tescentue temain...
Puis, il sortit.
* * * * *
Le lendemain la vieille bonne, ��perdue, la voulut habiller; mais la folle se mit �� hurler en se d��battant. L'officier monta bien vite; et la servante, se jetant �� ses genoux, cria:
--Elle ne veut pas, monsieur, elle ne veut pas. Pardonnez-lui; elle est si malheureuse.
Le soldat restait embarrass��, n'osant, malgr�� sa col��re, la faire tirer du lit par ses hommes. Mais soudain il se mit �� rire et donna des ordres en allemand.
Et bient?t on vit sortir un d��tachement qui soutenait un matelas comme on porte un bless��. Dans ce lit qu'on n'avait point d��fait, la folle, toujours silencieuse, restait tranquille, indiff��rente aux ��v��nements tant qu'on la laissait couch��e. Un homme par derri��re portait un paquet de v��tements f��minins.
Et l'officier pronon?a en se frottant les mains:
--Nous ferrons pien si vous ne poufez bas vous hapiller toute seule et faire une b��tite bromenate.
Puis on vit s'��loigner le cort��ge dans la direction de la for��t d'Imauville.
Deux heures plus tard les soldats revinrent tout seuls.
On ne revit plus la folle. Qu'en avaient-ils fait? O�� l'avaient-ils port��e! On ne le sut jamais.
* * * * *
La neige tombait maintenant jour et nuit, ensevelissant la plaine et les bois sous un linceul de mousse glac��e. Les loups venaient hurler jusqu'�� nos portes.
La pens��e de cette femme perdue me hantait; et je fis plusieurs d��marches aupr��s de l'autorit�� prussienne, afin d'obtenir des renseignements. Je faillis ��tre fusill��.
Le printemps revint. L'arm��e d'occupation s'��loigna. La maison de ma voisine restait ferm��e; l'herbe drue poussait dans les all��es.
La vieille bonne ��tait morte pendant l'hiver. Personne ne s'occupait plus de cette aventure; moi seul y songeais sans cesse.
Qu'avaient-ils fait de cette femme? s'��tait-elle enfuie �� travers les bois! L'avait-on recueillie quelque part, et gard��e dans un h?pital sans pouvoir obtenir d'elle aucun renseignement. Rien ne venait all��ger mes doutes; mais, peu �� peu, le temps apaisa le souci de mon coeur.
Or, �� l'automne suivant, les b��casses pass��rent en masse; et, comme ma goutte me laissait un peu de r��pit, je me tra?nai jusqu'�� la for��t. J'avais d��j�� tu�� quatre ou cinq oiseaux �� long bec, quand j'en abattis un qui disparut dans un foss�� plein de branches. Je fus oblig�� d'y descendre pour y ramasser ma b��te. Je la trouvai tomb��e aupr��s d'une t��te de mort. Et brusquement le souvenir de la folle m'arriva dans la poitrine comme un coup de poing. Bien d'autres avaient expir�� dans ces bois peut-��tre en cette ann��e sinistre; mais je ne sais pourquoi, j'��tais s?r, s?r, vous dis-je, que je rencontrais la t��te de cette mis��rable maniaque.
Et soudain je compris, je devinai tout. Ils l'avaient abandonn��e sur ce matelas, dans la for��t froide et d��serte; et, fid��le �� son id��e fixe, elle s'��tait laiss��e mourir sous l'��pais et l��ger duvet des neiges et sans remuer le bras ou la jambe.
Puis les loups l'avaient d��vor��e.
Et les oiseaux avaient fait leur nid avec la laine de son lit d��chir��.
J'ai gard�� ce triste ossement. Et je fais des voeux pour que nos fils ne voient plus jamais de guerre.
PIERROT
A Henry Roujon.
Mme Lef��vre ��tait une dame de campagne, une veuve, une de ces demi-paysannes �� rubans et �� chapeaux falbalas, de ces personnes qui parlent avec des cuirs, prennent en public des airs grandioses, et cachent une ame de brute pr��tentieuse sous des dehors comiques et chamarr��s, comme elles dissimulent leurs grosses mains rouges sous des gants de soie ��crue.
Elle avait pour servante une brave campagnarde toute simple, nomm��e Rose.
Les deux femmes habitaient une petite maison �� volets verts, le long d'une route, en Normandie, au centre du pays de Caux.
Comme elles poss��daient, devant l'habitation, un ��troit jardin, elles cultivaient quelques l��gumes.
Or, une nuit, on lui vola une douzaine d'oignons.
D��s que Rose s'aper?ut du larcin, elle courut pr��venir madame, qui
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