?Voyons, mon petit Rivet, fais cela pour moi.? Mais il semblait exasp��r�� et me r��p��tait dans la figure: ?J'en ai assez, entends-tu, de l'affaire de ce cochon de Morin.?
Je fus bien contraint de partir aussi. Ce fut un des moments les plus durs de ma vie. J'aurais bien arrang�� cette affaire-l�� pendant toute mon existence.
Dans le wagon, apr��s les ��nergiques et muettes poign��es de main des adieux, je dis �� Rivet: ?Tu n'es qu'une brute?. Il r��pondit: ?Mon petit, tu commen?ais �� m'agacer bougrement?.
En arrivant aux bureaux du Fanal, j'aper?us une foule qui nous attendait... On cria d��s qu'on nous vit: ?Eh bien, avez-vous arrang�� l'affaire de ce cochon de Morin??
Tout la Rochelle en ��tait troubl��. Rivet, dont la mauvaise humeur s'��tait dissip��e en route, eut grand'peine �� ne pas rire en d��clarant: ?Oui, c'est fait, grace �� Labarbe.?
Et nous allames chez Morin.
Il ��tait ��tendu dans un fauteuil, avec des sinapismes aux jambes et des compresses d'eau froide sur le crane, d��faillant d'angoisse. Et il toussait sans cesse, d'une petite toux d'agonisant, sans qu'on s?t d'o�� lui ��tait venu ce rhume. Sa femme le regardait avec des yeux de tigresse pr��te �� le d��vorer.
D��s qu'il nous aper?ut, il eut un tremblement qui lui secouait les poignets et les genoux. Je dis: ?C'est arrang��, salaud, mais ne recommence pas.?
Il se leva, suffoquant, me prit les mains, les baisa comme celles d'un prince, pleura, faillit perdre connaissance, embrassa Rivet, embrassa m��me Mme Morin qui le rejeta d'une pouss��e dans son fauteuil.
Mais il ne se remit jamais de ce coup-l��, son ��motion avait ��t�� trop brutale.
On ne l'appelait plus dans toute la contr��e que ?ce cochon de Morin?, et cette ��pith��te le traversait comme un coup d'��p��e chaque fois qu'il l'entendait.
Quand un voyou dans la rue criait: ?Cochon?, il se retournait la t��te par instinct. Ses amis le criblaient de plaisanteries horribles, lui demandant, chaque fois qu'ils mangeaient du jambon: Est-ce du tien??
Il mourut deux ans plus tard.
Quant �� moi, me pr��sentant �� la d��putation, en 1875, j'allai faire une visite int��ress��e au nouveau notaire de Tousserre, Me Belloncle. Une grande femme opulente et belle me re?ut.
?Vous ne me reconnaissez pas? dit-elle.?
Je balbutiai: ?Mais..... non..... madame.?
--?Henriette Bonnel.?
--?Ah!?--Et je me sentis devenir pale.
Elle semblait parfaitement �� son aise, et souriait en me regardant.
D��s qu'elle m'eut laiss�� seul avec son mari, il me prit les mains, les serrant �� les broyer: ?Voici longtemps, cher monsieur, que je veux aller vous voir. Ma femme m'a tant parl�� de vous. Je sais..... oui, je sais en quelle circonstance douloureuse vous l'avez connue, je sais aussi comme vous avez ��t�� parfait, plein de d��licatesse, de tact, de d��vouement dans l'affaire.....? Il h��sita, puis pronon?a plus bas, comme s'il e?t articul�� un mot grossier ?.....Dans l'affaire de ce cochon de Morin.?
LA FOLLE
A Robert de Banni��res.
Tenez, dit M. Mathieu d'Endolin, les b��casses me rappellent une bien sinistre anecdote de la guerre.
Vous connaissez ma propri��t�� dans le faubourg de Cormeil. Je l'habitais au moment de l'arriv��e des Prussiens.
J'avais alors pour voisine une esp��ce de folle, dont l'esprit s'��tait ��gar�� sous les coups du malheur. Jadis, �� l'age de vingt-cinq ans, elle avait perdu, en un seul mois, son p��re, son mari et son enfant nouveau-n��.
Quand la mort est entr��e une fois dans une maison, elle y revient presque toujours imm��diatement, comme si elle connaissait la porte.
La pauvre jeune femme, foudroy��e par le chagrin, prit le lit, d��lira pendant six semaines. Puis, une sorte de lassitude calme succ��dant �� cette crise violente, elle resta sans mouvement, mangeant �� peine, remuant seulement les yeux. Chaque fois qu'on voulait la faire lever, elle criait comme si on l'e?t tu��e. On la laissa donc toujours couch��e, ne la tirant de ses draps que pour les soins de sa toilette et pour retourner ses matelas.
Une vieille bonne restait pr��s d'elle, la faisant boire de temps en temps ou macher un peu de viande froide. Que se passait-il dans cette ame d��sesp��r��e? On ne le sut jamais; car elle ne parla plus. Songeait-elle aux morts? R��vassait-elle tristement, sans souvenir pr��cis? Ou bien sa pens��e an��antie restait-elle immobile comme de l'eau sans courant?
Pendant quinze ann��es, elle demeura ainsi ferm��e et inerte.
La guerre vint; et, dans les premiers jours de d��cembre, les Prussiens p��n��tr��rent �� Cormeil.
Je me rappelle cela comme d'hier. Il gelait �� fendre les pierres; et j'��tais ��tendu moi-m��me dans un fauteuil, immobilis�� par la goutte, quand j'entendis le battement lourd et rythm�� de leurs pas. De ma fen��tre, je les vis passer.
Ils d��filaient interminablement, tous pareils, avec ce mouvement de pantins qui leur est particulier. Puis les chefs distribu��rent leurs hommes aux habitants. J'en eus dix-sept. La voisine, la folle, en avait douze, dont un commandant, vrai soudard, violent, bourru.
Pendant, les premiers jours tout se passa normalement. On avait dit �� l'officier d'�� c?t�� que la
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