voulut arrêter le zèle producteur du petit pot. Mais par malheur elle ignorait
les mots qu'il fallait prononcer pour cela. Maître petit pot continua donc de cuire toujours
plus et plus fort, si bien que la bouillie ne tarda pas à déborder du vase, puis à remplir la
cuisine, puis à inonder la maison, puis la maison d'à côté, puis une autre, puis encore une
autre, puis enfin toute la rue; et du train dont il y allait, on eût dit qu'il voulait noyer le
monde entier.
Cela devenait d'autant plus effrayant, que personne ne savait comment s'y prendre pour
arrêter ce déluge.
Heureusement qu'à la fin, comme il ne restait plus dans tout le village qu'une seule
maison qui ne fût pas devenue la proie de la bouillie, la jeune fille revint et s'écria:
--Petit pot! arrête-toi!
Et aussitôt petit pot s'arrêta.
Les habitants du village, qui désirèrent rentrer dans leurs maisons, n'en durent pas moins
avaler beaucoup plus de bouillie qu'ils n'en voulaient.
Ce conte prouve qu'on fait toujours mal ce qu'on ne sait qu'à demi.
LE LOUP ET LE RENARD.
Certain loup s'était fait le compagnon de certain renard, et les moindres désirs de sa
seigneurie le loup devenaient des ordres pour son très-humble serviteur le renard, car
celui-ci était le plus faible. Aussi désirait-il de tout son coeur pouvoir se débarrasser d'un
camarade aussi gênant.
Tout en rôdant de compagnie, ils arrivèrent un jour dans une forêt profonde.
--Ami à barbe rouge, lui dit le loup, mets-toi en quête de me procurer un bon morceau;
sinon, je te croque.
Maître renard s'empressa de répondre:
--Seigneur loup, je sais à peu de distance d'ici une étable où se trouvent deux agneaux
friands; si le coeur vous en dit, nous irons en dérober un.
La proposition plut au loup. En conséquence, nos deux compagnons se dirigèrent vers la
ferme indiquée; le rusé renard parvint sans peine à dérober un des agneaux qu'il
s'empressa d'apporter au loup; puis il s'éloigna.
Aussitôt le loup se mit en devoir de dévorer à belles dents l'innocente bête; et quand il eut
fini, ce qui ne tarda guère, ne se sentant pas encore suffisamment repu, il se prit à penser
que ce ne serait pas trop du second agneau pour apaiser sa faim. Il se décida donc à
entreprendre lui-même cette nouvelle expédition.
Or, comme sa seigneurie était un peu lourde, elle renversa un balai en entrant dans
l'étable, si bien que la mère du pauvre agneau poussa aussitôt des bêlements si déchirants,
que le fermier et ses garçons accoururent en toute hâte. Maître loup passa alors un
mauvais quart d'heure: il sentit pleuvoir sur son dos une grêle de coups si drue, qu'il eut
toutes les peines du monde à se sauver en boitant, et en hurlant de la manière la plus
lamentable.
Arrivé près du renard:
--Tu m'as conduit dans un beau guêpier, lui dit-il; j'avais voulu m'emparer du deuxième
agneau; mais est-ce que ces paysans mal appris ne se sont pas avisés de fondre sur moi à
grands coups de bâton, ce qui m'a réduit au fâcheux état où tu me vois.
--Pourquoi aussi êtes-vous si insatiable? répondit le renard.
Le jour suivant, ils se remirent en campagne, et s'adressant à son rusé compagnon:
--Ami à barbe rouge, lui dit le loup, mets-toi en quête de me procurer un bon morceau,
sinon je te croque.
Maître renard s'empressa de répondre:
--Seigneur loup, je connais une ferme dont la fermière est présentement occupée à faire
des gâteaux délicieux; si vous voulez, nous irons en dérober quelques-uns?
--Marche en avant, répliqua le loup.
Ils se dirigèrent donc vers la ferme en question, et quand ils y furent arrivés, le renard
poussa des reconnaissances autour de la place qu'il s'agissait d'enlever. Il fureta si bien,
qu'il finit par découvrir l'endroit où la ménagère cachait ses gâteaux, en déroba une
demi-douzaine, et courut les porter au loup.
--Voilà de quoi régaler votre seigneurie, dit-il.
Puis il s'éloigna.
Le loup ne fit qu'une bouchée des six gâteaux qui, loin de le rassasier, aiguillonnèrent
encore son appétit.
--Cela demanda à être goûté plus à loisir! rumina-t-il.
En conséquence, il entra dans la ferme d'où il avait vu sortir le renard, et parvint dans
l'office où se trouvaient les gâteaux. Mais dans son avidité, il voulut tirer à lui tout le plat
qui tomba sur le carreau, et vola en pièces en occasionnant un grand fracas.
Attirée soudain par un tel vacarme, la fermière aperçut le loup et appela ses gens. Ceux-ci
accoururent sur-le-champ, et cette fois encore maître loup fut rossé d'importance.
Boitant de deux pattes et poussant des hurlements capables d'attendrir un rocher, il
rejoignit le renard dans la forêt:
--Dans quel horrible guêpier m'as-tu de nouveau conduit? lui dit-il. Il se trouvait là des
rustres
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