Consuelo, Tome 3 | Page 5

George Sand
d��vouement de ceux qui n'ont jamais besoin de se reposer. Ou leur douleur est un accablement qui r��v��le qu'ils sont bris��s, ��teints, Et qu'ils n'auraient plus la force d'aimer ce qu'ils ont perdu; ou leur d��vouement sans relache et sans d��faillance d'activit�� cache quelque honteuse convoitise, quelque d��dommagement ��go?ste et coupable, dont je me m��fie.
Ces r��flexions, un peu trop longues, ne sont pas hors de place dans le r��cit de la vie de Consuelo, ame active et d��vou��e s'il en fut, qu'eussent pu cependant accuser parfois d'��go?sme et de l��g��ret�� ceux qui ne savaient pas la comprendre.

LXXIV.
Le premier jour de ce nouveau trajet, comme nos voyageurs traversaient une petite rivi��re sur un pont de bois, ils virent une pauvre mendiante qui tenait une petite fille dans ses bras, et qui ��tait accroupie le long du parapet pour tendre la main aux passants. L'enfant ��tait pale et souffrant, la femme have et grelottant de la fi��vre. Consuelo fut saisie d'un profond sentiment de sympathie et de piti�� pour ces malheureux, qui lui rappelaient sa m��re et sa propre enfance.
?Voil�� comme nous ��tions quelquefois, dit-elle �� Joseph, qui la comprit �� demi-mot, et qui s'arr��ta avec elle �� consid��rer et �� questionner la mendiante.
--H��las! leur dit celle-ci, j'��tais fort heureuse encore il y a peu de jours. Je suis une paysanne des environs de Harmanitz en Boh��me. J'avais ��pous��, il y a cinq ans, un beau et grand cousin �� moi, qui ��tait le plus laborieux des ouvriers et le meilleur des maris. Au bout d'un an de mariage, mon pauvre Karl, ��tant all�� faire du bois dans les montagnes, disparut tout �� coup et sans que personne p?t savoir ce qu'il ��tait devenu. Je tombai dans la mis��re et dans le chagrin. Je croyais que mon mari avait p��ri dans quelque pr��cipice, ou que les loups l'avaient d��vor��. Quoique je trouvasse �� me remarier, l'incertitude de son sort et l'amiti�� que je lui conservais ne me permirent pas d'y songer. Oh! que j'en fus bien r��compens��e, mes enfants! L'ann��e derni��re, on frappe un soir �� ma porte; j'ouvre, et je tombe �� genoux en voyant mon mari devant moi. Mais dans quel ��tat, bon Dieu! Il avait l'air d'un fant?me. Il ��tait dess��ch��, jaune, l'oeil hagard, les cheveux h��riss��s par les gla?ons, les pieds en sang, ses pauvres pieds tout nus qui venaient de faire je ne sais combien de cinquantaines de milles par les chemins les plus affreux et l'hiver le plus cruel! Mais il ��tait si heureux de retrouver sa femme et sa pauvre petite fille, que bient?t il reprit le courage, la sant��, son travail et sa bonne mine. Il me raconta qu'il avait ��t�� enlev�� par des brigands qui l'avaient men�� bien loin, jusque aupr��s de la mer, et qui l'avaient vendu au roi de Prusse pour en faire un soldat. Il avait v��cu trois ans dans le plus triste de tous les pays, faisant un m��tier bien rude, et recevant des coups du matin au soir. Enfin, il avait r��ussi �� s'��chapper, �� d��serter, mes bons enfants! En se battant comme un d��sesp��r�� contre ceux qui le poursuivaient, il en avait tu�� un, il avait crev�� un oeil �� l'autre d'un coup de pierre; enfin, il avait march�� jour et nuit, se cachant dans les marais, dans les bois, comme une b��te sauvage; il avait travers�� la Saxe et la Boh��me, et il ��tait sauv��, il m'��tait rendu! Ah! Que nous f?mes heureux pendant tout l'hiver, malgr�� notre pauvret�� et la rigueur de la saison! Nous n'avions qu'une inqui��tude; c'��tait de voir repara?tre dans nos environs ces oiseaux de proie qui avaient ��t�� la cause de tous nos maux. Nous faisions le projet d'aller �� Vienne, de nous pr��senter �� l'imp��ratrice, de lui raconter nos malheurs, afin d'obtenir sa protection, du service militaire pour mon mari, et quelque subsistance pour moi et mon enfant; mais je tombai malade par suite de la r��volution que j'avais ��prouv��e en revoyant mon pauvre Karl, et nous f?mes forc��s de passer tout l'hiver et tout l'��t�� dans nos montagnes, attendant toujours le moment o�� je pourrais entreprendre le voyage, nous tenant toujours sur nos gardes, et ne dormant jamais que d'un oeil. Enfin, ce bienheureux moment ��tait venu; je me sentais assez forte pour marcher, et ma petite fille, qui ��tait souffrante aussi, devait faire le voyage dans les bras de son p��re. Mais notre mauvais destin nous attendait �� la sortie des montagnes. Nous marchions tranquillement et lentement au bord d'un chemin peu fr��quent��, sans faire attention �� une voiture qui, depuis un quart d'heure, montait lentement le m��me chemin que nous. Tout �� coup la voiture s'arr��te, et trois hommes en descendent. ?Est-ce bien lui? s'��crie l'un.--Oui! r��pond l'autre qui ��tait borgne; c'est bien lui! sus! sus!? Mon
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