Consuelo, Tome 3 | Page 6

George Sand
mari se retourne �� ces paroles, et me dit: ?Ah! ce sont les Prussiens! voil�� le borgne que j'ai fait! Je le reconnais!--Cours! cours! lui dis-je, sauve-toi.? Il commen?ait �� s'enfuir, lorsqu'un de ces hommes abominables s'��lance sur moi, me renverse, place un pistolet sur ma t��te et sur celle de mon enfant. Sans cette id��e diabolique, mon mari ��tait sauv��; car il courait mieux que ces bandits, et il avait de l'avance sur eux. Mais au cri qui m'��chappa en voyant ma fille sous la gueule du pistolet, Karl se retourne, fait de grands cris pour arr��ter le coup, et revient sur ses pas. Quand le sc��l��rat qui tenait son pied sur mon corps vit Karl �� port��e: ?Rends-toi! lui cria-t-il, ou je les tue! Fais un pas de plus pour te sauver, et c'est fait!--Je me rends, je me rends; me voil��!? r��pond mon pauvre homme; et il se mit �� courir vers eux plus vite qu'il ne s'��tait enfui, malgr�� les pri��res et les signes que je lui faisais pour qu'il nous laissat mourir. Quand ces tigres le tinrent entre leurs mains, ils l'accabl��rent de coups et le mirent tout en sang. Je voulais le d��fendre; ils me maltrait��rent aussi. En le voyant garrotter sous mes yeux, je sanglotais, je remplissais l'air de mes g��missements. Ils me dirent qu'ils allaient tuer ma petite si je ne gardais le silence, et ils l'avaient d��j�� arrach��e de mes bras, lorsque Karl me dit: ?Tais-toi, femme, je te l'ordonne; songe �� notre enfant!? J'ob��is; mais la violence que je me fis en voyant frapper, lier et baillonner mon mari, tandis que ces monstres me disaient: ?Oui, oui, pleure! Tu ne le reverras plus, nous le menons pendre,? fut si violente, que je tombai comme morte sur le chemin. J'y restai je ne sais combien d'heures, ��tendue dans la poussi��re. Quand, j'ouvris les yeux, il faisait nuit; ma pauvre enfant, couch��e sur moi, se tordait en sanglotant d'une fa?on �� fendre le coeur, il n'y avait plus sur le chemin que le sang de mon mari, et la trace des roues de la voiture qui l'avait emport��. Je restai encore l�� une heure ou deux, essayant de consoler et de r��chauffer Maria, qui ��tait transie et moiti�� morte de peur. Enfin, quand les id��es me revinrent, je songeai que ce que j'avais de mieux �� faire ce n'��tait pas de courir apr��s les ravisseurs, que je ne pourrais atteindre, mais d'aller faire ma d��claration aux officiers de Wiesenbach, qui ��tait la ville la plus prochaine. C'est ce que je fis, et ensuite je r��solus de continuer mon voyage jusqu'�� Vienne, et d'aller me jeter aux pieds de l'imp��ratrice, afin qu'elle emp��chat du moins que le roi de Prusse ne f?t ex��cuter la sentence de mort contre mon mari. Sa majest�� pouvait le r��clamer comme son sujet, dans le cas o�� l'on ne pourrait atteindre les recruteurs. J'ai donc us�� de quelques aum?nes qu'on m'avait faites sur les terres de l'��v��que de Passaw, o�� j'avais racont�� mon d��sastre, pour gagner le Danube dans une charrette, et de l�� j'ai descendu en bateau jusqu'�� la ville de Moelk. Mais �� pr��sent mes ressources sont ��puis��es. Les personnes auxquelles je dis mon aventure ne veulent gu��re me croire, et, dans le doute si je ne suis pas une intrigante, me donnent si peu, qu'il faut que je continue ma route �� pied. Heureuse si j'arrive dans cinq ou six jours sans mourir de lassitude! car la maladie et le d��sespoir m'ont ��puis��e. Maintenant, mes chers enfants, si vous avez le moyen de me faire quelque petite aum?ne, donnez-la-moi tout de suite, car je ne puis me reposer davantage; il faut que je marche encore, et encore, comme le Juif errant, jusqu'�� ce que j'aie obtenu justice.
--Oh! ma bonne femme, ma pauvre femme! s'��cria Consuelo en serrant la pauvresse dans ses bras, et en pleurant de joie et de compassion; courage, courage! Esp��rez, tranquillisez-vous, votre mari est d��livr��. Il galope vers Vienne sur un bon cheval, avec une bourse bien garnie dans sa poche.
--Qu'est-ce que vous dites? s'��cria la femme du d��serteur dont les yeux devinrent rouges comme du sang, et les l��vres tremblantes d'un mouvement convulsif. Vous le savez, vous l'avez vu! O mon Dieu! grand Dieu! Dieu de bont��!
--H��las! que faites-vous? dit Joseph �� Consuelo. Si vous alliez lui donner une fausse joie; si le d��serteur que nous avons contribu�� �� sauver ��tait un autre que son mari!
--C'est lui-m��me, Joseph! Je te dis que c'est lui: rappelle-toi, le borgne, rappelle-toi la mani��re de proc��der du Pistola. Souviens-toi que le d��serteur a dit qu'il ��tait p��re de famille, et sujet autrichien. D'ailleurs il est bien facile de s'en convaincre. Comment est-il, votre mari?
--Roux, les yeux verts, la figure large, cinq pieds huit pouces de
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