fort: ce fut la berline du comte Hoditz, qui entrait triomphalement dans la ville. Ils reconnurent la voiture et la livr��e, et s'amus��rent �� lui faire, de trop loin pour ��tre aper?us de lui, de grands saluts jusqu'�� terre. Enfin, le soir, s'��tant rendus au rivage, ils y retrouv��rent leur bateau charg�� de marchandises de transport pour Moelk, et ils firent avec joie un nouveau march�� avec leur vieux pilote. Ils s'embarqu��rent avant l'aube, et virent briller les ��toiles sereines sur leurs t��tes, tandis que le reflet de ces astres courait en longs filets d'argent sur la surface mouvante du fleuve. Cette journ��e ne fut pas moins agr��able que la pr��c��dente. Joseph n'eut qu'un chagrin, ce fut de penser qu'il se rapprochait de Vienne, et que ce voyage, dont il oubliait les souffrances et les p��rils pour ne se rappeler que ses d��licieux instants, allait bient?t toucher �� son terme.
A Moelk, il fallut se s��parer du brave pilote, et ce ne fut pas sans regret. Ils ne trouvaient pas dans les embarcations qui s'offrirent pour les mener plus loin les m��mes conditions d'isolement et de s��curit��. Consuelo se sentait repos��e, rafra?chie, aguerrie contre tous les accidents. Elle proposa �� Joseph de reprendre leur route �� pied jusqu'�� nouvelle occurrence. Ils avaient encore vingt lieues �� faire, et cette mani��re d'aller n'��tait pas fort abr��viative. C'est que Consuelo, tout en se persuadant qu'elle ��tait impatiente de reprendre les habits de son sexe et les convenances de sa position, ��tait au fond du coeur, il faut bien l'avouer, aussi peu d��sireuse que Joseph de voir la fin de son exp��dition, Elle ��tait trop artiste par toutes les fibres de son organisation, pour ne pas aimer la libert��, les hasards, les actes de courage et d'adresse, le spectacle continuel et vari�� de cette nature que le pi��ton seul poss��de enti��rement, enfin toute l'activit�� romanesque de la vie errante et isol��e.
Je l'appelle isol��e, lecteur, pour exprimer une impression secr��te et myst��rieuse qu'il est plus facile �� vous de comprendre qu'�� moi de d��finir. C'est, je crois, un ��tat de l'ame qui n'a pas ��t�� nomm�� dans notre langue, mais que vous devez vous rappeler, si vous avez voyag�� �� pied, au loin, et tout seul, ou avec un autre vous-m��me, ou enfin, comme Consuelo, avec un compagnon facile, enjou��, complaisant, et mont�� �� l'unisson de votre cerveau. Dans ces moments-l��, si vous ��tiez d��gag�� de toute sollicitude imm��diate, de tout motif inqui��tant, vous avez, je n'en doute pas, ressenti une sorte de joie ��trange, peut-��tre ��go?ste tant soit peu, en vous disant: A l'heure qu'il est, personne ne s'embarrasse de moi, et personne ne m'embarrasse. Nul ne sait o�� je suis. Ceux qui dominent ma vie me chercheraient en vain; ils ne peuvent me d��couvrir dans ce milieu inconnu de tous, nouveau pour moi-m��me, o�� je me suis r��fugi��. Ceux que ma vie impressionne et agite se reposent de moi, comme moi de mon action sur eux. Je m'appartiens enti��rement, et comme ma?tre et comme esclave. Car il n'est pas un seul de nous, ? lecteur! qui ne soit �� la fois, �� l'��gard d'un certain groupe d'individus, tour �� tour et simultan��ment, un peu esclave, un peu ma?tre, bon gr��, mal gr��, sans se l'avouer et sans y pr��tendre.
Nul ne sait o�� je suis! Certes c'est une pens��e d'isolement qui a son charme, un charme inexprimable, f��roce en apparence, l��gitime et doux dans le fond. Nous sommes faits pour vivre de la vie de r��ciprocit��. La route du devoir est longue, rigide, et n'a d'horizon que la mort, qui est peut-��tre �� peine le repos d'une nuit. Marchons donc, et sans m��nager nos pieds! Mais si, dans des circonstances rares et bienfaisantes, o�� le repos peut ��tre inoffensif, et l'isolement sans remords, un vert sentier s'offre sous nos pas, mettons �� profit quelques heures de solitude et de contemplation. Ces heures nonchalantes sont bien n��cessaires �� l'homme actif et courageux pour retremper ses forces; et je dis que, plus votre coeur est d��vor�� du z��le de la maison de Dieu (qui n'est autre que l'humanit��), plus vous ��tes propre �� appr��cier quelques instants d'isolement pour rentrer en possession de vous-m��me. L'��go?ste est seul toujours et partout. Son ame n'est jamais fatigu��e d'aimer, de souffrir et de pers��v��rer; elle est inerte et froide, et n'a pas plus besoin de sommeil et de silence qu'un cadavre. Celui qui aime est rarement seul, et, quand il l'est, il s'en trouve bien. Son ame peut go?ter une suspension d'activit�� qui est comme le profond sommeil d'un corps vigoureux. Ce sommeil est le bon t��moignage des fatigues pass��es, et le pr��curseur des ��preuves nouvelles auxquelles il se pr��pare. Je ne crois gu��re �� la v��ritable douleur de ceux qui ne cherchent pas �� se distraire, ni �� l'absolu
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