Consuelo, Tome 2 | Page 8

George Sand
courant de la source, l'??cluse, ou la source elle-m?ame; et si elle e??t pu r??fl??chir davantage, elle se f??t ??tonn??e de n'avoir pas encore trouv?? sur son chemin cette onde myst??rieuse, cette source des Pleurs qui alimentait la citerne.
C'est que la source avait son courant dans les veines inconnues des montagnes, et que la galerie, coupant ?? angle droit, ne la rencontrait qu'aux approches de la citerne d'abord, et ensuite sous le Schreckenstein, ainsi qu'il arriva enfin ?? Consuelo. L'??cluse ??tait donc loin derri?¨re elle, sur la route que Zdenko avait parcourue seul, et Consuelo approchait de cette source, que depuis des si?¨cles aucun autre homme qu'Albert ou Zdenko n'avait vue. Elle eut bient?′t rejoint le courant, et cette fois elle le c?′toya sans terreur et sans danger.
Un sentier de sable frais et fin remontait le cours de cette eau limpide et transparente, qui courait avec un bruit g??n??reux dans un lit convenablement encaiss??. L??, reparaissait le travail de l'homme. Ce sentier ??tait relev?? en talus dans des terres fra??ches et fertiles; car de belles plantes aquatiques, des pari??taires ??normes, des ronces sauvages fleuries dans ce lieu abrit??, sans souci de la rigueur de la saison, bordaient le torrent d'une marge verdoyante. L'air ext??rieur p??n??trait par une multitude de fentes et de crevasses suffisantes pour entretenir la vie de la v??g??tation, mais trop ??troites pour laisser passage ?? l'oeil curieux qui les aurait cherch??es du dehors. C'??tait comme une serre chaude naturelle, pr??serv??e par ses vo??tes du froid et des neiges, mais suffisamment a??r??e par mille soupiraux imperceptibles. On e??t dit qu'un soin complaisant avait prot??g?? la vie de ces belles plantes, et d??barrass?? le sable que le torrent rejetait sur ces rives des graviers qui offensent le pied; et on ne se f??t pas tromp?? dans cette supposition. C'??tait Zdenko qui avait rendu gracieux, faciles et s??rs les abords de la retraite d'Albert.
Consuelo commen?§ait ?? ressentir l'influence bienfaisante qu'un aspect moins sinistre et d??j?? po??tique des objets ext??rieurs produisait sur son imagination boulevers??e par de cruelles terreurs. En voyant les p?¢les rayons de la lune se glisser ?§a et l?? dans les fentes des roches, et se briser sur les eaux tremblotantes, en sentant l'air de la for?at fr??mir par intervalles sur les plantes immobiles que l'eau n'atteignait pas, en se sentant toujours plus pr?¨s de la surface de la terre, elle se sentait rena??tre, et l'accueil qui l'attendait au terme de son h??ro?ˉque p?¨lerinage, se peignait dans son esprit sous des couleurs moins sombres. Enfin, elle vit le sentier se d??tourner brusquement de la rive, entrer dans une courte galerie ma?§onn??e fra??chement, et finir ?? une petite porte qui semblait de m??tal, tant elle ??tait froide, et qu'encadrait gracieusement un grand lierre terrestre.
Quand elle se vit au bout de ses fatigues et de ses irr??solutions, quand elle appuya sa main ??puis??e sur ce dernier obstacle, qui pouvait c??der ?? l'instant m?ame, car elle tenait la clef de cette porte dans son autre main, Consuelo h??sita et sentit une timidit?? plus difficile ?? vaincre que toutes ses terreurs. Elle allait donc p??n??trer seule dans un lieu ferm?? ?? tout regard, ?? toute pens??e humaine, pour y surprendre le sommeil ou la r?averie d'un homme qu'elle connaissait ?? peine; qui n'??tait ni son p?¨re, ni son fr?¨re, ni son ??poux; qui l'aimait peut-?atre, et qu'elle ne pouvait ni ne voulait aimer. Dieu m'a entra??n??e et conduite ici, pensait-elle, au milieu des plus ??pouvantables p??rils. C'est par sa volont?? plus encore que par sa protection que j'y suis parvenue. J'y viens avec une ?¢me fervente, une r??solution pleine de charit??, un coeur tranquille, une conscience pure, un d??sint??ressement ?? toute ??preuve. C'est peut-?atre la mort qui m'y attend, et cependant cette pens??e ne m'effraie pas. Ma vie est d??sol??e, et je la perdrais sans trop de regrets; je l'ai ??prouv?? il n'y a qu'un instant, et depuis une heure je me vois d??vou??e ?? un affreux tr??pas avec une tranquillit?? ?? laquelle je ne m'??tais point pr??par??e. C'est peut-?atre une gr?¢ce que Dieu m'envoie ?? mon dernier moment. Je Vais tomber peut-?atre sous les coups d'un furieux, et je marche ?? cette catastrophe avec la fermet?? d'un martyr. Je crois ardemment ?? la vie ??ternelle, et je sens que si je p??ris ici, victime d'un d??vouement inutile peut-?atre, mais profond??ment religieux, je serai r??compens??e dans une vie plus heureuse. Qui m'arr?ate? et pourquoi ??prouv??-je donc un trouble inexprimable, comme si j'allais commettre une faute et rougir devant celui que je viens sauver?
C'est ainsi que Consuelo, trop pudique pour bien comprendre sa pudeur, luttait contre elle-m?ame, et se faisait presque un reproche de la d??licatesse de son ??motion. Il ne lui venait cependant pas ?? l'esprit qu'elle p??t courir des dangers plus affreux pour elle que celui de la mort. Sa chastet??
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