Consuelo, Tome 2 | Page 2

George Sand
fuite, et rencontra au bas du sentier un paysan qui, s'??tonnant de la voir courir ainsi p?¢le et comme poursuivie, lui demanda si elle avait rencontr?? un loup.
Consuelo, voulant savoir si Zdenko ??tait sujet ?? des acc?¨s de d??mence furieuse, lui dit qu'elle avait rencontr?? l'_innocent_, et qu'il l'avait effray??e.
??Vous ne devez pas avoir peur de l'innocent, r??pondit le paysan en souriant de ce qu'il prenait pour une pusillanimit?? de petite ma??tresse. Zdenko n'est pas m??chant: toujours il rit, ou il chante, ou il raconte Des histoires que l'on ne comprend pas et qui sont bien belles.
--Mais il se f?¢che quelquefois, et alors il menace et il jette des pierres?
--Jamais, jamais, r??pondit le paysan; cela n'est jamais arriv?? et n'arrivera jamais. Il ne faut point avoir peur de Zdenko, Zdenko est innocent comme un ange.??
Quand elle fut remise de son trouble, Consuelo reconnut que ce paysan devait avoir raison, et qu'elle venait de provoquer, par une parole imprudente, le premier, le seul acc?¨s de fureur qu'eut jamais ??prouv?? l'innocent Zdenko. Elle se le reprocha am?¨rement. ??J'ai ??t?? trop press??e, se dit-elle; j'ai ??veill??, dans l'?¢me paisible de cet homme priv?? de ce qu'on appelle fi?¨rement la raison, une souffrance qu'il ne connaissait pas encore, et qui peut maintenant s'emparer de lui ?? la moindre occasion. Il n'??tait que maniaque, je l'ai peut-?atre rendu fou.??
Mais elle devint plus triste encore en pensant aux motifs de la col?¨re de Zdenko. Il ??tait bien certain d??sormais qu'elle avait devin?? juste en pla?§ant la retraite d'Albert au Schreckenstein. Mais avec quel soin jaloux et ombrageux Albert et Zdenko voulaient cacher ce secret, m?ame ?? elle! Elle n'??tait donc pas except??e de cette proscription, elle n'avait donc aucune influence sur le comte Albert; et cette inspiration qu'il avait eue de la nommer sa consolation, ce soin de la faire appeler la veille par une chanson symbolique de Zdenko, cette confidence qu'il avait faite ?? son fou du nom de Consuelo, tout cela n'??tait donc chez lui que la fantaisie du moment, sans qu'une aspiration v??ritable et constante lui d??sign?¢t une personne plus qu'une autre pour sa lib??ratrice et sa consolation? Ce nom m?ame de consolation, prononc?? et comme devin?? par lui, ??tait une affaire de pur hasard. Elle n'avait cach?? ?? personne qu'elle f??t Espagnole, et que sa langue maternelle lui f??t demeur??e plus famili?¨re encore que l'italien. Albert, enthousiasm?? par son chant, et ne connaissant pas d'expression plus ??nergique que celle qui exprimait l'id??e dont son ?¢me ??tait avide et son imagination remplie, la lui avait adress??e dans une langue qu'il connaissait parfaitement et que personne autour de lui ne pouvait entendre, except?? elle.
Consuelo ne s'??tait jamais fait d'illusion extraordinaire ?? cet ??gard. Cependant une rencontre si d??licate et si ing??nieuse du hasard lui avait sembl?? avoir quelque chose de providentiel, et sa propre imagination s'en ??tait empar??e sans trop d'examen.
Maintenant tout ??tait remis en question. Albert avait-il oubli??, dans une nouvelle phase de son exaltation, l'exaltation qu'il avait ??prouv??e pour elle? ?‰tait-elle d??sormais inutile ?? son soulagement, impuissante pour son salut? ou bien Zdenko, qui lui avait paru si intelligent et si empress?? jusque-l?? ?? seconder les desseins d'Albert, ??tait-il lui-m?ame plus tristement et plus s??rieusement fou que Consuelo n'avait voulu le supposer? Ex??cutait-il les ordres de son ami, ou bien les oubliait-il compl?¨tement, en interdisant avec fureur ?? la jeune fille l'approche du Schreckenstein et le soup?§on de la v??rit???
--Eh bien, lui dit Am??lie tout bas lorsqu'elle fut de retour, avez-vous vu passer Albert dans les nuages du couchant? Est-ce la nuit prochaine que, par une conjuration puissante, vous le ferez descendre par la chemin??e?
--Peut-?atre! lui r??pondit Consuelo avec un peu d'humeur. C'??tait la premi?¨re fois de sa vie qu'elle sentait son orgueil bless??. Elle avait mis ?? son entreprise un d??vouement si pur, un entra??nement si magnanime, qu'elle souffrait ?? l'id??e d'?atre raill??e et m??pris??e pour n'avoir pas r??ussi.
Elle fut triste toute la soir??e; et la chanoinesse, qui remarqua ce changement, ne manqua pas de l'attribuer ?? la crainte d'avoir laiss?? deviner le sentiment funeste ??clos dans son coeur.
La chanoinesse se trompait ??trangement. Si Consuelo avait ressenti la moindre atteinte d'un amour nouveau, elle n'e??t connu ni cette foi vive, ni cette confiance sainte qui jusque-l?? l'avaient guid??e et soutenue. Jamais peut-?atre elle n'avait, au contraire, ??prouv?? le retour amer de son ancienne passion plus fortement que dans ces circonstances o?1 elle cherchait ?? s'en distraire par des actes d'h??ro?ˉsme et une sorte de fanatisme d'humanit??.
En rentrant le soir dans sa chambre, elle trouva sur son ??pinette un vieux livre dor?? et armori?? qu'elle crut aussit?′t reconna??tre pour celui qu'elle avait vu prendre dans le cabinet d'Albert et emporter par Zdenko la nuit pr??c??dente. Elle l'ouvrit ?? l'endroit o?1 le signet ??tait pos??: c'??tait le psaume de la p??nitence qui commence
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