ce qui venait de m'arriver et je r��p��tais: ?On m'a flanqu�� �� la porte.... On m'a flanqu�� �� la porte... �� la porte du bureau?. Il m'est difficile de soustraire mes pens��es au rythme de la marche, et, comme mon pas ��tait assez r��gulier, je scandais ces m��chantes phrases sur un air de polka.
Soudain, je m'arr��tai. Je venais d'entrevoir qu'il m'��tait n��cessaire d'annoncer cette nouvelle �� ma m��re et que cette nouvelle ��tait tr��s facheuse, qu'elle comportait maintes cons��quences redoutables.
Je m'arr��tai donc tout �� fait pour m'accouder au parapet qui domine la Seine.
A l'ombre des arbres, la pierre ��tait presque froide. Il fallait cette fra?cheur et cette immobilit�� pour me faire ��prouver mieux ma fi��vre et mon agitation. Une minute de pause suffit �� me bien montrer que je n'��tais pas du tout dans mon ��tat normal, ce fameux ��tat dans lequel je ne suis jamais.
Ce petit arr��t me fut quand m��me salutaire. Il faut si peu de chose pour me rendre heureux. Le grave est qu'il en faut encore moins pour me d��traquer. Ah! Pauvre m��canique!
Il y avait une ��quipe de d��bardeurs qui chargeaient une p��niche. Ils prenaient leur fardeau au bord du quai et gagnaient le bateau en cheminant sur de longues planches ��lastiques dont l'image ondulait dans l'eau. A les regarder, je pris d'abord un r��el plaisir. Et puis je me vis moi-m��me avan?ant sur la planche ��troite, comme un ��quilibriste. J'en ressentis une esp��ce de vertige et ce me fut promptement si d��sagr��able que je me d��tachai de la pierre et repris ma route.
Imm��diatement, la pens��e qu'il allait falloir annoncer �� ma m��re la d��sastreuse nouvelle revint et m'accabla d'ennui.
Dire: ?J'ai perdu ma place?, ce me paraissait encore assez facile. La phrase est courte, simple, d��cisive, elle ne me semblait pas impossible �� prononcer. J'entrevis m��me Plusieurs fa?ons de me d��livrer de ce premier aveu. Je pouvais, par exemple, m'asseoir d'un air navr��--un air que je n'aurais pas eu besoin de feindre, je vous assure--et dire, �� voix basse: ?Maman, j'ai perdu ma situation?. Il ��tait peut-��tre plus adroit, plus habile, pour ne pas d��courager la pauvre femme, d'aller et venir dans le logement, comme �� mon ordinaire, et de jeter tout �� coup ces mots, sur un ton plein d'insouciance: ?A propos! Tu sais que j'ai perdu ma situation?. J'envisageais aussi la possibilit�� d'une entr��e tumultueuse; je lacherais avec violence un propos dans ce genre: ?C'est ignoble! C'est abominable! Ils m'ont fait perdre ma situation?. J'entrevis le retentissement douloureux qu'une telle explosion, m��me simul��e, aurait sur la sant�� de maman et je me d��cidai en faveur d'une manoeuvre plus simple: j'entrerais dans ma chambre et me d��chausserais avec bruit; ma m��re me dirait: ?Pourquoi te d��chausses-tu? Le bureau est donc ferm��, cet apr��s-midi?? Et je r��pondrais: ?Non, mais je n 'y retourne pas, j'ai eu des mots avec les patrons et j'ai perdu ma place?.
Je vous le r��p��te, cette premi��re partie de l'entretien ne me semblait comporter aucune difficult��; toutefois, je m'irritais prodigieusement �� l'id��e qu'il me faudrait ensuite donner des explications, exposer les motifs de ce cong��, enfin raconter l'histoire, la fameuse histoire que vous connaissez maintenant.
?a non! ?a, sous aucun pr��texte! Ma m��re est une femme admirable, je vous l'ai dit; mais elle est d'humeur simple, c'est une ame sans d��tour. Je ne pouvais pas lui dire cette ridicule aventure, ce doigt pos�� sur l'oreille du gros bonhomme, cette sottise.
Est-ce bien une sottise, d'ailleurs? Est-ce ridicule, en r��alit��? Non! Mille fois non! Vous ne me ferez admettre ni que je suis un malfaiteur, ni que je suis un idiot. Alors, c'est ?a, votre humanit��? Voil�� un homme, un homme comme vous et moi; il y a, entre nous deux, une telle barri��re que je ne peux m��me pas appliquer le bout de mon doigt sur sa peau sans prendre figure de criminel. Alors, je ne suis pas libre? Alors l'individu est entour��, comme les pays maritimes, d'un espace inviolable o�� les ��trangers ne peuvent naviguer sans formalit��s?
Je ne pose pas �� l'original; je ne suis pas fait autrement que les autres. Quelque chose me le dit: une id��e comme celle qui m'avait m?, dans cette circonstance, c'est une de ces id��es que tous les hommes connaissent, une id��e saugrenues et naturelle quand m��me. Quant �� savoir s'il convient de c��der �� de telles impulsions, c'est une autre affaire, h��las!
Je hais le mensonge. On a suffisamment de mal �� se d��p��trer de la v��rit��; faut-il y m��ler d'autres mis��res? Raconter �� ma m��re que j'��tais licenci�� par une mesure g��n��rale de r��duction du personnel, ou que les intrigues jalouses de mes camarades avaient d��termin�� mon renvoi, voil�� une id��e qui ne m'effleura m��me pas. Ou plut?t si, elle m'effleura un peu, puisque je vous en parle; mais je n'y pensai que pour la repousser
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