Comte du Pape | Page 7

Hector Malot
faire la premi��re visite.
--M. Filsac me dit que vous voyez souvent ma ch��re fille et que vous pouvez me parler d'elle longuement. Comment est-elle, la pauvre petite?
C'��tait l�� que madame Pr��tavoine attendait madame de la Roche-Odon; la premi��re partie de son plan avait r��ussi, elle ��tait entr��e dans la place. A elle maintenant, �� son adresse, de s'y ��tablir, �� son tact de s'y maintenir.
Puisqu'on l'interrogeait, elle pouvait r��pondre, et pour cela prendre son temps.
--Il faut, dit-elle, que je vous explique, madame, comment M. Filsac a ��t�� amen�� �� me charger de cette lettre et �� vous faire parvenir par moi des nouvelles de mademoiselle B��reng��re. Touch��s, comme tous les catholiques, des malheurs du Saint-P��re, nous avons organis�� dans le dioc��se de Cond�� une loterie de Saint-Pierre, dont le produit devait ��tre offert �� Sa Saintet��. Grace au ciel, nous avons ainsi r��uni une assez grosse somme, je dis grosse, relativement �� nos ressources,--et comme j'��tais la tr��sori��re de l'oeuvre, j'ai ��t�� d��sign��e pour la porter �� Rome.
Bien que madame Pr��tavoine n'e?t jamais ��tudi�� l'art de la rh��torique, elle venait, en peu de mots, de batir un exorde qui r��unissait toutes les qualit��s requises.
Le but de l'exorde ��tant de se concilier la bienveillance de la personne �� laquelle on s'adresse, madame Pr��tavoine avait voulu tout d'abord se faire conna?tre. Qui elle ��tait? Une des premi��res de Cond�� assur��ment, puisqu'elle avait ��t�� la tr��sori��re d'une oeuvre importante, et que de plus elle avait ��t�� choisie entre tous pour venir �� Rome, au nom du dioc��se entier; catholique fervente, cela va sans dire, et d��vou��e aux int��r��ts du Saint-P��re, compatissante �� ses malheurs. Que demander encore? Tout de suite on voyait �� qui on avait affaire et quelle foi on devait accorder �� ses paroles.
Elle poursuivit:
--Quand M. Filsac, votre avou��, apprit que le choix de notre comit�� s'��tait port�� sur moi, il vint me faire une visite et me demanda de vous voir dans ce voyage. M. Filsac est un homme de bien, pour qui nous avons tous une grande estime, je n'avais rien �� lui refuser. Mais, d'autre part, j'avais des raisons particuli��res pour accepter avec empressement la mission qu'il voulait bien me confier. En effet, j'ai le plaisir de conna?tre mademoiselle B��reng��re, avec laquelle je d?ne tous les jeudis �� la table de son grand-p��re.
Dire �� madame de la Roche-Odon qu'on ��tait re?u dans l'intimit�� du comte qu'elle d��testait, ��tait assez hardi, mais si cette r��v��lation pouvait affaiblir la bienveillance de la vicomtesse, elle devait par contre provoquer son estime; mieux que personne elle savait que tout le monde n'��tait pas admis �� l'honneur de s'asseoir �� la table de son beau-p��re.
--Ayant re?u la visite de M. Filsac, continua madame Pr��tavoine, j'ai h��sit�� sur la question de savoir si je dirais �� mademoiselle votre fille que je vous verrais dans mon voyage �� Rome. Mais il m'a sembl�� que c'��tait jusqu'�� un certain point intervenir dans des querelles de famille qui doivent toujours rester ferm��es aux ��trangers, et avant de partir je n'ai rien dit �� mademoiselle B��reng��re.
--Ma fille m'��crit.
--Assur��ment, aussi n'aurais-je rien pu vous rapporter de particulier, tandis que je puis vous parler d'elle et cela sans que ma d��marche puisse blesser M. le comte de la Roche-Odon, quand, de retour �� Cond��, je la lui raconterai.
--M. de la Roche-Odon se blesse facilement.
--Il ne peut pas trouver mauvais qu'une m��re ait pens�� �� apporter des consolations �� une m��re qui, depuis plusieurs ann��es, est s��par��e de son enfant. C'est dans ce sens que j'ai accept�� la lettre de M. Filsac; c'est uniquement pour vous parler de mademoiselle B��reng��re.
Et longuement, abondamment, elle parla de B��reng��re.
De sa beaut��, de sa grace, de son esprit, de sa bont��, de sa charit��, de sa pi��t��.
Ce fut un portrait complet, avec des petites anecdotes caract��ristiques habilement choisies et souvent m��me habilement invent��es; en ce sens au moins qu'avec un rien insignifiant elle faisait quelque chose d'important.
Madame de la Roche-Odon ��coutait attentivement, mais elle questionnait fort peu, encore le faisait-elle sans se livrer et sans qu'on p?t conclure de ses paroles quels ��taient ses sentiments pour sa fille.
Dans son impatience, madame Pr��tavoine risqua une attaque qui pouvait amener madame de la Roche-Odon �� se prononcer.
--M. Filsac voulait encore me charger de paroles que, par d��f��rence pour M. le comte de la Roche-Odon, je n'ai pas cru devoir accepter.
--Ah! dit madame de la Roche-Odon sans montrer la moindre curiosit�� �� l'��gard de ces paroles.
--Il voulait, continua madame Pr��tavoine, que je fisse valoir aupr��s de vous les raisons qui, selon lui, devraient vous amener �� provoquer l'��mancipation de mademoiselle B��reng��re, qui deviendrait libre ainsi d'habiter pr��s de qui elle voudrait.
--M. Filsac va un peu loin dans son z��le.
--C'est justement la r��ponse que je lui ai faite pour moi; car enfin, en ce qui me touche, je ne
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