Clotilde Martory | Page 4

Hector Malot
co?te plus de 20,000.
Mais ce n'est pas pour te parler de l'ostentation marseillaise que je t'��cris; il y aurait vraiment cruaut�� �� d��tailler le luxe et le confort de ces chateaux �� un pauvre gar?on comme toi vivant dans le d��sert et couchant souvent sur la terre nue; c'est pour te parler de moi et d'un fait qui pourrait bien avoir une influence d��cisive sur ma vie.
Hier j'��tais invit�� �� la soir��e donn��e �� l'occasion d'un mariage, le mariage de mademoiselle B��darrides, la fille du riche armateur, avec le fils du maire de la ville. Bien que la villa B��darrides soit une des plus belles et des plus somptueuses (c'est elle qui montre orgueilleusement ses 42,000 francs de ciment et son parquet de 20,000), on avait ��lev�� dans le jardin une vaste tente sous laquelle on devait danser. Cette construction avait ��t�� command��e par le nombre des invit��s qui ��tait consid��rable. Il se composait d'abord de tout ce qui a un nom dans le commerce marseillais, l'industrie et les affaires, c'��tait l�� le c?t�� de la jeune femme et de sa famille, puis ensuite il comprenait ainsi tout ce qui est en relations avec la municipalit��--c?t�� du mari. En r��alit��, c'��tait le tout-Marseille beaucoup plus complet que ce qu'on est convenu d'appeler le tout-Paris dans les journaux. Il y avait l�� des banquiers, des armateurs, des n��gociants, des hauts fonctionnaires, des Italiens, des Espagnols, des Grecs, des Turcs, des ��gyptiens m��l��s �� de petits employ��s et �� des boutiquiers, dans une confusion curieuse.
Retenu par le g��n��ral qui avait voulu que je vinsse avec lui, je n'arrivai que tr��s-tard. Le bal ��tait dans tout son ��clat, et le coup d'oeil ��tait splendide: la tente ��tait orn��e de fleurs et d'arbustes au feuillage tropical et elle ouvrait ses bas c?t��s sur la mer qu'on apercevait dans le lointain miroitant sous la lumi��re argent��e de la lune. C'��tait f��erique avec quelque chose d'oriental qui parlait �� l'imagination.
Mais je fus bien vite ramen�� �� la r��alit�� par l'oncle de la mari��e, M. B��darrides jeune, qui voulut bien me faire l'honneur de me prendre par le bras, pour me promener avec lui.
--Regardez, regardez, me dit-il, vous avez devant vous toute la fortune de Marseille, et si nous ��tions encore au temps o�� les corsaires barbaresques faisaient des descentes sur nos c?tes, ils pourraient op��rer ici une razzia g��n��rale qui leur payerait facilement un milliard pour se racheter.
Je parvins �� me soustraire �� ces plaisanteries financi��res et j'allai me mettre dans un coin pour regarder la f��te �� mon gr��, sans avoir �� subir des r��flexions plus ou moins spirituelles.
Qui sait? Parmi ces femmes qui passaient devant mes yeux se trouvait peut-��tre celle que je devais aimer. Laquelle?
Cette id��e avait �� peine effleur�� mon esprit, quand j'aper?us, �� quelques pas devant moi, une jeune fille d'une beaut�� saisissante. Pr��s d'elle ��tait une femme de quarante ans, �� la physionomie et �� la toilette vulgaires. Ma premi��re pens��e fut que c'��tait sa m��re.
Mais �� les bien regarder toutes deux, cette supposition devenait improbable tant les contrastes entre elles ��taient prononc��s. La jeune fille, avec ses cheveux noirs, son teint mat, ses yeux profonds et velout��s, ses ��paules tombantes, ��tait la distinction m��me; la vieille femme, petite, repl��te et couperos��e, n'��tait rien qu'une vieille femme; la toilette de la jeune fille ��tait charmante de simplicit�� et de bon go?t; celle de son chaperon ��tait ridicule dans le pr��tentieux et le cherch��.
Je restai assez longtemps �� la contempler, perdu dans une admiration ��mue; puis, je m'approchai d'elle pour l'inviter. Mais forc�� de faire un d��tour, je fus pr��venu par un grand jeune homme lourdaud et timide, g��n�� dans son habit (un commis de magasin assur��ment), qui l'emmena �� l'autre bout de la chambre.
Je la suivis et la regardai danser. Si elle ��tait charmante au repos, dansant elle ��tait plus charmante encore. Sa taille ronde avait une souplesse d'une grace f��line; elle e?t march�� sur les eaux tant sa d��marche ��tait l��g��re.
Quelle ��tait cette jeune fille? Par malheur, je n'avais pr��s de moi personne qu'il me f?t possible d'interroger.
Lorsqu'elle revint �� sa place, je me hatai de m'approcher et je l'invitai pour une valse, qu'elle m'accorda avec le plus d��licieux sourire que j'aie jamais vu.
Malheureusement, la valse est peu favorable �� la conversation; et d'ailleurs, lorsque je la tins contre moi, respirant son haleine, plongeant dans ses yeux, je ne pensai pas �� parler et me laissai emporter par l'ivresse de la danse.
Lorsque je la quittai apr��s l'avoir ramen��e, tout ce que je savais d'elle, c'��tait qu'elle n'��tait point de Marseille, et qu'elle avait ��t�� amen��e �� cette soir��e par une cousine, chez laquelle elle ��tait venue passer quelques jours.
Ce n'��tait point assez pour ma curiosit�� impatiente. Je voulus savoir qui elle ��tait, comment elle se nommait, quelle ��tait sa
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