Choix de Poesies | Page 3

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O combien d'actions, combien d'exploits célèbres,
Sont demeurés
sans gloire au milieu des ténèbres,
Où chacun, seul témoin des grands
coups qu'il donnait,
Ne pouvait discerner où le sort inclinait!

J'allais
de tous côtés encourager les nôtres,
Faire avancer les uns et soutenir
les autres,
Ranger ceux qui venaient, les pousser à leur tour,
Et ne

l'ai pu savoir jusques au point du jour.
Mais enfin sa clarté montre
notre avantage:
Le More voit sa perte et perd soudain courage,
Et
vovant un renfort oui nous vient secourir,
L'ardeur de vaincre cède a
la peur de mourir.
Ils gagnent leurs vaisseaux, ils en coupent les
câbles,
Poussent jusques aux cieux des cris épouvantables,
Font
retraite en tumulte, et sans considérer
Si leurs rois avec eux peuvent
se retirer.
Pour souffrir ce devoir leur frayeur est trop forte:
Le flux
les apporta, le reflux les remporte,
Cependant que leurs rois, engagés
parmi nous,
Et quelque peu des leurs, tous percés de nos coups,

Disputent vaillamment et vendent bien leur vie.
A se rendre
moi-même en vain je les convie:
Le cimeterre au poing ils ne
m'écoutent pas;
Mais voyant à leurs pieds tomber tous leurs soldats,

Et que seuls désormais en vain ils se défendent,
Ils demandent le
chef: je me nomme, ils se rendent.
Je vous les envoyai tous deux en
même temps;
Et le combat cessa faute de combattants.
JEAN RACINE.
(1639-1699)
Racine, orphelin d'e bonne heure, fut élevé par les solitaires de Port
Royal qui lui communiquèrent leur goût pour l'étude des langues
mortes et les oeuvres de l'antiquité. Sa famille et ses amis ne réussirent
pas à lui faire abandonner la carrière des lettres que l'Eglise
n'approuvait pas.
Connu dès 1660 par une ode, _la Nymphe de la Seine_, composée pour
le mariage du roi, Racine fit bientôt représenter _la Thébaïde on les
Frères ennemis_ (1664), _Alexandre_ (1665), tragédies qui montrent
l'influence fâcheuse de la "préciosité" ambiante, puis vinrent
_Andromaque_ (1667), _les Plaideurs_ (comédie), _Britannieus_
(1669), _Bérénice_ (1670), _Bajazet_ (1672), _Mithridate_ (1673),
_Iphigénie_ (1674), _Phèdre_ (1677).
Les cabales montées contre Racine par ses rivaux et leurs puissants
protecteurs jointes aux reproches de ses anciens maïtres qui lui

reprochaient de s'être engagé dans une voie de perdition, détournèrent
Racine de la scène. Il n'y revint qu'en 1689, quand il écrivit sur la
demande de Madame de Maintenon deux tragédies religieuses,
_Esther_ et _Athalis_ pour les jeunes filles du pensionnat de St-Cyr.
La tragédie de Racine se distingue de celle de Corneille par la
simplicité du ton et de l'intrigue; c'est une tragédie de passions et
d'impulsions plutôt que d'actions raisonnées, et ses personnages, moins
héroïques, sont beaucoup plus humains. Après Racine la tragédie
classique ne sut pas se maintenir à la hauteur où il l'avait placée.
IPHIGENIE.
(Réponse à Agamemnon--Acte IV, scène IV.)
(L'oracle Calchas a annoncé à Agamemnon que les dieux veulent le
sang d'une jeune princesse de sa famille; à ce prix, ils accorderont les
vents favorables pour transporter l'armée des Grecs devant Troie qu'ils
veulent assiéger. Agamemnon a fait venir sa fille Iphigénie sous
prétexte de la marier à Achille, mais le stratagème a été découvert à
Iphigénie, qui se soumet volontairement au désir de son père.)
Mon Père,
Cessez de vous troubler, vous n'êtes point trahi.
Quand
vous commanderez, vous serez obéi.
Ma vie est votre bien. Vous
voulez le reprendre:
Vos ordres sans détour pouvaient se faire
entendre.
D'un oeil aussi content, d'un coeur aussi soumis
Que
j'acceptais l'époux que vous m'aviez promis,
Je saurai, s'il le faut,
victime obéissante,
Tendre au fer de Calchas une tête innocente,
Et
respectant le coup par vous-même ordonné,
Vous rendre tout le sang
que vous m'avez donné.
Si pourtant ce respect, si cette obéissance
Paraît digne à vos yeux
d'une autre récompense,
Si d'une mère en pleurs vous plaignez les
ennuis,
J'ose vous dire ici qu'en l'état où je suis
Peut-être assez
d'honneurs environnaient ma vie
Pour ne pas souhaiter qu'elle me fût
ravie,
Ni qu'en me l'arrachant un sévère destin
Si près de ma

naissance en eût marqué la fin.
Fille d'Agamemnon, c'est moi qui la
première,
Seigneur, vous appelai de ce doux nom de père;
C'est moi
qui si longtemps le plaisir de vos yeux,
Vous ai fait de ce nom
remercier les Dieux,
Et pour qui tant de fois prodiguant vos caresses,

Vous n'avez point du sang dédaigné les faiblesses.
Hélas! avec
plaisir je me faisais conter
Tous les noms des pays que vous allez
dompter;
Et déjà, d'Illion présageant la conquête,
D'un triomphe si
beau je préparais la fête.
Je ne m'attendais pas que pour le commencer,

Mon sang fût le premier que vous dussiez verser.
Non que la peur du coup dont je suis menacée
Me fasse rappeler
votre bonté passée.
Ne craignez rien: mon coeur de votre honneur
jaloux,
Ne fera point rougir un père tel que vous;
Et si je n'avais eu
que ma vie à défendre,
J'aurais su renfermer un souvenir si tendre,

Mais à mon triste sort, vous le savez, Seigneur,
Une mère, un amant
attachaient leur bonheur.
Un roi digne de vous a cru voir la journée

Qui devait éclairer notre illustre hyménée.
Déjà sûr de mon coeur à sa
flamme promis,
Il s'estimait heureux: vous
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