Choix de Poesies | Page 4

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me l'aviez permis.
Il sait
votre dessein; jugez de ses alarmes.
Ma mère est devant vous et vous
voyez ses larmes.
Pardonnez aux efforts que je viens de tenter
Pour
prévenir les pleurs que je leur vais coûter.
NICOLAS BOILEAU.
(1636-1711)
Boileau, dont le père était commis au greffe au Parlement de Paris fit
ses humanités et son droit en vue de lui succéder; mais attiré par les
lettres, il s'y consacra entièrement dès 1657. Une étroite amitié
l'unissait à Racine, à La Fontaine, et à Molière, qu'il retrouvait aux
cabarets de la "Pomme de Pin" ou du "Mouton blanc." Il discutait et
critiquait les ouvrages de ses amis et de ses contemporains en général
avec cette clarté de vue et ce bon goût qui font de lui un des premiers et
des plus grands critiques littéraires français. Son oeuvre est presque
exclusivement satirique et didactique; elle comprend douze _Satires_,

douze _Epitres_, un _Art poétique_ en quatre chants, un poème
satirique en six chants, _le Lutrin_, des poésies diverses et des essais en
prose.
Boileau se fait l'apôtre de la "_raison_," c'est-â-dire du _naturel_ et de
la _mesure_. Détesté et craint de la plupart de ses contemporains, il
jouit néanmoins de la faveur royale; Louis XIV se l'attacha comme
historiographe.
SATIRE VI.
(Sur les embarras de Paris. Fragment).
Qui frappe l'air, bon Dieu, de ces lugubres cris?
Est-ce d'onc pour
veiller qu'on se couche à Paris?
Et quel fâcheux Démon, durant les
nuit entières,
Rassemble ici les chats de toutes les gouttières?
J'ai
beau sauter du lit, plein de trouble et d'effroi,
Je pense qu'avec eux
tout l'enfer est chez moi:
L'un miaule en grondant comme un tigre en
furie,
L'autre, roule sa voix comme un enfant qui crie.
Ce n'est pas
tout encore: les souris et les rats
Semblent, pour m'éveiller, s'entendre
avec les chats,
Plus importuns pour moi, durant la nuit obscure,
Que
jamais, en plein jour, ne fut l'abbé de Pure.
Tout conspire à la fois à troubler mon repos.
Et je me plains ici du
moindre de mes maux;
Car, à peine les coqs, commençant leur
ramage,
Auront de cris aigus frappé le voisinage,
Qu'un affreux
serrurier, laborieux Vulcain,
Qu'éveillera bientôt l'ardente soif du
gain,
Avec un fer maudit, qu'à grand bruit il apprête,
De cent coups
de marteau va me fendre la tête.
J'entends delà partout les charrettes
courir,
Les maçons travailler, les boutioues s'ouvrir;
Tandis que,
dans les airs, mille cloches émues,
D'un funèbre concert font retentir
les nues,
Et, se mêlant au bruit de la grêle et des vents,
Pour
honorer les morts font mourir les vivants.
Encor, je bénirais la bonté souveraine,
Si le ciel à ces maux avait

borné ma peine!
Mais, si seul en mon lit je peste avec raison,
C'est
encor pis vingt fois en quittant la maison.
En quelque endroit que
j'aille, il faut fendre la presse
D'un peuple d'importuns qui fourmillent
sans cesse.
L'un me heurte d'un ais, dont je suis tout froissé;
Je vois
d'un autre coup mon chapeau renversé;
Là, d'un enterrement la
funèbre ordonnance,
D'un pas lugubre et lent vers l'église s'avance;

Et plus loin des laquais, l'un l'autre s'agaçant,
Font aboyer les chiens
et jurer les passants.
Des paveurs, en ce lieu, me bouchent le passage;

Là, je trouve une croix de sinistre présage;
Et des couvreurs,
grimpés au toit d'une maison,
En font pleuvoir l'ardoise et la tuile à
foison.
Là, sur une charrette, une poutre branlante
Vient, menaçant
de loin la foule qu'elle augmente:
Six chevaux attelés à ce fardeau
pesant
Ont peine à l'émouvoir sur le pavé glissant;
D'un carrosse, en
tournant, il accroche la roue,
Et du choc le renverse en un grand tas
de boue;
Quand un autre à l'instant s'efforçant de passer
Dans le
même embarras se vient embarrasser.
Vingt carrosses bientôt arrivant
à la file
Y sont en moins de rien suivis de plus mille;
Et, pour
surcroît de maux, un sort malencontreux
Conduit en cet endroit un
grand troupeau de boeufs;
Chacun prétend passer; l'un mugit, l'autre
jure;
Des mulets en sonnant augmentent le murmure;
Aussitôt, cent
chevaux dans la foule appelés
De l'embarras qui croît ferment les
défilés,
Et partout, des passants enchaînant les brigades,
Au milieu
de la paix font voir les barricades.
On n'entend que des cris poussés
confusément.
Dieu pour s'y faire ouïr tonnerait vainement.
Moi
donc, qui dois souvent en certain lieu me rendre,
Le jour déjà baissé,
et qui suis las d'attendre,
He sachant plus tantôt à quel saint me vouer,

Je me mets au hasard de me faire rouer,

Je saute vingt ruisseaux,
j'esquive, je me pousse;
Guénaud sur son cheval en passant
m'éclabousse;
Et n'osant plus paraître en l'étât où je suis,
Sans
songer où je vais, je me sauve où je puis.
JEAN DE LA FONTAINE.
(1623-1695)

La Fontaine naquit dans la petite ville de Château-Thierry, en
Champagne, où son père était maître des eaux et forêts. En courant à
travers les champs et les bois il apprit à connaître la nature et les
animaux qu'il dépeint si bien dans ses fables. Après s'être trompé sur sa
vocation religieuse et sa vocation juridique, il sollicita comme poète la
faveur du Surintendant des fînances, Fouquet, qui se l'attacha. Après la
disgrâce
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