Choix de Poesies | Page 7

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Militaires_" (1835) il montre sous un nouvel aspect la vie de devoir et de renoncement du soldat. Son drame "_Chatterton_" met en scène les souffrances du poète incompris aux prises avec les amoindrissantes réalités de l'existence. Dans ses _Poèmes antiques et modernes_, Vigny exhale son pessismisme, qui ne manque pas de noblesse lorsqu'il prêche, comme dans la "Mort du Loup," une sto?que résignation.
LA MORT DU LOUP.
Les nuages couraient sur la lune enflammée?Comme sur l'incendie on voit fuir la fumée,?Et les bois étaient noirs jusques à l'horizon.?Nous marchions, sans parler, dans l'humide gazon,?Dans la bruyère épaisse et dans les hautes brandes,?Lorsque sous des sapins pareils à ceux des Landes,?Nous avons aper?u les grands ongles marqués?Par les loups voyageurs que nous avions traqués.?Nous avons écouté, retenant notre haleine?Et le pas suspendu. Ni le bois ni la plaine?Ne poussaient un soupir dans les airs; seulement?La girouette en deuil criait au firmament;?Car le vent, élevé bien au-dessus des terres,?N'effleurait de ses pieds que les tours solitaires,?Et les chênes d'en bas, contre les rocs penchés,?Sur leurs coudes semblaient endormis et couchés.?Rien ne bruissait donc, lorsque baissant la tête,?Le plus vieux des chasseurs qui s'était mis en quête?A regardé le sable en s'y couchant; bient?t,?Lui que jamais ici l'on ne vit en défaut,?A déclaré tout bas que ces marques récentes?Annon?aient la démarche et les griffes puissantes?De deux grands loups-cerviers et de deux louveteaux.?Nous avons tous alors préparé nos couteaux,?Et, cachant nos fusils et les lueurs trop blanches,?Nous allions pas à pas en écartant les branches.?Trois s'arrêtent, et moi, cherchant ce qu'ils voyaient,?J'aper?ois tout à coup deux yeux qui flamboyaient,?Et je vois au-delà quatre formes légères?Qui dansaient sous la lune au milieu des bruyères,?Comme font chaque jour, à grand bruit sous nos yeux,?Quand le ma?tre revient, les lévriers joyeux.?Leur forme était semblable et semblable la danse;?Mais les enfants du Loup se jouaient en silence,?Sachant bien qu'à deux pas, ne dormant qu'à demi,?Se couche dans ses murs l'homme, leur ennemi.?Le père était debout, et plus loin, contre un arbre,?Sa louve reposait comme celle de marbre?Qu'adoraient les Romains, et dont les flancs velus?Couvaient les demi-dieux Rémus et Romulus.?Le Loup vient et s'assied, les deux jambes dressées,?Par leurs ongles crochus dans le sable enfoncées.?Il s'est jugé perdu, puisqu'il était surpris,?Sa retraite coupée et tous ses chemins pris,?Alors il a saisi, dans sa gueule br?lante,?Du chien le plus hardi la gorge pantelante,?Et n'a pas desserré ses machoires de fer,?Malgré nos coups de feu, qui traversaient sa chair,?Et nos couteaux aigus qui comme des tenailles,?Se croisaient en plongeant dans ses larges entrailles,?Jusqu'au dernier moment où le chien étranglé,?Mort longtemps avant lui, sous ses pieds a roulé.?Le Loup le quitte alors et puis il nous regarde.?Les couteaux lui restaient au flanc jusqu'à la garde,?Le clouaient au gazon tout baigné de son sang;?Nos fusils l'entouraient en sinistre croissant.?Il nous regarde encore, ensuite il se recouche,?Tout en léchant le sang répandu sur sa bouche,?Et, sans daigner savoir comment il a péri,?Refermant ses grands yeux, meurt sans jeter un cri.?Hélas! ai-je pensé, malgré ce grand nom d'Hommes,?Que j'ai honte de nous, débiles que nous sommes!?Comment on doit quitter la vie et tous ses maux,?C'est vous qui le savez, sublimes animaux.?A voir ce que l'on fut sur terre et ce qu'on laisse,?Seul le silence est grand; tout le reste est faiblesse.?--Ah! je tai bien compris, sauvage voyageur,?Et ton dernier regard m'est allé jusqu'au coeur.?Il disait: "Si tu peux, fais que ton ame arrive,?A force de rester studieuse et pensive,?Jusqu'à ce haut degré de sto?que fierté?Où, naissant dans les bois, j'ai tout d'abord monté.?Gémir, pleurer, prier, est également lache.?Fais énergiquement ta longue et lourde tache?Dans la voie où le sort a voulu t'appeler,?Puis, après, comme moi, souffre et meurs sans parler."
ALFRED DE MUSSET.
(1810-1857)
Alfred de Musset, né et élevé à Paris, fut parmi les jeunes auteurs qui créèrent le mouvement romantique fran?ais; mais trop indépendant pour se rallier à une école quelconque, il se contenta bient?t de suivre son inspiration, sa "Muse." Jeune, beau et assez fortuné, il s'abandonna aux jouissances et aux facilités de la vie qui lui apporta les douloureuses déceptions racontées dans les "Nuits" (Nuit de Mai, Nuit de Décembre, 1835; Nuit d'Ao?t, 1836; Nuit d'Octobre, 1837). A part ses poésies, dont beaucoup, telles que les _Stances à la Malibran, l'Espoir en Dieu, le Saule, Souvenir_, sont justement célèbres, Musset écrivit des _pièces de théàtre_ en prose et en vers, des _Contes et Nouvelles_, et une autobiographie: _Confession d'un enfant du siècle_.
LA NUIT DE MAI.
(Fragment).
Lorsque le pélican, lassé d'un long voyage,?Dans les brouillards du soir retourne à ses roseaux,?Ses petits affamés courent sur le rivage?En le voyant au loin s'abattre sur les eaux.?Déjà, croyant saisir et partager leur proie,?Ils courent à leur père avec des cris de joie?En secouant leurs becs sur leurs go?tres hideux.?Lui, gagnant à pas lents une roche élevée,?De son aile pendante abritant
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