sa couvée,?Pêcheur mélancolique, il regarde les cieux.?Le sang coule à longs flots de sa poitrine ouverte?En vain il a des mers fouillé la profondeur:?L'Océan était vide et la plage déserte;?Pour toute nourriture il apporte son coeur.?Sombre et silencieux, étendu sur la pierre,?Partageant à ses fils ses entrailles de père,?Dans son amour sublime il berce sa douleur.?Et, regardant couler sa sanglante mamelle,?Sur son festin de mort il s'affaisse et chancelle,?Ivre de volupté, de tendresse et d'horreur.?Mais parfois, au milieu du divin sacrifice,?Fatigué de mourir dans un trop long supplice,?Il craint que ses enfants ne le laissent vivant.?Alors, il se soulève, ouvre son aile au vent,?Et, se frappant le coeur avec un cri sauvage,?Il pousse dans la nuit un si funèbre adieu?Que les oiseaux des mers désertent le rivage,?Et que le voyageur attardé sur la plage,?Sentant passer la mort se recommande à Dieu.?Poète, c'est ainsi que font les grands poètes.?Ils laissent s'égayer ceux qui vivent un temps;?Mais les festins humains qu'ils servent à leurs fêtes?Ressemblent la plupart à ceux des pélicans.?Quand ils parlent ainsi d'espérances trompées,?De tristesse et d'oubli, d'amour et de malheur,?Ce n'est pas un concert à dilater le coeur.?Leurs déclamations sont comme des épées:?Elles tracent dans l'air un cercle éblouissant,?Mais il y pend toujours quelques gouttes de sang.
LA CHANSON DE FORTUNIO.
Si vous croyez que je vais dire?Qui j'ose aimer,?Je ne saurais pour un empire?Vous la nommer.
Nous allons chanter à la ronde,?Si vous voulez,?Que je l'adore et qu'elle est blonde?Comme les blés.
Je fais ce que sa fantaisie?Veut m'ordonner,?Et je puis s'il lui faut ma vie,?La lui donner.
Du mal qu'une amour ignorée?Nous fait souffrir,?J'en porte l'ame déchirée?Jusqu'à mourir.
Mais j'aime trop pour que je die?Qui j'ose aimer,?Et je veux mourir pour ma mie?Sans la nommer.
IMPROMPTU.
(En réponse à cette question: Qu'est-ce que la poésie?)
Chasser tout souvenir et fixer la pensée,?Sur un bel axe d'or la tenir balancée,?Incertaine, inquiète, immobile pourtant;?Eterniser peut-être un rêve d'un instant;?Aimer le vrai, le beau, chercher leur harmonie;?Ecouter dans son coeur l'écho de son génie;?Chanter, rire, pleurer, seul, sans but, au hasard;?D'un sourire, d'un mot, d'un soupir, d'un regard?Faire un travail exquis, plein de crainte et de charme,?Faire une perle d'une larme;?Du poète ici-bas voilà la passion,?Voilà son bien, sa vie et son ambition.
THéOPHILE GAUTIER.
(1811-1872)
Théophile Gautier, né à Tarbes (Hautes-Pyrénées), vint de bonne heure à Paris, où il étudia la peinture tout en fréquentant la jeunesse littéraire et artistique de son temps. Il fut un des promoteurs du mouvement romantique dont il a raconté l'histoire, et il garda toujours une prédilection pour les auteurs indépendants et les novateurs. Il est remarquable par la couleur, le relief et le fini de sa poésie; ses principales oeuvres en vers sont ses "_Poésies_" publiées en 1845, et ses _Emaux et Camées_ publiés en 1858. Il a également écrit un roman,: "le Capitaine Fracasse," et de nombreuses critiques.
PREMIER SOURIRE DU PRINTEMPS.
Tandis qu'à leurs oeuvres perverses?Les hommes courent haletants,?Mars qui rit malgré les averses,?Prépare en secret le beau tempe.
Pour les petites paquerettes,?Sournoisement, lorsque tout dort,?Il repasse des collerettes?Et cisèle des boutons d'or.
Dans le verger et dans la vigne?Il s'en va, furtif perruquier,?Avec une houppe de cygne,?Poudrer à frimas l'amandier.
La nature au lit se repose;?Lui, descend au jardin désert?Et lace les boutons de rose?Dans leur corset de velours vert.
Tout en composant des solfèges,?Qu'aux merles il siffle à mi-voix,?Il sème aux prés les perce-neiges?Et les violettes aux bois.
Sur le cresson de la fontaine?Où le cerf boit, l'oreille au guet,?De sa main cachée il égrène?Les grelots d'argent du muguet.
Sous l'herbe, pour que tu la cueilles,?Il met la fraise au teint vermeil,?Et te tresse un chapeau de feuilles?Pour te garantir du soleil.
Puis lorsque sa besogne est faite?Et que son règne va finir,?Au seuil d'avril tournant la tête,?Il dit: "Printemps, tu peux venir!"
VICTOR HUGO.
(1802-1885)
Victor Hugo, le plus grand poète fran?ais du XIXe siècle, naquit à Besan?on; son père était un officier supérieur qui fit les campagnes du premier empire et désirait lui voir embrasser la carrière militaire. Victor Hugo se prépara à Paris pour l'Ecole Polytechnique, mais les lettres l'attiraient plus que les sciences; les succès qu'il remporta à quinze ans dans un concours de poésie lui firent abandonner ses premiers projets. Il commen?a des études de droit, fit du journalisme et publia à vingt ans les _Odes et Ballades_ qui lui valurent une pension du roi Louis XVIII. Bient?t, il fut reconnu comme chef du mouvement romantique dont il écrivit le manifeste dans la _préface_ de son drame: _Cromwell_. Il voulait remplacer la tragédie classique avec ses conventions démodées par le drame tel que Shakespeare l'avait con?u; c'est d'après cet illustre exemple qu'il écrivit en vers: _Hernani_ (1830), _Le Roi s'amuse_ (1832), _Marion Delorme, Ruy Blas_ (1838), _Les Burgraves_; et en prose: _Lucrèce Borgia, Marie Tudor, Angelo_. Ces drames où V. Hugo n'a pas su égaler son modèle sont surtout remarquables par la beauté des vers.
Les recueils de vers
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.