vive, pr��cise, all��g��e. En moins d'une heure, elle fut baign��e, frott��e d'alcool parfum�� au santal, coiff��e, chauss��e. Pendant que le fer �� friser chauffait, elle trouva le temps d'��plucher le livre de comptes du ma?tre d'h?tel, d'appeler le valet de chambre ��mile pour lui montrer, sur un miroir, une bu��e bleue. Elle darda autour d'elle un oeil assur��, qu'on ne trompait presque jamais, et d��jeuna dans une solitude joyeuse, souriant au Vouvray sec et aux fraises de juin servies avec leurs queues sur un plat de Rubelles, vert comme une rainette mouill��e. Un beau mangeur dut choisir autrefois, pour cette salle �� manger rectangulaire, les grandes glaces Louis XVI et les meubles anglais de la m��me ��poque, dressoirs a��r��s, desserte haute sur pieds, chaises maigres et solides, le tout d'un bois presque noir, �� guirlandes minces. Les miroirs et de massives pi��ces d'argenterie recevaient le jour abondant, les reflets verts des arbres de l'avenue Bugeaud, et L��a scrutait, tout en mangeant, la poudre rouge demeur��e aux ciselures d'une fourchette, fermait un ?il pour mieux juger le poli des bois sombres. Le ma?tre d'h?tel, derri��re elle, redoutait ces jeux.
"Marcel, dit L��a, votre encaustique colle, depuis une huitaine.
--Madame croit?
--Elle croit. Rajoutez-y de l'essence en fondant au bain-marie, ce n'est rien �� refaire. Vous avez mont�� le Vouvray un peu t?t. Tirez les persiennes d��s que vous aurez desservi, nous tenons la vraie chaleur.
--Bien, Madame. Monsieur Ch.... Monsieur Peloux d?ne?
--Je pense.... Pas de cr��me-surprise ce soir, qu'on nous fasse seulement des sorbets au jus de fraises. Le caf�� au boudoir."
En se levant, grande et droite, les jambes visibles sous la jupe plaqu��e aux cuisses, elle eut le loisir de lire, dans le regard contenu du ma?tre d'h?tel, le "Madame est belle" qui ne lui d��plaisait pas.
"Belle..." se disait L��a en montant au boudoir. Non. Plus maintenant. A pr��sent il me faut le blanc du linge pr��s du visage, le rose tr��s pale pour les dessous et les d��shabill��s. Belle.... Peuh... je n'en ai plus gu��re besoin...."
Pourtant, elle ne s'accorda point de sieste dans le boudoir aux soies peintes, apr��s le caf�� et les journaux. Et ce fut avec un visage de bataille qu'elle commanda �� son chauffeur :
"Chez Madame Peloux."
* * * * *
Les all��es du Bois, s��ches sous leur verdure neuve de juin que le vent fane, la grille de l'octroi, Neuilly, le boulevard d'Inkermann.... "Combien de fois l'ai-je fait, ce trajet-l��?" se demanda L��a. Elle compta, puis se lassa de compter, et ��pia, en retenant ses pas sur le gravier de Mme Peloux, les bruits qui venaient de la maison.
"Ils sont dans le hall", dit-elle.
Elle avait remis de la poudre avant d'arriver et tendu sur son menton la voilette bleue, un grillage fin comme un brouillard. Et elle r��pondit au valet qui l'invitait �� traverser la maison :
"Non, j'aime mieux faire le tour par le jardin."
Un vrai jardin, presque un parc, isolait, toute blanche, une vaste villa de grande banlieue parisienne. La villa de Mme Peloux s'appelait "une propri��t�� �� la campagne" dans le temps o�� Neuilly ��tait encore aux environs de Paris. Les ��curies, devenues garages, les communs avec leurs chenils et leurs buanderies en t��moignaient, et aussi les dimensions de la salle de billard, du vestibule, de la salle �� manger.
"Madame Peloux en a l�� pour de l'argent", redisaient d��votement les vieilles parasites qui venaient, en ��change d'un d?ner et d'un verre de fine, tenir en face d'elle les cartes du b��sigue et du poker. Et elles ajoutaient : "Mais o�� Madame Peloux n'a-t-elle pas d'argent? "
En marchant sous l'ombre des acacias, entre des massifs embras��s de rhododendrons et des arceaux de roses, L��a ��coutait un murmure de voix, perc�� par la trompette nasillarde de Mme Peloux et l'��clat de rire sec de Ch��ri.
"Il rit mal, cet enfant", songea-t-elle. Elle s'arr��ta un instant, pour entendre mieux un timbre f��minin nouveau, faible, aimable, vite couvert par la trompette redoutable.
"?a, c'est la petite", se dit L��a.
Elle fit quelques pas rapides et se trouva au seuil d'un hall vitr��, d'o�� Mme Peloux s'��lan?a en criant :
"Voici notre belle amie!"
Ce tonnelet, Mme Peloux, en v��rit�� Mlle Peloux, avait ��t�� danseuse, de dix �� seize ans. L��a cherchait parfois sur Mme Peloux ce qui pouvait rappeler l'ancien petit ��ros blond et potel��, puis la nymphe �� fossettes, et ne retrouvait que les grands yeux implacables, le nez d��licat et dur, et encore une mani��re coquette de poser les pieds en "cinqui��me" comme les sujets du corps de ballet.
Ch��ri, ressuscit�� du fond d'un rocking, baisa la main de L��a avec une grace involontaire, et gata son geste par un :
"Fl?te! tu as encore mis une voilette, j'ai horreur de ?a.
--Veux-tu la laisser tranquille! intervint Mme Peloux. On ne demande pas �� une femme pourquoi elle a mis une voilette! Nous n'en ferons jamais rien", dit-elle
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.