en Am��rique. Il y avait fait, en voiture, �� cheval et en bateau, avec des guides, dans des r��gions connues, une excursion que tout Europ��en robuste pouvait accomplir. M. Joseph B��dier para?t avoir d��montr�� dans ses Etudes critiques, en se servant du texte m��me du Voyage en Am��rique et des M��moires d'outre-tombe, que Chateaubriand n'a pu visiter aucune des r��gions o�� se d��rouleront plus tard ses romans; qu'il les a d��crites surtout d'apr��s le Fran?ais Charlevoix et l'Anglais Bartram, mais qu'il n'a pu voir les Florides ni m��me le Mississipi; et qu'il a ��t�� tout au plus au Niagara. Or, le Voyage en Am��rique ��tant son premier ouvrage, M. de Chateaubriand aurait donc d��but�� dans la litt��rature par un mensonge, et par un mensonge qu'il a soutenu imperturbablement toute sa vie: car il ne cesse dans presque tous ses ��crits (Essai sur les R��volutions, G��nie du christianisme, Itin��raire), et dans ses articles et dans ses lettres priv��es, de rappeler son s��jour chez les bons sauvages de la Louisiane. Mais M. l'abb�� Bertrin a d��fendu Chateaubriand, et, il me semble, avec succ��s sur quelques points. Il reste seulement qu'on d��m��le fort mal son itin��raire �� partir du Niagara et que, souvent, il s'arrange pour nous faire croire qu'il a vu beaucoup plus de pays qu'il n'en a visit�� en effet.
Quel qu'ait ��t�� son voyage, il en rapporte une masse de notes, une suite de descriptions d��j�� soign��es et achev��es, et probablement une premi��re ��bauche des ��normes Natchez.
Ces notes et ces descriptions, il en transporte une partie, en 1822, dans le manuscrit des M��moires d'outre-tombe. Le reste, il le publie, en 1827, sous le titre de Voyage en Am��rique. Mais les morceaux ins��r��s dans les M��moires ont ��t�� s?rement retouch��s ou m��me ?r��crits? par l'auteur; ils sont, �� n'en pas douter, de sa derni��re et souveraine mani��re. Au contraire, le Voyage en Am��rique semble bien ��tre la reproduction �� peu pr��s intacte du premier manuscrit; donc, comme je le disais, le premier livre de Chateaubriand. Il est int��ressant �� ce titre.
L'auteur est d��j�� un fort brillant ��crivain. Il est plein, nous le savons, de Jean-Jacques et de Bernardin. Comme peintre, il les ��gale, il ne les d��passe pas: ce qui n'a rien de surprenant, car il n'a que vingt-deux ou vingt-trois ans. Mais c'est d��j�� fort beau, vraiment.
Libert�� primitive, je te retrouve enfin! Je passe comme cet oiseau qui vole devant moi, qui se dirige au hasard et n'est embarrass�� que du choix des ombrages. Me voil�� tel que le Tout-Puissant m'a cr����, souverain de la nature, port�� triomphant sur les eaux, tandis que les habitants du fleuve accompagnent ma course, que les peuples de l'air m'enchantent de leurs hymnes, que les b��tes de la terre me saluent, que les for��ts courbent leur cime sur mon passage. Est-ce sur le front de l'homme de la soci��t�� ou sur le mien qu'est grav�� le sceau immortel de notre origine? Courez vous enfermer dans vos cit��s, allez vous soumettre �� vos petites lois, etc.
Il me semble que voil�� d'excellent Rousseau.
De m��me:
Cette terre commence �� se peupler... Les g��n��rations europ��ennes seront-elles plus vertueuses et plus libres sur ces bords que les g��n��rations am��ricaines qu'elles auront extermin��es? Des esclaves ne laboureront-ils point la terre sous le fouet de leur ma?tre, dans ces d��serts o�� l'homme promenait son ind��pendance? Des prisons et des gibets ne remplaceront-ils point la cabane ouverte et le haut ch��ne qui ne porte que le nid des oiseaux? La richesse du sol ne fera-t-elle point na?tre de nouvelles guerres? Le Kentucky cessera-t-il d'��tre la terre du sang, et les ��difices des hommes embelliront-ils mieux les bords de l'Ohio que les monuments de la nature?
Et encore:
Pourquoi trouve-t-on tant de charme �� la vie sauvage?... Cela prouve que l'homme est plut?t un ��tre actif qu'un ��tre contemplatif, que dans sa condition naturelle il lui faut peu de chose, et que la simplicit�� de l'ame est une source in��puisable de bonheur.
(�� moins, toutefois, qu'il ne regarde les choses presque uniquement pour les d��crire, qu'il n'ait dans son bagage un encrier, une plume et de gros cahiers de papier, et que, sous la hutte de l'Indien, il ne passe plusieurs heures par jour �� aligner des phrases artificieuses et savantes dont il attend la renomm��e et l'admiration des hommes,--comme faisait le chevalier de Chateaubriand: et c'est l�� sa principale mani��re de trouver �� la vie sauvage ?tant de charme?.) Et voici d'excellent Bernardin de Saint-Pierre, avec peut-��tre quelque chose de plus vif dans le pittoresque:
�� quelque distance du rivage, �� l'ombre d'un cypr��s chauve, nous remarquames de petites pyramides limoneuses qui s'��levaient sous l'eau et montaient jusqu'�� sa surface. Une l��gion de poissons d'or faisait en silence les approches de la citadelle. Tout �� coup l'eau bouillonnait; les poissons d'or fuyaient. Des ��crevisses arm��es de ciseaux, sortant
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