Chateaubriand | Page 6

Jules Lemaitre
?Il m'��coutait avec une sorte d'��tonnement.? (Vous verrez qu'il y avait de quoi.) ?Je m'en aper?us, et je lui dis avec un peu de vivacit��: Mais il est moins difficile de d��couvrir le passage du nord-ouest que de cr��er un peuple comme vous l'avez fait.--Well, well, young man! Bien, bien, jeune homme! s'��cria-t-il en me tendant la main.?
Qu'est-ce que le chevalier avait donc racont�� �� Washington? Et que voulait-il au juste? Voici (et c'est le fameux plan arr��t�� avec M. de Malesherbes, qui, �� ce qu'il me semble, ?en avait de bonnes?): ?Je voulais, dit-il, marcher �� l'ouest? (en partant de Baltimore) ?de mani��re �� intersecter la c?te nord-ouest au-dessus du golfe de Californie? (c'est-��-dire traverser l'Am��rique du Nord dans sa plus grande largeur, et la plupart des grands lacs et les montagnes Rocheuses), ?de l��, suivant le profil du continent, et toujours en vue de la mer, je pr��tendais reconna?tre le d��troit de Behring, doubler le dernier cap septentrional de l'Am��rique, descendre �� l'est le long des rivages de la mer Polaire et rentrer dans les ��tats-Unis par la baie d'Hudson, le Labrador et le Canada.?
C'est effrayant! Voil�� ce qu'il avait r��v�� de faire, il y a cent vingt ans, les mains dans ses poches. Comme il le dit avec une dr?lerie qu'il ne para?t pas soup?onner: ?Quels moyens avais-je d'ex��cuter cette prodigieuse entreprise? Aucun.? Il en prend d'ailleurs tr��s vite son parti: ?J'entrevis que le but de ce premier voyage serait manqu��... et, en attendant l'avenir, je promis �� la po��sie ce qui serait perdu pour la science.? Et alors au lieu de ce qu'il devait faire, voici ce qu'il fait (assure-t-il).
De Philadelphie, une diligence le conduit �� New-York. Puis il va en bateau, sur l'Hudson, jusqu'�� Albany. L��, il engage un Hollandais qui parle plusieurs dialectes indiens, et, par des r��gions encore sauvages, mais non compl��tement inhabit��es, il se dirige vers le Niagara.
Il entre dans la for��t vierge. Il y rencontre un hangar o�� un petit Fran?ais, M. Violet, ancien marmiton au service du g��n��ral Rochambeau, apprenait �� danser �� une vingtaine d'Iroquois. Il ach��te des Indiens un habillement en peau d'ours; il y ajoute la calotte de drap rouge �� c?tes, la casaque, la ceinture, la corne pour rappeler les chiens, la bandouli��re des coureurs de bois. ?Mes cheveux flottaient sur mon cou d��couvert; je portais la barbe longue; j'avais du sauvage, du chasseur et du missionnaire. On m'invita �� une partie de chasse qui devait avoir lieu le lendemain pour d��pister un carcajou.? Il est parfaitement heureux.
Il arrive au lac des Onondagas. Il rend visite au sachem, qui parle anglais et entend le fran?ais. Il suit une route trac��e par des abattis d'arbres; il est re?u dans des fermes de colons, o�� il y a des meubles d'acajou, un piano, des tapis, des glaces, et o�� les filles de la maison chantent du Paisiello ou du Cimarosa.
Il atteint le Niagara. En voulant descendre dans le lit de la cataracte, il tombe sur une saillie de rocher, o�� il se casse le bras gauche, raconte-t-il. Il demeure douze jours chez de bons Indiens. Puis, son Hollandais le quitte. Alors il ?s'associe �� des trafiquants qui partaient pour descendre l'Ohio?. Avant de partir, il ?jette, dit-il, un coup d'oeil sur les lacs du Canada?. (Un coup d'oeil, qu'entend-il par l��? Les lacs du Canada ne sont pas des mares).
Il arrive �� Pittsbourg, au confluent de Kentucky et de l'Ohio. Tout de suite apr��s, il nous d��crit le confluent de l'Ohio et du Mississipi. Mais une nouvelle compagnie de trafiquants, venant de chez les Creeks dans les Florides, lui permet de la suivre. ?Nous nous acheminames vers les pays connus sous le nom g��n��ral des Florides.? Cela, par terre, en ?suivant des sentiers?. Mais aussit?t, sans qu'on sache comment, il se retrouve sur l'Ohio. Il aborde avec ses trafiquants une ?le situ��e dans un des lacs que l'Ohio traverse. Il s'y amuse une journ��e avec deux jeunes Floridiennes, ?issues d'un sang m��l�� de Chiroki et de Castillan?.
Son itin��raire devient de plus en plus vague. ?Je me hatai de quitter le d��sert... Nous repassames les montagnes Bleues... J'avisai au bord d'un ruisseau une maison am��ricaine, ferme �� l'un de ses pignons, moulin �� l'autre. J'entrai demander le vivre et le couvert, et fus bien re?u.? C'est tout. O�� ce ruisseau? O�� cette maison am��ricaine? Nous ne savons pas. J'ai envie de dire:--Lui non plus, soyez tranquilles.
Dans cette ferme, coup de th��atre. Il trouve un journal anglais qui lui apprend la fuite du roi et son arrestation �� Varennes, et la formation de l'arm��e des princes. Subitement, il prend la r��solution de retourner en France. Il revient �� Philadelphie, et s'embarque pour le Havre le 10 d��cembre 1791.
Il avait pass��, d'apr��s les dates qu'il nous donne lui-m��me, exactement cinq mois
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 103
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.