Cham et Japhet | Page 8

Ausone de Chancel
les
causes de droit, et conféraient à l'affranchi l'exercice des droits civils et
politiques.
Un esclave était-il reconnu hors d'état de pourvoir à sa subsistance, en
raison de son âge et de ses infirmités, et son maître, pour se défaire
d'une bouche inutile, voulait-il l'affranchir, le ministère public pouvait
former opposition à l'affranchissement.
Une loi de 1833, avec ce considérant remarquable: «que la législation
comprend des pénalités qu'il est nécessaire d'abroger explicitement,
_quoique l'application en ait cessé depuis longtemps, soit par désuétude,
soit par des ordres ministériels ou des actes de l'autorité locale_,»
abolissait la peine de la mutilation et de la marque.
Une ordonnance du roi, de 1846, en complément d'une autre de 1841,
toutes deux concernant le régime disciplinaire des esclaves, portait:
«Le droit de police et de discipline n'appartient au maître que dans
certains cas: refus de travail, injures, ivresse, marronnage qui n'a pas
excédé huit jours, faits contraires aux moeurs, larcins, etc., etc. Tous
autres délits sont justiciables des tribunaux.

«L'emprisonnement ne pourra pas excéder quinze jours; une salle de
police devra être établie à cet effet sur chaque habitation; l'emploi des
fers, des chaînes et des liens est prohibé. Les entraves ne pourront être
employées qu'à la charge d'en rendre compte au juge de paix.--Le fouet
est maintenu pour certains cas; mais on ne peut l'infliger qu'une fois par
semaine, par quinze coups au plus et six heures seulement après la faute.
Il sera tenu chez tout propriétaire un registre coté et paraphé par le juge
de paix, où seront inscrits les punitions et leurs causes, le nom de la
personne qui les aura ordonnées et de celles qui auront été chargées de
leur exécution. Les esclaves peuvent porter plainte contre leur maître.»
Voilà pour les tortures. Les soldats des deux tiers de l'Europe, qui sont
réputés gens très-libres, échangeraient volontiers contre cette
législation celle qui les régit.
Par une loi de 1840, les procureurs généraux, les procureurs du roi et
leurs substituts, étaient spécialement chargés de se transporter
périodiquement sur les habitations, dans les maisons de ville et les
bourgs, les uns tous les six mois, les autres tous les mois et toutes les
fois qu'il y aurait lieu, pour s'assurer de l'exécution des règlements
relatifs aux esclaves, et consigner les résultats de leurs tournées dans
des rapports portant notamment sur la nourriture, l'entretien, le régime
disciplinaire, les heures de travail et de repos des noirs;--les exemptions
de travail, motivées sur l'âge et les infirmités; l'instruction religieuse et
les mariages des esclaves, etc., etc. Toute contravention rendait le
maître passible d'une amende prononcée en police correctionnelle.
La même loi imposait aux maîtres l'obligation de faire instruire leurs
esclaves dans la religion chrétienne, et aux ministres du culte de
pourvoir à l'accomplissement de cette obligation par des exercices
religieux à jours fixés, par l'enseignement du catéchisme et par des
visites mensuelles sur toutes les habitations de la paroisse.
Aux termes d'une ordonnance de 1846, des soeurs appartenant à des
congrégations religieuses étaient chargées de concourir, en ce qui
concernait spécialement les femmes et les filles esclaves, à l'exécution
des mêmes dispositions, et d'ouvrir des salles d'asile où étaient reçus les
enfants des deux sexes, qui, d'ailleurs, à partir de l'âge de quatre ans,

étaient admis dans les écoles gratuites.
D'après les ordonnances des 30 septembre 1827, 24 septembre et 21
décembre 1828, les Cours d'assises, appelées à connaître des crimes
commis envers les esclaves, étaient composées de trois conseillers à la
Cour royale et de quatre assesseurs. Les assesseurs étaient tirés au sort
parmi les colons éligibles aux conseils coloniaux, les membres des
ordres royaux, les fonctionnaires, avocats, médecins, etc., etc., et
concouraient avec les magistrats aux décisions des points de fait et de
droit. Cette combinaison mixte, où l'élément judiciaire était en minorité,
ne semblait pas suffisamment garantir aux esclaves les conditions d'une
parfaite impartialité. «C'est sous l'impression de cette insuffisance et de
quelques acquittements étranges que fut rendue ta loi de 1847[20].»
[Note 20: Galisset, Corps de droit français]
Dès lors, les individus libres, accusés de crimes envers les esclaves, et
les esclaves accusés de crimes envers des libres, furent traduits devant
une cour criminelle, formée de _sept magistrats pris parmi les
conseillers titulaires de la Cour royale_, les conseillers auditeurs, et, en
cas de besoin, les juges royaux. Et la déclaration de culpabilité ne put
être prononcée qu'à la majorité de cinq voix sur sept.
L'équité, cette fois, n'avait plus rien à craindre de la justice.
Tel était, très-abrégé, le nouveau Code français des esclaves; je n'en ai
toutefois analysé que les lois principales dans leurs principales
dispositions.
Le fait de l'esclavage admis, fait déplorable sans aucun doute, on rendra
cette justice à notre législation, qu'elle avait pris toutes ses mesures
pour lui enlever tout caractère odieux.
La loi musulmane, et par là j'entends
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