Cham et Japhet | Page 9

Ausone de Chancel
le Coran, les Hadits, ou livres des
traditions, et les nombreux commentaires du livre sacré, la loi
musulmane veille sur les esclaves avec une sollicitude plus humaine,
plus religieuse encore que la nôtre.

«Vêtez vos esclaves de votre habillement, et nourrissez-les de vos
aliments,» a dit le Prophète.
«Le fidèle doit fournir consciencieusement à la nourriture et à
l'entretien de son esclave, et ne point lui imposer une tâche au-dessus
de ses forces.» (Hadits.)
«Si votre esclave a travaillé pendant le jour, qu'il se repose pendant la
nuit.» (Malek.)
«Si vous ne pouvez pas entretenir vos esclaves, vendez-les.» (Sidi
Khelil.)
«Si quelqu'un de vos esclaves vous demande son affranchissement _par
écrit_, donnez-le-lui si vous l'en trouvez digne.» (Coran.)
«Le fidèle qui affranchit son semblable s'affranchit lui-même des
peines de l'humanité et des tourments du feu éternel.» (Coran.)
«Pardonnez à votre esclave soixante-dix fois par jour, si vous voulez
mériter la bonté divine.» (Hadits.)
«Ne dites jamais: mon esclave, car nous sommes tous esclaves de
Dieu;--dites: mon serviteur ou ma servante.» (Abou-Harira.)
«Si le maître commet envers son esclave une action blâmable et patente,
il lui donne par là droit à la liberté; par exemple, s'il lui coupe un doigt,
s'il lui arrache un ongle, s'il lui fend une oreille, s'il lui brûle une partie
quelconque du corps, s'il lui arrache une on plusieurs dents.» (Cheikh
ben Salomon.)
Une esclave est-elle vendue en état de grossesse du fait de son maître,
l'enfant naît libre et il hérite du père.
Celle qui a donné un enfant à son maître a désormais sa place et un
logement dans la tente ou dans la maison. On la désigne par une
qualification particulière, qui, sans l'élever au rang d'épouse, la place
au-dessus de sa première condition: elle s'appelle oum el ouled, la mère

de l'enfant; et son enfant jouit de tous les droits de liberté et d'héritage,
comme ses frères légitimes.
Un maître ne peut forcer deux soeurs à s'unir à lui ni à être ses
concubines.
Un maître a-t-il maltraité son esclave, lui refuse-t-il la nourriture, le
vêtement; lui a-t-il promis la liberté et manque-t-il à sa parole; l'a-t-il
associé à son commerce et lui retient-il sa quote-part de gain, le cadi
prononce.
Est-il prouvé qu'un maître ne peut nourrir ses esclaves; qu'en partant
pour un voyage il ne leur a pas laissé le nefka, somme nécessaire à leur
entretien, le cheikh El Blad les fait vendre[21].
[Note 21: Général Daumas et Ausone de Chancel, le Grand Désert. En
note: le Code des Esclaves, 1845.]
En quelques mots enfin, la loi musulmane prescrit et définit, avec un
soin scrupuleux, les formes et les conditions de vente et d'achat des
esclaves; de leurs mariages, de leurs divorces, de la tutelle de leurs
enfants, et les modes d'affranchissement qu'elle a faits très-nombreux.
Il est même accepté en principe qu'un esclave, après dix ans de services,
doit être rendu à la liberté, «parce que son travail a payé son prix.» Les
bons musulmans affranchissent également celui qui sait lire dans le
Coran et qui peut demander son affranchissement par écrit. Les
docteurs ont donné cette interprétation à la parole de Mohamed que j'ai
citée plus haut.
La loi mahométane a plus fait pour les esclaves que les traités de 1815,
la suppression de la traite et l'émancipation.
J'ai sous la main bien des textes à l'appui de ce que j'avance; j'en
choisirai un anglais pour qu'il soit moins suspect.
«Une fois installé dans la maison de l'acheteur, l'esclave, s'il est fidèle,
est bientôt considéré comme un membre de la famille. Les plus
intelligents apprennent à lire et à écrire, et acquièrent plus tard quelque

teinture du Coran. Celui qui est parvenu à en lire et à en comprendre un
chapitre recouvre dès ce moment sa liberté. Il en est dont l'intelligence
se refuse à comprendre les principaux fondements de la religion
musulmane; ceux-ci ne sont affranchis qu'au bout de huit ou dix ans. Le
musulman consciencieux regarde le nègre comme un domestique. Il est
remarquable que le fait de l'émancipation de l'esclave est tout à fait
volontaire de la part du maître, et j'ai vu des noirs si attachés à leurs
maîtres, qu'ils préféraient rester esclaves auprès d'eux plutôt que
d'accepter la liberté qui leur était offerte.
«Il ne faudrait pas cependant s'imaginer que les Arabes et les Maures
soient tous dans des dispositions aussi bienfaisantes à l'égard de cette
race dégradée; quelques-uns, dans la classe du peuple la moins
considérée, font des noirs un trafic infâme: ils les achètent et les
marient pour revendre ensuite leurs enfants[22].»
[Note 22: Jackson, Voyage au Maroc.]
Ce fait, constaté par M. Léo de Laborde[23] sur les rives du Nil, et par
le voyageur anglais dans le Maroc, se reproduit malheureusement sur
tous les grands marchés d'esclaves; mais, comme cet autre fait
déplorable,
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