Cent-vingt jours de service actif | Page 4

Charles R. Daoust
Place. Le
train arrêta et tout le bataillon alla réveillonner à l'hôtel voisin de la
gare. Le repas fut des mieux servis et très goûté des soldats qui
dévoraient les servantes des yeux tout en mangeant à pleine bouche; le
ventre et le coeur s'emplissaient à la fois, celui-là de mets et celui-ci
D'espérances.
[Illustration: RÉVD. PÈRE PROVOST, O.M.I.]

Plusieurs profitèrent de cet arrêt pour écrire des lettres à l'adresse de
leurs parents et de leurs amis. Une demi-heure plus tard le train se remit
en marche. Après quelques minutes de divertissement, les soldats se
mirent au lit et tout rentra dans le silence.
Vers les neuf heures, le réveil sonna. A dix heures et demie, l'on passa
à Pembrooke. Des soldats du 42e vinrent nous rendre visite et nous
firent plusieurs dons de tabac, etc. En cet endroit le colonel reçut une
lettre de Sa Grandeur Mgr Lorrain, vicaire apostolique de Pontiac. Le
saint évêque nous souhaitait beaucoup de succès dans notre entreprise
et terminait par ces paroles: "N. Z. Lorrain, ancien volontaire de
l'armée des hommes maintenant officier dans la paisible armée du
Seigneur."
A une heure de l'après-midi, nous descendions à Mattawa, L'appétit
avait eu tout le temps de se faire ressentir chez les soldats, et ce fut
avec joie qu'on se hâta de descendre des chars pour aller dîner. Mais
bernique! plusieurs furent désappointés; malgré que ce fût le Vendredi
Saint et qu'il y eût de la viande, le repas fut court; chacun se contenta
de dévorer en imagination les mets qu'il s'était promis de manger. Ici,
l'on se procura des bas, etc., crainte d'en manquer plus tard; car plus on
avançait, plus le froid augmentait. Le train continua sans arrêt jusqu'à
Scully's Junction, où l'on devait avoir à souper; mais par malheur on
n'avait pas été averti à temps et l'on n'avait que des cigares pour les
officiers.
Vers trois heures du matin, samedi, le train arrêta. Tout le monde fut
bientôt sur pied et le nom harmonieux de Biscotasing sonna comme
une trompette aux oreilles à moitié ouvertes des volontaires affamés par
le fameux repas de Mattawa. Si le nom fit une mauvaise impression sur
l'esprit déjà préjugé des soldats, l'apparition de grands vaisseaux
remplis de pruneaux confits, de fèves rôties, etc., leur remit le moral en
ordre.
Après un bon repas dont chacun se déclara satisfait, l'on continua. La
journée parut longue. Quelques-uns passèrent le temps à confesse ou
ailleurs, chacun suivant ses goûts. On arrêta quelques minutes à
Nemagosenda, puis le train se remit en marche et arriva à Dalton à neuf

heures et demie le soir. L'on s'attendait à descendre des chars en cet
endroit, mais le chemin de fer avait été continué avec beaucoup de
vitesse depuis deux jours et l'on se rendit jusqu'à Algoma, où l'on arriva
vers les dix heures.
Ici, un spectacle des plus gais s'offre à nos yeux. Des feux de bois
d'épinette ont été préparés d'avance et éclairent notre route jusqu'à une
certaine distance. Tous descendent des chars avec joie, car la
monotonie du voyage commençait à ennuyer les esprits des soldats.
Que de fois ne regretta-t-on pas plus tard les bons chars qui nous
avaient portés pendant deux jours et deux nuits à travers un pays
civilisé!
En voyant les traîneaux en attente les soldats poussent des cris de joie,
on veut changer de transport à tout prix et la nuit parait si belle que tous
ont hâte de s'enfoncer dans les profondeurs mystérieuses des bois que
les feux de joie leur font apercevoir dans le lointain. L'on part en
chantant et bientôt les échos de la forêt, répètent les gais refrains des
chansons canadiennes.
La nouveauté des paysages et le violent contraste des grands bois
silencieux avec le va-et-vient et le vacarme des villes excitent
l'imagination des esprits les moins poétiques. Il était curieux de voir les
charretiers s'enfoncer sans hésiter à travers ces arbres touffus, dans des
bois où le chemin était disparu, enfoui sous la neige, et où les moins
braves voyaient surgir de temps à autres d'énormes têtes de Sauvages
indomptés.
Vers minuit le silence commence à régner parmi les promeneurs déjà
fatigués de la marche et c'est avec une satisfaction prononcée qu'on
arrive à "l'hôtel de la Forêt" vers une heure du matin. Ici on nous sert à
manger, mais les hommes encore peu habitués à la nourriture qui fut
distribuée, préfèrent s'en passer et choisissent leurs places autour d'un
feu de camp.
Après une heure de halte au camp, on remonte en "sleighs" et la marche
se continue à travers les bois. A neuf heures du matin, le jour de Pâques,

on atteignit la fin de notre pénible voyage en traîneaux. Deux tentes
furent levées à la hâte en cet endroit appelé vulgairement "Lac aux
Chiens."
Ici, un accident des plus
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