emp��ch�� par des raisons, �� mes yeux d��cisives: ton p��re m'ayant d��j�� aid�� dans plusieurs circonstances, je ne pouvais m'adresser �� lui sans augmenter les obligations que j'avais d��j�� contract��es �� son ��gard dans des proportions qui n'��taient nullement en rapport avec ma situation financi��re; en un mot, je n'empruntais plus, je me faisais donner; enfin, je ne voulais pas m'exposer �� voir nos relations fraternelles g��n��es par des questions d'argent, et m��me �� voir les liens d'amiti�� qui nous unissaient bris��s par ces questions. Mais ce que je n'avais pas voulu faire, un de nos cousins le fit �� mon insu, et ton p��re apprit les difficult��s de ma situation; il vint �� Rouen et voulut r��gler cette affaire d'apr��s certains principes de commerce qui n'��taient pas les miens. Une discussion s'ensuivit entre nous; tu sais combien nos id��es sont diff��rentes sur presque tous les points; cette discussion s'envenima et se termina par une rupture compl��te, telle que nos relations ont ��t�� bris��es et que depuis ce jour nous ne nous sommes pas revus, malgr�� certaines avances que j'ai cru devoir faire, mais qui ont trouv�� ton p��re implacable.
?Si difficile que f?t ma position, je parvins cependant �� me procurer la somme qu'il me fallait, mais ce fut au prix d'engagements tr��s-lourds que je ne contractai que parce que j'avais la conviction que notre affaire devait reprendre et bien marcher. Elle ne reprit point. Elle vient de s'effondrer, me laissant ruin��, et ce qui est plus terrible, endett�� pour des sommes qu'il m'est impossible de payer.
?Si l'insolvabilit�� est grave pour tout le monde, combien plus encore l'est-elle pour un magistrat! admets-tu que le chef d'un parquet poursuivi par les huissiers soit oblig�� de parlementer avec eux, d'user de finesses plus ou moins l��gales, de les abuser, de les prier d'attendre? Les prier!
?Ce n'est pas tout.
?Il y a quatre mois je remarquai un affaiblissement dans ma vue, ou plus justement du trouble et de l'obscurit��. Tout d'abord je ne m'en inqui��tai pas. Mais bient?t les objets ne m'apparurent plus qu'entour��s d'un nuage et avec des formes confuses; en lisant, les lettres semblaient vaciller devant mes yeux, et se r��unir toutes ensemble au point que je n'apercevais plus qu'une ligne noire uniforme.
?Je consultai le docteur La Ro?, que tu connais bien; il constata une amaurose qui dans un temps plus ou moins long devait me rendre aveugle.
?On ne reste pas impassible sous le coup d'une pareille menace. Cependant je ne me laissai pas accabler, je r��solus d'employer ce que j'avais d'��nergie et d'intelligence �� lutter. Un de mes coll��gues et des plus ��minents est aveugle; ce qui ne l'emp��che pas de remplir les devoirs de sa charge: j'esp��rai pouvoir suivre son exemple et remplir aussi les miens.
?Tu as fait ton droit, tu sais que notre travail est de deux esp��ces, celui du cabinet et celui de l'audience; dans le cabinet on lit les dossiers, on prend des notes, c'est-��-dire qu'on fait usage des yeux; �� l'audience on conclut, c'est-��-dire qu'on fait surtout usage de la parole. Lorsque je sortis de chez mon m��decin, je rentrai chez moi et aussit?t je r��v��lai la v��rit�� ou tout au moins une partie de la v��rit�� �� Madeleine, en lui expliquant d'autre part notre situation financi��re; puis je lui demandai si elle voulait me servir de secr��taire et me lire les dossiers que j'avais �� ��tudier, en un mot ��tre, selon l'expression de Sophocle, ?la fille dont les yeux voient pour elle et pour son p��re.?
?Elle non plus ne s'abandonna pas, et si un mouvement irr��sistible de d��sespoir la fit jeter dans mes bras, elle r��agit contre cette faiblesse, et tout de suite nous nous m?mes au travail.
?Ces doigts habitu��s �� manier le pinceau et le crayon ou �� courir sur les touches du piano tourn��rent les feuillets poudreux des dossiers; ces l��vres qui jusqu'�� ce jour n'avaient prononc�� que des phrases harmonieuses savamment arrang��es par nos grand ��crivains, prononc��rent les mots baroques du grimoire en usage chez les notaires et les avou��s.
?Et moi, assis en face d'elle, je l'��coutais, mais sans pouvoir m'emp��cher de la regarder de mes yeux obscurcis et de me laisser distraire par les pens��es qui m'oppressaient; plus d'une fois je d��tournai la t��te et d'une main furtive j'essuyai les larmes qui roulaient sur mes joues; pauvre Madeleine! elle ��tait charmante ainsi! bient?t je ne la verrais plus! entre elle et moi la nuit ��ternelle!
?Mes affaires pr��par��es, je devais prendre mes conclusions �� l'audience sans notes, sans pi��ces, m��me sans code et en parlant d'abondance. La tache ��tait d'autant plus difficile pour moi, que jusqu'alors j'avais eu l'habitude de me servir tr��s-peu de ma m��moire, parlant le plus souvent avec mon dossier sous les yeux, et, dans les circonstances importantes, m'aidant de notes manuscrites qui me servaient de canevas. Malgr�� mon
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