application et mes efforts, j'��chouai mis��rablement. Que cette impuissance f?t le r��sultat de ma maladie, ce qui est possible, car l'amaurose est souvent une cons��quence de certaines l��sions du cerveau; qu'elle f?t due au contraire �� l'absence de cette facult�� que les phr��nologues appellent la concentrativit��, cela importait peu, ce qui ��tait capital, c'��tait cette impuissance m��me; et par malheur elle est absolue.
?Convaincu par cette d��plorable exp��rience que bient?t je ne pourrais plus remplir mes fonctions d'avocat g��n��ral, je fis faire des d��marches �� Paris pour voir s'il me serait possible d'obtenir un si��ge de conseiller; je n'avais gu��re l'esp��rance de r��ussir, mais enfin je devais ne rien n��gliger et tenter m��me l'absurde. Tu trouveras ci-jointe la r��ponse que j'ai re?ue: c'est la copie de mes notes individuelles et confidentielles qu'un de mes amis, un de mes camarades a pu prendre �� la chancellerie. Tu la liras, et non-seulement elle t'apprendra que je n'ai rien �� esp��rer, rien �� attendre, mais encore elle te montrera ce que je suis; au moment d'ex��cuter la r��solution que la fatalit�� m'impose, j'ai besoin de penser que lorsque tu parleras de moi avec ma fille, tu le feras en connaissance de cause.
?Voici donc ma situation: le magistrat et l'homme sont perdus, l'un par les dettes, l'autre par la maladie: si je n'offre pas ma d��mission, on me la demandera; si je la refuse, on me destituera.
?Destitu��, ruin��, aveugle, que puis-je?
?Deux choses seules se pr��sentent: mendier aupr��s de mes parents et de mes amis, ou bien me faire nourrir par ma fille qui travaillera pour moi �� je ne sais quel travail, puisqu'elle n'a pas de m��tier.
?Je n'accepterai ni l'une ni l'autre; ce n'est pas pour entra?ner cette pauvre enfant dans ma chute et la perdre avec moi que je l'ai ��lev��e.
?Tant que je serai vivant, Madeleine sera ma fille; le jour o�� je serai mort elle deviendra la fille de ton p��re.
?Il faut donc qu'elle soit orpheline.
?Je n'ai pas besoin de te d��velopper cette id��e, qui s'imposera �� ton esprit avec toutes ses cons��quences; c'est elle qui a d��termin�� ma r��solution.
?Nos dissentiments et notre rupture n'ont point chang�� mes sentiments �� l'��gard de ton p��re; je sais quelle est sa g��n��rosit��, sa bont��, son affection pour les siens, et quant �� toi, mon cher L��on, je connais ton coeur plein de tendresse et de d��vouement; Madeleine va perdre en moi un p��re qui lui serait un fardeau; elle trouvera en vous une famille, en toi un fr��re.
?Je sais que je n'ai pas besoin de consulter ton p��re �� l'avance et de lui demander son consentement; il acceptera Madeleine, parce qu'elle est sa ni��ce; mais �� toi, mon cher L��on, je veux la confier par un acte solennel de derni��re volont��.
?La pauvre enfant va ��prouver la plus horrible douleur qu'elle ait encore ressentie; je te demande d'��tre pr��s d'elle �� ce moment, afin que, lorsqu'elle sera frapp��e, elle trouve une main qui la soutienne, et un coeur dans lequel elle puisse pleurer.
?Demain tout sera fini pour moi.
?Je ne peux pas retarder davantage l'ex��cution de ma r��solution: ma gu��rison est impossible, ma destitution est imminente, et la perte compl��te de la vue peut se produire d'un moment �� l'autre; j'ai pu encore ��crire cette lettre tant bien que mal en enchev��trant tr��s-probablement les lignes et les mots, dans huit jours je ne le pourrais peut-��tre plus; dans huit jours je ne pourrais pas davantage me conduire, et Madeleine ne me laisserait pas sortir seul.
?Et pr��cis��ment, pour accomplir ce que j'ai arr��t��, il faut que je sorte seul; nous sommes �� la veille d'une grande mar��e, et demain la mer d��couvrira une immense ��tendue de rochers jusqu'�� deux kilom��tres au moins de la c?te; je partirai pour aller �� la p��che ainsi que je l'ai fait souvent; je n'en reviendrai point; je serai tomb�� dans un trou, ou bien je me serai laiss�� surprendre par la mar��e montante; ma mort sera le r��sultat d'un accident comme il en arrive trop souvent sur ces gr��ves; toi seul sauras la v��rit��, et j'ai assez foi en ta discr��tion pour ��tre certain que personne,--je r��p��te et je souligne personne,--personne au monde ne la conna?tra.
?Cette lettre re?ue, quitte Paris, fais diligence, et quand tu arriveras �� Saint-Aubin, Madeleine ne saura rien encore, je l'esp��re; au moins j'aurai tout arrang�� pour cela.
?Adieu, mon cher L��on, mon cher enfant, je t'embrasse tendrement.
?ARMAND HAUPOIS.?
�� cette longue lettre ��tait attach��e une feuille de papier portant un en-t��te imprim��,--la copie des notes de la chancellerie;--mais L��on n'en commen?a pas la lecture imm��diatement, et ce fut seulement apr��s ��tre rest�� assez longtemps immobile, an��anti par ce qu'il venait d'apprendre, ��tourdi par la secousse qu'il avait re?ue, qu'il revint �� ces notes et qu'il se mit �� lire machinalement.
Note individuelle.
Nom et pr��noms du magistrat.--Haupois (Armand-Charles).
Lieu et d��partement o��
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