Cara | Page 4

Hector Malot
alors....
--Est-ce que vous vous imaginez, mon cher, qu'un homme comme moi aurait accept�� M. L��on Haupois si j'avais admis la probabilit��, la possibilit�� d'un mariage prochain? Allons donc! Ce qu'il me faut, c'est un gar?on qui m��ne la vie de gar?on; c'est une r��gle de conduite. Voil�� pourquoi je suis entr�� chez M. L��on; c'��tait un fils de bourgeois enrichi et je m'��tais imagin�� qu'il irait bien: mais il m'a tromp��.
--Il ne va donc pas?
Joseph haussa les ��paules.
--Pas de femmes, hein? insista le gar?on de bureau en clignant de l'oeil.
--Mon cher, les hommes ne sont pas ruin��s par les femmes, ils le sont par une; plusieurs femmes se neutralisent; une seule prend cette influence d��cisive qui conduit aux folies.
--Eh bien, vous m'��tonnez, car, �� l'��poque o�� M. L��on n'��tait encore que coll��gien, je croyais qu'il irait bien, comme vous dites. Il venait souvent le jeudi au magasin avec un de ses camarades, le fils Clergeau, et, tout le temps qu'ils ��taient l��, ils restaient le nez ��cras�� contre les vitres �� regarder le d��fil�� des voitures qui vont au Bois ou qui en reviennent, et qui naturellement passent sous nos fen��tres. De ma place je les entendais chuchoter, et ils ne parlaient que des cocottes �� la mode; ils savaient leur nom, leur histoire, avec qui elles ��taient, et, en les ��coutant, je me disais �� part moi: ?Il faudra voir plus tard, ?a promet.? Je suis joliment surpris de m'��tre tromp��. En tout cas, si j'ai raisonn�� faux, pour le fils, j'ai tomb�� juste pour la fille.
--Mademoiselle Haupois-Daguillon s'occupait aussi des cocottes?
--Quelle b��tise! Comme son fr��re, mademoiselle Camille restait aussi le nez coll�� contre les vitres, mais le d��fil�� qu'elle regardait, c'��tait celui des gens titr��s. Tout ce qui avait un nom dans le grand monde parisien, elle le connaissait; il n'y avait que ces gens-l�� qui l'int��ressaient; elle parlait de leur naissance; elle savait sur le bout du doigt leur parent��; elle annon?ait leur mariage, et alors comme pour le fr��re je me disais: ?Il faudra voir;? j'ai vu; elle a ��pous�� un noble.
--Baronne Valentin, la belle affaire en v��rit��.
--Enfin elle a des armoiries, et la preuve c'est qu'on vient de lui finir �� la fabrique une garniture de boutons en or pour un de ses paletots, avec sa couronne de baronne grav��e sur chaque bouton; c'est tr��s-joli.
--Ridicule de parvenu, mon cher, voil�� tout; on fait porter ses armes par ses valets, on ne les porte pas soi-m��me.
Un coup de sonnette interrompit cette conversation.

III
Lorsque Joseph entra dans la chambre de son ma?tre, celui-ci ��tait debout, le dos appuy�� contre un des chambranles de la fen��tre, occup�� �� allumer une cigarette: les manches de la chemise de nuit retrouss��es, le col rejet�� de chaque c?t�� de la poitrine, les cheveux ��bouriff��s, il apparaissait, dans le cadre lumineux de la fen��tre, comme un grand et beau gar?on, au torse vigoureux, avec une t��te aux traits r��guliers, harmonieux, aux yeux doux, �� la physionomie ouverte et bienveillante.
--Une lettre pour monsieur, dit Joseph. L'adresse porte: ?Personnelle et press��e.?
--Donnez, dit-il nonchalamment.
Mais aussit?t qu'il eut jet�� les yeux sur l'adresse, l'int��r��t rempla?a l'indiff��rence.
--Vite une voiture, s'��cria-t-il en jetant cette lettre sur la table, un cheval qui marche bien; courez.
Comme Joseph se dirigeait vers la porte, son ma?tre le rappela:
--Savez-vous �� quelle heure part l'express pour Caen?
--�� neuf heures.
--Quelle heure est-il pr��sentement?
--Huit heures quarante.
--Allez vite; trouvez-moi un bon cheval; quand la voiture sera �� la porte, courez rue de Rivoli et mettez-moi dans un sac �� main du linge pour trois ou quatre jours, puis revenez en vous hatant de mani��re �� me remettre ce sac.
Tout en donnant ces ordres d'une voix pr��cipit��e, il s'��tait mis �� sa toilette; en quelques minutes il fut habill�� et pr��t �� partir.
Alors, sortant vivement de sa chambre, il passa dans les magasins et se dirigea vers la caisse:
--Savourdin, je pars.
--C'est impossible. J'ai des signatures �� vous demander.
--Vous vous arrangerez pour vous en passer.
Le vieux caissier leva au ciel ses deux bras par un geste d��sesp��r��, mais L��on lui avait d��j�� tourn�� le dos.
--Monsieur L��on, cria le bonhomme, monsieur L��on, je vous en prie, au nom du ciel....
Mais L��on avait gagn�� le vestibule et descendait l'escalier.
Au moment o�� il franchissait la porte coch��re, une voiture, avec Joseph dedans, s'arr��tait devant le trottoir.
--�� la gare Saint-Lazare! dit L��on, montant brusquement dans la voiture, et aussi vite que vous pourrez!
Le cheval, enlev�� par un vigoureux coup de fouet, partit au grand trot; aussit?t L��on voulut reprendre la lecture de la lettre, dont les premi��res lignes l'avaient si profond��ment boulevers��.
Mais la voiture franchit en moins de cinq minutes la distance qui s��pare la rue Royale de la rue Saint-Lazare: quand elle entra dans la cour de la gare, il n'avait pas encore tourn�� le premier feuillet; l'horloge allait sonner neuf heures.
Il ��tait
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